Royan d'un siècle à l'autre , livre ebook

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« Beaucoup plus tard, il avait compris pourquoi ce jour-là le vieil homme renonça à toute explication. Les mots se révélant parfois impuissants à nommer ce qui ne peut l'être. Il avait pédalé en suivant l'avenue de Pontaillac, bordée de maisons bombardées à différents degrés, d'autres épargnées on ne savait grâce à quel hasard, voirie et trottoirs récemment labourés par les véhicules blindés, venus en avril ouvrir le chemin pour libérer la Poche de Royan. En se rapprochant du centre de la ville, plus aucune rue n'existait. Devant lui, le panorama dévasté rejoignait brutalement les images projetées en noir et blanc durant toutes les années de guerre, avant n'importe quels films. L'horizon qui s'ouvrait ne présentait plus qu'une vaste zone jonchée de décombres de toutes sortes. » Royan est une ville martyre de la Seconde Guerre mondiale. Et comme le font souvent les victimes, elle a pansé ses blessures, continué sa vie et s'est tue. Indirectement, à travers Vincent et les siens, vivants et disparus, la cité de Charente-Maritime, reprend toutefois la parole. Personnage discret de ce roman qui énonce un double voyage (géographique et mémoriel), personnage au corps dévasté, elle dit ici ses traumatismes, ses impuissances et ses incompréhensions, et ouvre une fenêtre sur son passé pas tout à fait passé... tout en questionnant le sens de l'histoire et des actions humaines.

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Date de parution

06 juin 2014

Nombre de lectures

0

EAN13

9782342022742

Langue

Français

Royan d'un siècle à l'autre
Marcella Gombaud-Jutant
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Royan d'un siècle à l'autre
 
 
 
À la mémoire de Guillaume Gillet.
 
 
 
« … car l’homme est un hasard, et, pour l’essentiel, le monde est fait d’oubli. »
André Malraux – Antimémoires
 
 
 
 
 
 
En fin de saison, Vincent était venu passer quelques jours à Royan afin de remplir les dernières formalités concernant la vente d’une villa familiale. Parti de Dunkerque par le train, après une escale chez sa fille à Paris une voiture de location l’attendait à la gare de Saintes.
 
Il contourna la ville, dominée par le clocher de la cathédrale Saint-Pierre, laissant au loin celui de Saint-Eutrope. Une nouvelle voie de communication permettait désormais d’accéder plus facilement au littoral, des localités jadis traversées poursuivaient leur vie en marge, accessibles à partir de bretelles, espaces aménagés accueillant la publicité qui multiplie les enseignes au gré des saisons. Il dépassa Saujon, retrouva le camp de César ; l’illustre adversaire d’Astérix conviait les joueurs au casino de Pontaillac. Peu après il aborda Médis, l’église et le temple, catholiques et protestants réconciliés. Depuis plus d’un demi-siècle, le terrain d’aviation occupait un îlot de verdure, l’espace habitable gagnant toujours du terrain en approche d’une vaste zone commerciale subvenant aux besoins de la station balnéaire et d’une habituelle société de consommation.
Dans l’axe de la route, en direction de la ville, l’architecture innovante de Notre-Dame de Royan dressait au loin ses lignes de béton, clocher entre ciel et mer. Il dépassa la gare, les hauts murs du stade modernisé avaient disparu, il aperçut les habituelles voitures en stationnement, taxis et autobus se préparant pour l’arrivée d’un train. Le Cours de l’Europe longeait l’espace planté d’arbres accueillant depuis des lustres les joueurs de boules, et filait en direction de la poste centrale. Son cadran aux lignes modernes demeurait un point de repère sur la façade accusant déjà le passage du temps.
 
L’avenue Gambetta s’offrait naturellement à la circulation, on devinait la blancheur de coquillage de l’architecture du Marché central, dissimulée peu à peu par les arbres plantés là lors de sa construction et prenant chaque année de l’ampleur. Coulée dans un moule de béton, la ville avait acquis une dimension familière, les magasins se succédaient, ancrés dans une géométrie dont le découpage laissait de lieu en lieu apercevoir la mer.
 
Il ralentit, hésita quant au choix de l’itinéraire à emprunter, retrouvant le manège depuis longtemps familier mais déplacé afin de laisser un libre accès aux boutiques et restaurants alignés en bordure du quai amiral Meyer, desservant le port. À fleur d’eau, les voiles blanches d’une régate filaient au loin. Proches du Palais des Congrès, des places de stationnement paraissaient prêtes à l’accueillir.
 
Dès qu’il mit pied à terre, l’air du large vint l’envelopper, balayant toutes traces d’absence, d’années passées ailleurs. Accoudé au parapet, il essayait de prendre conscience qu’il venait remettre les clés de la villa familiale à une agence immobilière chargée de la vendre. Il se souvint d’un proverbe russe, cité jadis par son grand-père : « Le temps ne s’incline pas devant nous, mais nous devant le temps. »
 
La plage déserte de Foncillon captait encore le même soleil, passé englouti dans le flux et reflux des vagues, soumises à des lois qui vous échappent. Vacances dispersées, les siennes et celles de ses enfants, le rire de Lydie, leur mère désormais disparue. La sirène d’un bac en partance pour Le Verdon à l’entrée de l’estuaire de la Gironde le ramena à la réalité.
 
Il marcha sans but précis, face au soleil haut dans le ciel, emprunta le boulevard Thiers surplombant les bassins où viennent s’arrimer les bateaux de plaisance. La vue devenait panoramique, s’étirait en direction des rochers de Vallières. Un vieux réflexe l’incitait souvent à chercher du regard le grand hôtel « Océanic ». Considéré comme un point de repère dangereux dans la ville dévastée en janvier 1945 par un bombardement allié, il avait été détruit par l’ennemi quelques semaines plus tard.
 
Il descendit la rampe et se dirigea vers le front de mer. Restaurants, hôtellerie, commerces, appartements situés dans les étages formaient un ensemble rectiligne, légèrement incurvé, s’achevant face à un nouveau casino venu clore l’ensemble lors de la reconstruction de la ville. Son existence fut brève. Construit sur l’emplacement de l’ancien square Botton, et démoli en 1985, l’édifice se trouvait tout entier livré à la lumière du jour, offrant une grande salle de spectacles ouverte sur une rotonde, un ensemble coiffé d’une ample verrière. Un nouveau square lui succède, agrémenté d’arbres et de plantes accueillant visiteurs et vacanciers. À l’opposé, les murs blancs du restaurant « Le Tiki » établissaient un trait d’union entre deux parties de la ville édifiées à des époques différentes. Comme on retrouve une habitude, il décida de s’y rendre.
 
Tous les ans, le calendrier scolaire venait clore celui des plages, vitrines et commerces s’apprêtaient à traverser la basse saison bénéficiant encore des vertus d’un soleil généreux. L’espace depuis longtemps réservé aux manèges, boutiques à gaufres et barbes à papa, se trouvait déserté. Service en terrasses abandonné, le restaurant accueillait encore les clients dans de vastes salles aménagées face à la mer, dotées de larges baies laissant découvrir les vagues venant empiéter sur le sable, selon la force de la marée. Un calme souverain bénéficiait des vertus d’un soleil généreux. Il eut une pensée pour un ami souvent rencontré là, mais désormais disparu. Yves avait participé aux activités de l’agglomération, pratiquant le bien comme d’autres vous les dérobent. Furtif, comme passe la brise, Vincent retrouvait là l’écho de son rire.
 
L’ancien casino, fleuron de la Belle Époque, détruit lors du bombardement, se trouvait jadis dans cette partie de la ville. Mieux valait s’en tenir à l’excellent poisson déposé dans son assiette mais, comme si Yves lui faisait encore face, il lui semblait l’entendre citer un précepte auquel il avait parfois recours faute de pouvoir saisir la réalité de certaines situations : « Dotés de conscience, nous sommes des rouages dans un univers de rouages… »
 
 
 
 
 
 
La villa « les Courlis » lui apparaissait chaque fois inchangée, mais les volets clos et l’herbe, qui avait repoussé sous les feuilles commençant à tomber, opposaient ce jour-là une sorte de démenti à Vincent, venant rarement en automne. Les maisons alentour s’apprêtaient aussi à traverser l’hiver, il songea à l’expression « donner du temps au temps »… Mais dès qu’il pénétra à l’intérieur, fenêtres ouvertes face au paysage familier venant s’offrir à lui, il tourna le dos à l’aspect d’abandon de tout logement déménagé.
 
En direction de la mer on devinait la plage du Chay, proche de celle du Pigeonnier. Il se souvint de son jeune fils, jadis en quête de pigeons introuvables lorsque la saison balnéaire accueillait les touristes venant peupler les lieux : « Papa, pourquoi ils sont ailleurs ? On ne les voit pas… » Désormais, son fils vivait ailleurs. Il travaillait en Espagne, non loin de Barcelone et, comme les pigeons, il ne restait guère visible. Sa fille avait rejoint son mari à Paris sitôt leur mariage. Depuis la disparition de leur mère, il vivait seul à Dunkerque où il avait pris racines.
Il se prépara un café, bouilloire et dosettes laissées à portée de mains par sa sœur Alice, repartie à La Rochelle, où il devait la rejoindre. Installé sur le banc, face à un tilleul peut-être centenaire, il se disait que cette villa était aussi âgée que lui, nés tous les deux dans un intervalle de paix entre deux guerres meurtrières.
 
Absent plus de cinq ans, son père mobilisé puis prisonnier en Autriche, sa mère au travail, les grands-parents prenaient soin des enfants. Vincent avait appris à lire dans le journal. Sa grand-mère commentait à haute voix le Front Populaire, la Guerre d’Espagne, Munich, septembre 1939, juin 1940… À travers tant de drames, il avait peut-être acquis une référence avant tout humaine.
 
Du premier étage, la vue d’une rue si souvent empruntée jadis, longeant la côte jusqu’à Pontaillac l’incita à partir faire un tour. En traversant le parc de l’ancien lycée des Palmiers, devenu mairie de Royan, il entendait sans les voir les balles de tennis rebondir sur un court tout proche. La plage du Chay paraissait plus spacieuse qu’en saison, désormais invisible l’ancien Fort militaire longtemps tenu à l’écart de l’agglomération avait cédé le terrain à un établissement de thalassothérapie, des constructions modernes occupaient l’espace. Il retrouva un figuier familier, à l’ombre duquel à défaut de prendre un bain on venait boire un rafraîchissement.
 
Il dépassa la crique du Pigeonnier, longea les rochers où il venait pêcher des coquillages à marée basse. Désormais, hommes et femmes, joggeurs de tous âges, empruntaient la route en bordure de mer. Un bâtiment moderne de six ou sept étages émergeait non loin de l’opulent « Golf Hôtel », devenu Résidence, conservant ses tours qui veillaient là depuis plus d’un siècle, coiffées de clochetons recouverts d’ardoise. Une luxueuse villa lui faisait face, dotée d’un belvédère paré de fines statues se tenant en amont de la plage.
 
Adossées au versant opposé, d’ancienn

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