S enraciner au pays de l espoir
274 pages
Français

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S'enraciner au pays de l'espoir , livre ebook

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Description

Orillon dit Champagne quitte la terre de son duché d’Anjou natal pour naviguer à destination de l’Acadie et y travailler comme soldat maçon. Il se rappellera longtemps de l’année 1710 lorsque la France se plie sous le joug des Anglais. Trois ans plus tard, la France signe le traité d’Utrecht et renonce à l’Acadie ! Chassés de leur terre, les Acadiens se réfugient au Canada ou sont exilés en Nouvelle-Angleterre. Une poignée ira au village de Nicolet où au milieu des scieries, il y a de la belle ouvrage. Hors des sentiers battus l’auteur nous offre avec panache une aventure inédite qui implique les Québécois et les Français. Au travers les périples d’un maçon du XVIIe siècle, c’est l’émergence d’une jeune nation qui nous est contée. C’est avec une certaine délectation que le lecteur plongera avec Orillon dans les flots qui l’emportent vers le Nord !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 mai 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748376036
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

S'enraciner au pays de l'espoir
Michèle Champagne
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
S'enraciner au pays de l'espoir
 
 
 
Un jour, un maçon de la ville de la Flèche, située en France dans le duché d’Anjou au XVII e  siècle, prit un navire à destination de l’Acadie. Charles Orillon dit Champagne et ses descendants ne se doutaient pas qu’ils vivraient des événements qui marqueraient l’histoire parmi lesquels le Grand Dérangement de 1755 en Acadie et l’essor du village de Nicolet au Québec, près de Trois-Rivières.
 
À la mémoire de mon père qui nous raconta des bribes de cette grande histoire.
Michèle Champagne
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
La traversée du maçon Charles Orillon dit Champagne
 
 
 
 
1
19 mai 1697, un jour pâle tombe du ciel de Rochefort. Le navire Le Pélican tangue chargé de matelots, de soldats et de familles en route pour l’Acadie et la Nouvelle-France. Les tambours de la garnison résonnent au rythme du clapotis des premières vagues. Sur le pont, Charles voit de loin le quai. Sa première traversée remonte au 6 octobre 1688 sur Le Soleil d’Afrique à destination de la baie d’Hudson. L’équipage rebroussa chemin à cause du mauvais temps, des bourrasques de vent et du fleuve Saint-Laurent figé par les glaces. L’habileté du capitaine Bonaventure ne parvint pas à faire face aux caprices de dame nature. Charles tourne le dos à ses souvenirs, nourri d’un nouvel espoir par ce second départ. Dans les couloirs du bateau, les murmures des hommes et des femmes aux patois bretons, normands et basques deviennent silencieux lorsque le navire gagne la pleine mer.
À l’aube, Charles, accoudé au mât, sort une allumette de sa poche et allume sa pipe. Ses yeux s’ouvrent tout grands pour suivre les filaments de nuages roses et bleus dans le ciel. Un homme dans la trentaine, costaud et mince, s’avance vers lui d’un pas assuré.
— Bonjour. Difficile de dormir sur cette mer houleuse. Il paraît qu’on en a pour 50 jours de traversée. Je m’appelle Marc Gautier, originaire du Poitou.
—  Dieu vous bénisse, je m’appelle Charles Orillon de la Sarthe.
— Vous allez où ?
— En Acadie, au fort de Naxouat, soldat-maçon dans les Compagnies Franches de la Marine.
Charles regarde ce grand gaillard osciller sur ses jambes au fil des vagues.
— Je pars avec un contrat d’engagement pour trois ans en Acadie comme charpentier, annonce Gautier. Je ne sais pas où cela se trouve mais j’ai entendu dire qu’il y a des terres fertiles et du bois à perte de vue.
Gautier se secoue sans trop savoir s’il veut chasser la peur à l’évocation de ces grands espaces.
— Il paraît qu’il y a eu une sacrée bataille l’année dernière dans ce coin d’Acadie, reprend Gautier. La fusillade dura plusieurs jours. J’entends les tirs de mortiers, les canons gicler.
Ils contemplent le soleil qui pointe à l’horizon. « Rien que d’y penser, j’en ai la chair de poule », se dit Gautier.
— D’un côté la guerre, de l’autre, la famine, déclare Charles. Je ne sais pas comment manier le mousquet mais pour 20 livres par mois, on ne refuse pas, quel que soit le risque. Je gagnerai plus qu’un maître maçon sur ces terres sauvages, même si la vie de garnison ne m’enchante guère.
Gautier acquiesce en clignant de ses yeux ronds.
— Me voilà pourvu d’une avance sur mes gages, annonce fièrement Gautier. Aussitôt arrivé, je me présenterai à l’administrateur pour connaître mon lieu d’implantation. Je travaillerai pour un notable ou une institution. Je serai nourri avec du pain et du vin de France. Le petit coup de pinard chaque matin, 30 livres par an, une richesse !
— Pas mal pour un charpentier, concède Charles. Je suis allé plusieurs fois dans votre Poitou. J’ai voyagé à travers la France au gré des chantiers comme tailleur de pierre, sculpteur, torcheur, peintre.
— Moi, je n’ai rien vu d’autre que ma paroisse, et encore, je n’en connais pas tous les villages, ajoute Gautier. Beaucoup de charpentiers de navires et de gros œuvre préfèrent les petites Antilles. Mais la chaleur me rebute.
Charles se cramponne au cordage :
— Oh, voilà le mal de mer qui me reprend.
Gautier fait un pas vers Charles.
— Ça va ?
— Oui, oui, le rassure Charles d’un signe de la main.
Gautier reprend.
—  Ma femme et mes deux fils font partie du voyage. J’espère bien m’y installer pour de bon. Et vous ?
Ils poursuivent leur conversation en parcourant le pont et en évoquant leurs projets, leurs espérances. Puis, ils se saluent et quittent le pont.
2
Chaque jour, les soldats fixent la mer, guettant un bateau ennemi. Nulle ombre, encore moins un vaisseau battant pavillon anglais, ne surgit dans cet océan sans fin. Adossé au bastingage, Charles fixe les ourlets des vagues qui heurtent la coque.
— Naxouat… commence-t-il. Des forêts sauvages, des rivières pleines de poissons. Je vais enfin voir des Indiens. Et ce Nouveau Monde dont rêvait le paternel. Même pas eu le temps de saluer la famille avant mon départ. Malheur à ces dragonnades… Mes gencives saignent.
Gautier et Charles Orillon prennent l’habitude de se rencontrer sur le pont. Trois hommes les écoutent et se joignent à eux : Lafond, un sergent recruté pour superviser les travaux de Naxouat, Roger et Gentil, deux maçons engagés au fort Jemseg, tout près de Naxouat.
— J’ai travaillé pour un notable de Saintonge, dit Gentil ramassant au sol une corde épaisse, la tortillant entre ses mains. Son fils est chirurgien pour la Marine en Acadie. Il paraît que l’on y vit à la manière des Indiens : la nourriture, la chasse, les vêtements.
— On porte des plumes aussi ? le coupe Lafond.
Les hommes trouvent la remarque drôle et légère, comme une bonne plaisanterie. Des rires, des facéties à n’en plus finir pour rompre la monotonie des cinquante-quatre jours de traversée. Certains matins, les nuages courent et s’entrechoquent, le ciel devient menaçant, la mer éjecte ses fonds marins. Alors, la pluie tombe dru et tambourine sur le pont, poussée par les vents. À l’intérieur, les plats glissent sur les tables, les hommes dansent le quadrille sans musique, les enfants s’agrippent à la jupe de leur mère, d’autres se cramponnent à leur ventre. La soupe voltige et déborde du pot, le feu rend l’âme. Au menu les jours de tempête : de l’eau, du pain et du gruau. « Aïe, mes gencives », Charles avale péniblement la mie de pain aussi dure que du bois. Le mauvais temps s’éloigne, la pluie cesse, seul le vent demeure. Le cuisinier pourra enfin griller le cochon embarqué à bord. Venant de la cale, on entend les porcs grogner, les poules caqueter, dans ces bruits de basse-cour les ordres du capitaine sont étouffés comme dans du velours. Du poisson ! Des soldats font traîner des lignes de pêche derrière le mât. Belle prise, le germon, semblable au thon, régale les convives par sa chair rosée. Charles ne se souvient pas d’avoir vu pareille poiscaille sur le quai du Port Luneau à La Flèche.
— Grand banc à l’horizon !
Le cri d’un matelot brise l’épaisseur du silence. Le grand banc de Terre-Neuve ! Le navire disparaît dans le brouillard. Pendant deux ou trois jours, pas le moindre soupçon d’air, seules les cornes de brune résonnent dans le silence. « Où est la terre ? » se demande Charles. Au bout de trois lunes, la baie Française surgit en un long serpentin. Les côtes de l’Acadie apparaissent avec ses criques et ses feuillus. Des femmes et des enfants courent et saluent de la main les passagers : « Ohé ! Ohé ! ». Sur le pont, Charles redresse le col de son manteau, il aspire l’air à pleins poumons. « Destination atteinte, ma dernière chance ! » Charles Orillon, impressionné, ouvre la bouche pour crier sa joie mais il se retient. Le navire contourne la pointe et s’arrête à Port-Royal. Les soldats, sitôt le pied au sol, embarquent dans des canots pour rejoindre la rivière Saint-Jean et, de là, gagner le fort de Naxouat. Voilà maintenant plus de deux mois que Charles a quitté sa douce France.
3
Notes du lieutenant de Gannes. 28 juillet 1697.
« Cinquante-quatre jours de traversée. Latitude longitude : 45° 57’ 27’’ Nord 66° 38’ 40’’ Ouest. Heure locale à bord : 15 h 20. Temps et remarques diverses : mer calme, vent force 3 direction Nord-est. Averses intermittentes dès l’arrivée à Port-Royal. Nous continuons sur Naxouat à cinquante milles en aval de la rivière Saint-Jean. Vingt-six passagers et soldats sont morts depuis le début du voyage dont quatre enfants parmi eux. Que Dieu ait pitié de leurs âmes. Un porcelet volé dans une des cages, quelques soldats victimes du typhus ou du choléra sont mis en quarantaine. »
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Au fort de Naxouat, une nature sauvage
 
 
 
Le fort de Naxouat est situé à la jonction des rivières Saint-Jean et Naxouat, en Acadie, aujourd’hui près de Fredericton au Nouveau-Brunswick.
 
 
 
1
—  Allez, débarquez ! ordonne de Gannes.
La scène qui s’offre à leurs yeux est invraisemblable : des INDIENS ! Couverts de plumes, vêtus de peaux, les figures striées de peintures. Bien sûr, Charles connaissait l’existence des Peaux Rouges, mais de là à en voir, en chair et en os ! Il s’exécute à contrecœur en regardant tour à tour ces Indiens lancer avec adresse des pirogues pour aider à l’abordage. D’un pas pesant, ils s’enfoncent dans la boue en direction du fort les uns derrière les autres. La palissade du fort surgit entre les arbres… Six cents pieux flanqués de quatre bastions, cent quarante pieds de longueur. « Guère accueillant », Charles se demande s’il ne sera pas enfermé dans ce f

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