Rémi Chastel (1729 -1787)
458 pages
Français

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Rémi Chastel (1729 -1787) , livre ebook

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Description

Enfant abandonné, Rémi Chastel est recueilli par le curé du village. A 25 ans, c'est un bel homme intelligent et instruit. Le châtelain de l'endroit ayant abusé de sa demi-sœur, Rémi s'empare de l'or et d'un habit de cour de son maître, prend des leçons d'escrime auprès d'un brigand et tue le violeur en duel. Il s'enfuit en Louisiane. Chaque soir, en tenue de valet, il joue dans un tripot et gagne ainsi assez d'argent pour vivre, le jour, en seigneur. C'est ainsi qu'il se lie d'amitié avec une noble famille et s'éprend sincèrement de la cadette. Tandis qu'un ouragan dévastateur se déchaîne, un mariage et une naissance se dessinent. Mais l'imposture est découverte ; Rémi doit fuir de nouveau. Un roman d'aventures riche en rebondissements.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 mars 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332691507
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-69148-4

© Edilivre, 2014
Rémi Chastel (1729/1787)
 
 
Monsieur le comte de Castillon repoussa de ses mains gantées les doubles vantaux de la haute porte du salon bleu. Immobile à l’entrée, il parcourut du regard les aménagements de prestige que la marquise et lui-même avaient apportés à cette vaste et somptueuse salle de réception. Le soir venu, sous les feux des huit appliques rocaille, des deux chandeliers d’argent et des trois magnifiques lustres aux cinquante-six lumières, en bronze doré et cristal de roche, resplendissaient à ravir les meubles et décorations qu’il avait au fil des jours fait livrer pièce à pièce, sans s’émouvoir de la dépense car, lui avait-on signalé, « l’or des coffres n’est pas destiné à être contemplé mais répandu ».
Le regard flatté du comte faisait le tour de ces merveilles : le vaisselier, ses services et ses verreries, le guéridon et la table à la Bourgogne, chefs-d’œuvre de maître Migeon, les fauteuils et le canapé, le bureau plat de maître Cressent, les tapis de la Savonnerie, les verdures d’Aubusson, le cartel signé Lepaute, les miroirs de la Manufacture des glaces de France, les biscuits, les vases et leurs fleurs délicates en porcelaine tendre de la Manufacture Royale de Vincennes…
Toutes ces œuvres d’art faisaient l’orgueil de la marquise, qui entendait faire de sa toute récente demeure, loin de l’agitation et des intrigues de la cour, un havre de paix enchanteur. Monsieur de Castillon attendait encore la livraison d’une tapisserie de grande dimension, réalisée par la Manufacture royale des Gobelins, et qui serait mise en place à la brune dans le salon doré. Il formait des vœux pour que l’installation de cet Hôtel d’Évreux fût au goût de madame la marquise de Pompadour, son illustre propriétaire, qui attendait impatiemment à Meudon en son château de Bellevue le complet aménagement de sa nouvelle résidence parisienne.
Rien ne prédisposait Alexandre de Castillon à la fonction qu’il exerçait présentement. L’ancienneté de sa famille et sa position d’aîné le destinaient tout naturellement au métier des armes. Il avait donc servi le souverain avec toute la vaillance et l’habileté dont il était capable, ce qui n’avait pas manqué de lui attirer, eu égard à la considération de ses supérieurs, quelques pointes de jalousie de la part de ses pairs.
Hélas, une santé soudainement défaillante l’avait récemment contraint de mettre un terme à une carrière qui s’annonçait brillante et il avait dû se retirer sur ses terres. Or, l’état de son Aquitaine natale était loin d’être aussi florissant que jadis, lorsque le bordeaux était expédié aux suzerains anglais par cargaisons entières. D’aucuns avaient cru bon de « bouter les godons » à la mer, et ils avaient, à l’époque, du même coup privé la région d’une grande partie de sa richesse.
Au siècle suivant, pour parfaire le dommage, un arrêt du Parlement de Paris avait enjoint aux marchands de vin de la capitale de se fournir uniquement dans un rayon de vingt lieues. Ce qui excluait, avec beaucoup d’autres, le clairet d’Aquitaine, et avait alors ruiné nombre de vignerons.
L’arrêt était maintenant sorti des mémoires et n’avait plus valeur de loi, mais la situation ne s’était guère améliorée. Soit par facilité de charroi, soit peut-être aussi par ressentiment, les rois de France et la noblesse avaient, trois siècles durant, délaissé le bordeaux au profit des vins de Bourgogne, du Val de Loire ou de Champagne. Ce dernier était même devenu le favori de madame de Pompadour, le seul, disait-elle, qui « n’affecte en rien après boire la beauté ni l’esprit de la femme ». Le bruit courait à la cour que la première coupe avait été moulée sur son sein. Rumeur ou réalité ? Nul ne le saurait dire.
Le bordeaux commençait malgré tout à être apprécié à Versailles. Mais les négociants bordelais, sans doute rancuniers, prenaient soin de ne signaler au roi que les domaines situés sur la rive gauche de la Gironde et du cours inférieur de la Garonne, où s’élevaient jadis les châteaux des opulents et prodigues maîtres anglais. Le village de Castillon, qui produisait un vin d’aussi bonne qualité, portait pour son malheur un nom associé à la défaite et au départ précipité des « bienfaiteurs » ; il n’avait aucune chance d’être jamais cité à la cour. Seul opérait le bouche à oreille, ce qui n’apportait que maigre profit et mince consolation.
Doublement confronté au terme imprévu de sa carrière et au dénuement de certains de ses fermiers, monsieur le comte en avait été réduit, comme beaucoup, à se rendre à Versailles afin d’aller quémander auprès du roi une faveur susceptible de lui assurer un équipage digne de son rang et un peu de bien-être à ses gens.
Il était relativement aisé de s’adresser au Bien-Aimé, et même de lui soumettre une supplique. Point n’était besoin de se prévaloir de quatre quartiers de noblesse ; le simple port de l’épée et la présence du tricorne faisaient l’affaire. C’est ainsi qu’étaient agréés certains artisans d’art cependant simples bourgeois. Dans certains cas, un chapeau et une rapière de location pouvaient même suffire, pour peu que la vêture fût de bon goût. La condition était toutefois que l’entrevue eût lieu hors les murs du château, le Cabinet d’angle du roi n’étant accessible qu’aux ministres, aux proches courtisans… et à sa favorite. Castillon profita d’une promenade au parc de Sa Majesté, seulement accompagnée de quelques familiers, pour lui présenter sa requête. Le roi s’imposa de lire le placet et de s’informer courtoisement des tenants et aboutissants de l’affaire, masquant seulement de la main un bâillement furtif. Marchant à pas comptés à la gauche du souverain, légèrement en retrait et le tricorne sous le bras, Castillon attendait avec appréhension l’issue de l’entrevue.
Après avoir évoqué la douloureuse nécessité de la guerre, le charme des duchés de Lorraine et de Bar nouvellement acquis, la rudesse de la vie paysanne et la gratitude de l’État à l’égard des sujets méritants, le roi termina par ces mots d’espérance : « Il se trouve, Monsieur, que notre excellente amie, la marquise de Pompadour, nous a récemment fait part de son désir de meubler et décorer l’une de ses résidences, à savoir l’hôtel d’Évreux situé à Paris. En témoignage de reconnaissance pour les services que vous avez rendus, nous vous nommons intendant de notre très chère marquise aux fins de subvenir et veiller à l’agencement en meubles et décorations de sa récente demeure. Je vous souhaite, Monsieur l’Intendant, bonne réussite en cette affaire et, compte tenu de l’ampleur de la tâche à accomplir, je ne vous retiens pas davantage. »
Ainsi élégamment congédié, « Monsieur l’Intendant » avait salué chapeau bas et laissé le roi et sa suite poursuivre leur promenade.
A u souvenir de cet épisode humiliant, un pâle sourire d’amertume se dessina sur les lèvres du comte de Castillon. Par bonheur, depuis cette journée peu glorieuse, des pensées lui étaient venues, qui avaient mis un peu de baume sur sa blessure d’amour-propre. Il parvint à se persuader que la véritable valeur de l’honnête homme était de servir le souverain au mieux de ses aptitudes et en toutes circonstances. Or, il était manifeste qu’en cet office d’intendant il ne pouvait que s’estimer satisfait. À vrai dire, ses fonctions se bornaient à régler les fournisseurs et à faire mettre en place les meubles et objets que la marquise désirait posséder. À cet égard, force était de constater que madame de Pompadour avait le don subtil de dénicher l’artisan sans égal, l’artiste hors pair, dont elle savait par des grâces et des largesses exalter le talent. Il ne restait à l’intendant qu’à veiller à ce que les délais fussent respectés, que la marchandise fût remise en parfait état et que nul fâcheux incident – un parquet rayé, un meuble éraflé, une vitre étoilée – ne vînt entacher l’élégance des lieux. Quelque modeste que fût sa contribution, Castillon avait conscience d’agir avec zèle et compétence et avait finalement admis qu’il convenait de se satisfaire de la situation présente.
Il en était là de ses réflexions lorsqu’une soudaine crispation du visage altéra ses traits. Il porta vivement la main au côté. Depuis plusieurs semaines, peut-être plusieurs mois, il était coutumier de cette douleur latérale, souvent accompagnée de maux de tête et de nausées. Il se dirigea vers le guéridon, y prit une clochette de porcelaine bleue décorée de scènes bucoliques et l’agita doucement. Un jeune laquais se présenta dans l’encadrement de la porte mais s’abstint, par déférence pour les lieux, de faire un pas de plus. « Serviteur, Monsieur, et fort aise de l’être, lança-t-il gaiement en s’inclinant. Je vous souhaite le bonsoir et suis volontiers à vos ordres. »
Le maître et le domestique entretenaient les meilleures relations, faites de loyal dévouement pour l’un et de généreuse affection pour l’autre. Monsieur de Castillon avait horreur de l’obséquiosité, la plupart du temps hypocrite, que beaucoup de domestiques se croyaient obligés d’afficher ; lui-même ne pensait pas faire preuve d’inconvenance en s’adressant à un laquais sincèrement attaché, non par son nom patronymique comme l’exigeait l’étiquette, mais par son nom de baptême, lorsque toutefois la différence d’âge le permettait, comme c’était en l’occurrence le cas.
« Approche, Quentin, dit-il. Je te souhaite pareillement le bonsoir. » Le dénommé Quentin s’avança avec précaution et s’arrêta à cinq pas de son maître. « Dieu du ciel, Monsieur, s’écria-t-il, je vous trouve à nouveau triste mine. Ressentiriez-vous encore cette maudite douleur au côté ?
– J’en ai bien peur, hélas ! C’est pourquo

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