Roger Scalliet, 1944-1945 - La transition
282 pages
Français

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Roger Scalliet, 1944-1945 - La transition , livre ebook

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Description

Comment son évasion de France et ses années de combat au sein de la première armée française ont-elles changé mon père, jeune homme de bonne famille un peu superficiel, en un officier sûr de lui et, plus tard, en mari et en père exigeants ? Il me dit un jour qu’il se sentait coupable de n’avoir que de bons souvenirs de la guerre. Comment peut-on avoir de bons souvenirs d’un tel affrontement ?
J’ai suivi cette transformation à partir de ses confidences à la fin de sa vie et des carnets qu’il rédigea de mars 1944 à mai 1945. A chacune de ses phrases, je me demandais : où est-il exactement ? Que fait-il ? Quelles sont ces opérations dont il parle ? Quel rôle joue-t-il ? Quelle fut la contribution réelle de cette armée ? Marginale ? Essentielle ? L’histoire gagne à être relue, c’est certain...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 janvier 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332650986
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-65096-2

© Edilivre, 2014
Il ne s’agit pas d’un ouvrage d’histoire, mais d’une mise en perspective historique des carnets écrits entre juillet 1944 et mai 1945 par mon père, Roger Scalliet, alors aux armées.
Par dessus tout, il s’agit d’un travail sur ma mémoire et sur celle de mon père. Et dans une moindre mesure sur celle de ma mère Geneviève. L’aspect intime de ma démarche dépasse ainsi toute considération académique.
Mais, une fois que j’ai commencé, les choses ont pris une tournure inattendue. Je me questionnais à chaque phrase, à chaque mot ; que dit-il, où est-il, que fait-il, que pense-t-il ? Comment ces quelques mois ont-ils façonné le père que j’ai connu (bien plus tard, je suis né en 1953).
La matière est riche. D’abord il y a cette chance de disposer de ses carnets, et cette seconde chance de posséder une partie de ses mémoires, écrites 40 ans plus tard. Elles couvrent la période allant de sa naissance à juillet 1944, puis les carnets prennent le relais jusqu’en mai 45, avec cette différence que ses mémoires regardent vers son passé, tandis que ses carnets décrivent son présent. Enfin nous avons beaucoup parlé pendant les derniers mois de sa vie, époque d’adieu et de transmission.
Impossible de rien comprendre sans se documenter un peu. J’ai donc rassemblé dans la bibliographie les sources que j’ai utilisées et lues in extenso, mais sans faire l’effort d’indexer directement dans le texte l’origine de chaque élément. Je suis un peu paresseux aussi.
1 Introduction
Ceci est une transcription des carnets de mon père Roger Scalliet, tenus entre juin 1944 et mai 1945, période où il fut membre de la 1 e armée française comme aspirant artilleur. Ils ont l’intérêt de raconter les évènements au jour le jour, sans réorganisation a posteriori de la mémoire, et donc sans l’altération que peut entraîner le souvenir.
Il m’a peu parlé de la guerre pendant mon enfance, et je m’en fichais d’ailleurs, occupé à mes bêtises personnelles bien plus que des siennes. Mais certaines choses m’ont frappé. Par exemple, il m’a dit un jour qu’il se sentait coupable de ce que ses souvenirs de guerre soient des bons souvenirs… Comment peut-on avoir de bons souvenirs de la guerre ?
Vers la fin de sa vie, il m’expliqua qu’il avait connu trois ordres successifs. L’ordre religieux, puis l’ordre militaire et enfin l’ordre économique. Ces étapes correspondent à son enfance et son adolescence, à sa vie de jeune adulte, et à sa vie d’ingénieur, trois étapes donc qui croisent cet événement insensé que fut la seconde guerre mondiale.
C’est un trait important chez Roger de ne pas assister à de grandes choses sans y participer. Il envisage cet engagement comme un devoir d’homme, oui, littéralement un devoir tant il déteste la passivité (qu’il appelle mollesse). Il croit aussi que si la destinée l’a favorisé par la naissance et par l’intelligence, cela crée une obligation à laquelle il doit obéir : celle d’être un acteur plutôt qu’un spectateur.
C’est aussi un cartésien militant pour qui tout ce qui touche à la vie, l’amour, les décisions, les refus, doit être ancré dans la raison « pure ». Et malheur à celui qui laisse simplement son cœur parler, et pour qui les émotions ou les sentiments sont les meilleurs guides de son quotidien.
Il n’est cependant pas à cours de contradictions ; nous nous souvenons tous de ses achats compulsifs, toujours justifiés par une passion, pure mais éphémère : aquarium, train électrique, bateau à voile, appareil de photo… Ces faiblesses lui rendent un peu d’humanité, à côté de toute cette rigueur. Je pense que sa vie fut un combat intérieur entre le bonheur d’être futile et le devoir d’être exemplaire. Avec le recul je trouve qu’il s’en est bien sorti. Mais je ne prétends pas à l’objectivité, je l’aime trop pour ne pas pardonner un peu.
Les « carnets de guerre », appelons-les ainsi, couvrent la période militaire et laissent deviner, en filigrane, de subtiles modifications de sa personnalité. Il part en 1943 encore tout duveteux et baigné de tendresse familiale, et revient en 1945 avec une tout autre détermination, ayant pris part à de nombreuses actions meurtrières dans lesquelles pesait le poids de ses propres décisions. C’est cette transition qui me fascine et que j’essaie depuis longtemps de déchiffrer.
Je dispose quand même de pas mal d’éléments. Tout d’abord ses mémoires écrites à la fin des années 80, mais qui sont interrompues par sa mort en avril 1994 (il est né en 1921). Elles fourmillent d’anecdotes dans un style très travaillé, il aimait la précision du langage, mais bizarrement désuet. On dirait qu’il les a écrites avant-guerre… Ensuite les carnets eux-mêmes prennent le relais, dans un style beaucoup plus direct, au présent bien sûr puisqu’il écrit presque chaque jour. Cette écriture au présent rend le récit très… présent justement. Un style enthousiaste, sans états d’âme, armé de la certitude que ce qui va advenir est juste et ne pose pas la moindre question morale. On va à la messe le matin et on tire l’après-midi au canon.
Un éclairage tout à fait particulier vient des lettres que lui adresse sa fiancée Geneviève, ma mère. Elles permettent de lire en creux ce qu’il lui écrit, puisqu’elle lui répond souvent, et d’en apprendre ainsi un peu plus sur le personnage qu’il veut incarner. Mais je n’ai pas transcrit les lettres de maman, ce n’est pas l’objet de ce travail-ci. Et je n’ai pas non plus celles qu’il lui a écrites.
Ce sont bien les carnets de Roger qui sont ici recopiés, avec une mise en perspective de son témoignage grâce à une série d’annotations historiques dont la substance est glanée dans la littérature, plus quelques échanges d’e-mails avec diverses personnes intéressées par les mêmes évènements.
Par où commencer ? On trouve de-ci de-là, en fouinant sur internet, des récits de la seconde guerre mondiale rédigés par des soldats ou des officiers, offrant une vue pour ainsi dire au ras du sol d’évènements minuscules qui, additionnés, donnèrent cette immense campagne alliée de 1944-45. L’individu au combat n’a forcément que des connaissances fragmentaires des opérations auxquelles il participe. Pourquoi ?
Tout d’abord les plans en sont secrets. La pratique du rapt de combattant adverse est courante : un petit peloton de fantassins gonflés s’infiltre dans les avant-postes de l’ennemi et enlève en silence l’une ou l’autre sentinelle pour l’interroger : quelle unité, quel personnel, quel moral, quelle disposition des forces, où est l’artillerie, etc. Le secret sur ces dispositifs limite le danger de fuite en cas d’enlèvement, lesquels ne sont pas rares du tout.
Ensuite, seuls ceux qui ont à diriger une opération en connaissent les détails, et encore seulement les détails concernant leur partie. Toujours le secret. Roger rapporte dans une de ses chroniques sa convocation au 2 e bureau de la 1 e armée à Besançon (le renseignement militaire), où il est pressenti pour travailler (1 e décembre 44). Il semble que trop de fuites soient constatées au niveau de l’état-major sur des dispositions qui devraient rester discrètes. Je dis tout de suite que cela ne lui plaira pas, il préfère retourner à sa batterie, et son vœu est exaucé. Ce faisant je ne sais pas s’il poursuivra des missions pour le 2 e bureau à partir de sa position au front ou non, il n’en souffle plus mot.
Il est séparé depuis mars 1943 de Geneviève, sa fiancée toute fraîche qui n’a que 19 ans. Ils se sont promis avec la bénédiction de leurs parents en décembre 1942, mais en ne pouvant se voir que de manière très épisodique puisqu’ils habitent à plusieurs centaines de km l’un de l’autre, dans une France occupée où la circulation est compliquée. A partir de mars 43 il sera en Afrique puis au combat et il ne la reverra qu’au cours d’une brève permission en mars 1945.
1.1 Une enfance dorée
Il est discret sur son enfance Roger, il donne peu d’éléments concrets sur ses aventures, ses bêtises ou ses succès. Mais en lisant entre les lignes de ses mémoires, on devine un « diable », gentil, pétillant, charmant même (il n’y a qu’à regarder les photos…), mais prompt à faire des conneries si l’occasion se présente. Il dit par exemple : «  avant mon adolescence, étant d’un naturel trop entreprenant à leurs yeux, mes parents évitent généralement de me laisser à la maison en cas d’absence prolongée  ». Trop entreprenant au point de ne pas pouvoir être laissé seul avec les plus jeunes ?
Tout petit en Lorraine il quitte un jour la maison avec la canne et le chapeau de son père après avoir lancé à sa mère : «  Si c’est comme ça, je m’en vais ! ». C’est un des mineurs à Merlebach qui l’intercepte à la sortie du bourg… Une autre fois il râle de ne pas parvenir à ouvrir une armoire ; sa mère lui lance : «  Débrouille-toi !  ». Il va donc chercher une hache et en défonce la porte. En tout cas il ne manque pas d’énergie.
Plus tard, il est surpris la main dans le porte-monnaie de sa mère, et puni durement par son père qui le promène dans le quartier, avec une pancarte autour du cou « je suis un voleur ». Un très, très mauvais souvenir. Pourtant, il n’hésita pas à appliquer la même recette à mon grand frère Vincent quand nous habitions Bagnols-sur-Cèze. Il avait volé des Mistrals gagnants à l’épicerie. Vincent déclara jusqu’à son dernier jour que c’était la pire humiliation qu’il avait eu à endurer de sa vie.
Roger imite une punition qu’il avait lui-même si mal supportée ? C’est quoi cette transmission de cruauté ? Oui, évidemment, arrivé à l’âge d’être père ce n’est plus à l’enfant qu’il s’identifie mais à son propre père. La répétition est un gage de loyauté intérieure, le t

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