Survivre sous la Terreur
322 pages
Français

Survivre sous la Terreur , livre ebook

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322 pages
Français

Description

La jeune épousée présentée à la cour de Versailles en 1787 ne se doute pas que la Révolution va bouleverser sa vie deux ans plus tard. Père, beau-père et mari périront. Elle, dame de compagnie de Marie-Antoinette, devra fuir avec sa fidèle servante. C'est à Bordeaux qu'un hasard extraordinaire lui fera retrouver Madame Tallien, et que, grâce à elle, elle pourra embarquer pour l'Amérique avec François, un compagnon d'infortune. Là, ils deviendront fermiers jusqu'à leur retour dans une France bientôt dominée par Napoléon.

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Publié par
Date de parution 05 janvier 2014
Nombre de lectures 74
EAN13 9782336334752
Langue Français
Poids de l'ouvrage 23 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Célestine Ramonede
Survivre sous la Terreur Le destin d’une aristocrate
Romans historiques e Série XVIII siècle
Survivre sous la Terreur
Le destin d’une aristocrate
Romans historiques Cette collection est consacrée à la publication de romans historiques ou de récits historiques romancés concernant toutes les périodes et aires culturelles. Elle est organisée par séries fondées sur la chronologie. DIAZ(Claude),L’espoir des vaincus. Soldats perdus d’Abd el-Khader à Sète, 2013. THOUILLOT (Michel),En Lémurie ou Guerre et mythe dans l’océan Indien, 2013. GROSDIDIER(Christophe),Capitaine Stedman ou le négrier sentimental, 2013.CHALON(Tristan),La Reine Pharaon. Récit de la Nubie antique, 2013.SANDRAL(André),Une drôle de citoyenne, 2013. JOUVE(André Alfred),Les bactéries du Chemin des Dames, 2013. CAILLAUD (Hélène) et BLANC Christophe,Le nœud du monde.Un ambassadeur de circonstance au Kongo, 2013.SIMBERT (Jahel),Les ondes fugitives. Voyage à travers l’histoire des Antilles de 1785 à 1902, 2013. BERTHOME(Catherine),Les larmes de Cuba,2013. JOUHAUD (Fred),Le chirurgien du kaolin. Jean-Baptiste Darnet, l’homme de Porcelaine, 2013. DELACROIX (Joëlle),Le siège de Paris par les Vikings. Tome 1 : Les Vikings sur la Seine, 2013. DELACROIX (Joëlle),Le siège de Paris par les Vikings. Tome 2 : Le choix de Þorgils, 2013. Ces douze derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent. La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le sitewww.harmattan.fr
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Célestine Ramonede Survivre sous la Terreur
Le
destin
d’une
aristocrate
Du même auteur Images of Deception: The Art of Trompe-l'œil,Phaidon, 1979 The Impressionists in Context, Crescent Books, 1991 Catalogue of Paintings in Public Collections: The Tate Gallery Old Masters,Visual Arts Publishing, 1990 Catalogue of Paintings in Public Collections English Heritage, Guildhall, etc., Visual Arts Publishing, 1993 A Fashion Parade, Blond & Briggs, 1979 Armenian Art, Harry N. Abrams & Citadelles Mazenod, 1989 (Traduction) © L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-02113-3 EAN : 9782343021133
Avant-propos Certains survivants à la guillotine révolutionnaire ont rédigé leurs Mémoires. Femmes ou hommes, ils n’étaient certes pas tous écrivains, mais ils voulurent témoigner, souvent pour leurs descendants, d’un monde disparu, d’une époque à jamais révolue.  Le style de ces textes est souvent désuet. Les opinions exprimées manquent inévitablement de recul : ce sont celles d’individus éprouvés par la brutalité de ces années, par la terreur et la mort d’êtres chers. Ce sont souvent des auteurs qui ne parviennent pas à s’adapter à un univers si différent de celui qu’ils avaient connu.  Il est donc logique qu’ils aient manqué d’objectivité. Les historiens ont travaillé depuis à l’analyse complexe de ces années bouleversantes.  J’ai exploré un grand nombre de ces Mémoires, dont je me suis en partie inspirée.  Mes recherches m’ont permis de rédiger un texte rigoureusement documenté, par respect pour les lecteurs et pour celui des dix-huit années qui accompagnent l’héroïne de cet ouvrage.
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Mars 1794 : le blocus imposé par les autorités révolutionnaires est enfin levé et le port de Bordeaux retrouve une certaine animation. Des marins chargent les navires en s’interpellant, on leur crie des ordres, les portefaix ahanent sous les fardeaux, roulent à grand bruit des tonneaux sur les pavés ou déchargent des charrettes; des attelages débarquent des officiers de marine. Les quais sont encombrés de marchandises qui ne cessent d'arriver. Quelques promeneurs arpentent les quais. Madeleine range tant bien que mal leurs effets dans la cabine. Elle a eu très peur quand il a fallu sauter dans le canot pour aller du quai au navire, si énorme vu d’en bas. On entend enfin le raclement de la lourde chaîne de l’ancre qu’on lève et laMary-Janeimperceptiblement vers le milieu glisse de l’estuaire. Ce petit vaisseau de seulement cent cinquante tonneaux, sans canons, manœuvré par trois marins et un mousse sous les ordres du capitaine et de son second, parviendra-t-il à gagner le port de Boston, si loin, en Amérique ? Sur le pont, Henriette se laisse bercer par l’écœurant tangage du navire. Il fait frais en cet après-midi de mars et la brume qui estompe les formes alentour les rend presque irréelles. Elle n’est montée qu’une fois un navire. Entourée de nobles officiers désireux d’honorer son grand-oncle, président des États du Languedoc, elle avait été invitée en grande pompe à baptiser une nouvelle frégate. La jeune femme a un sourire amer. C'était tout au plus quatre ans auparavant. Le temps, interminable dans l’attente, la routine ou l’ennui, a pris une allure précipitée. Il faut garder la tête froide. En l'élevant, sa grand-mère l’a soumise à une rigoureuse discipline. Il fallait paraître, prendre sur soi, savoir se taire. Elle se souvient des interminables trajets avec elle vers la province. Pas même question de somnoler depuis le départ à l’aube jusqu’à l’après-midi, où elles arrivaient épuisées. Se tenir droite, garder son rang en toutes circonstances. A l’âge de douze ans, c’est en femme qu’il fallait se comporter. Le roulis, l’immensité de la mer et le confort précaire de ce navire valent bien les cahots, les routes poussiéreuses, le passage de gués gonflés par les fontes de neige, le carrosse toutes portes ouvertes pour que les eaux s’y engouffrent plutôt que de le renverser. Henriette revoit, avec un sourire espiègle, la scène où elles avaient dû se jucher précipitamment sur les banquettes, jupes relevées, terrifiées à l’idée de verser dans les tourbillons glacés. Malgré sa peur elle se souviendra toujours des piaillements aigus de Madame de Rolle, toutes convenances oubliées.
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Elle frissonne et se recroqueville sous son ample châle mais l’anxiété la pousse à rester sur le pont, à scruter les silhouettes qui déambulent. C'est l’arrivée d’une patrouille, d'un groupe vociférant de révolutionnaires ou bien de soldats qu'elle redoute encore. Elle ferait face à tout danger mais aucune fuite n'est possible d’ici. Leurs passeports sont en règle mais l'inquiétude pèse comme un poids dans son estomac. Elle veut encore essayer de voir, peut-être pour la dernière fois, les contours flous de cette belle ville neuve. Thérèse Tallien, en larmes, et Monsieur de Brocque, tous deux agitant au loin leurs mouchoirs, sont partis depuis longtemps.
La veille, Henriette a fait discrètement livrer tout ce qu’elle avait pu récupérer, leurs malles, une cinquantaine de bouteilles de vin de la propriété, du confit d’oie, des sacs de pommes de terre et de haricots, des confitures et même son petit piano. Elle sait que les marchandises françaises, si recherchées, se font rares à l’étranger depuis le blocus imposé par les révolutionnaires. Elle a donc rassemblé à la hâte tous les articles de luxe, les dentelles, les rubans, éventails, colifichets et même les partitions de musique qu’elle a pu réunir au château, de l’autre côté de l’estuaire. Les paysans ont certainement observé les mouvements de la jeune femme, qu’ils ne connaissent d’ailleurs pas : c'est la demeure de son beau-père, elle n’a jamais vécu ici. Ils l’ont laissée partir sans encombre. Elle pourra tirer un bon prix de ces menus trésors si jamais ils arrivent à destination. Elle a quand même plus de vingt caisses dans la cale, de quoi lester le navire !
Elle ferme les yeux, entend sans vraiment les écouter les matelots s’interpeller et le grincement des gréements. On a mis la voile et le navire s’éloigne du quai des Farines et du port. Leurs vies sont sauves cette fois encore mais l’estuaire est très long. La flotte révolutionnaire croise à l’embouchure du fleuve. Ils y échapperont probablement car le capitaine a calculé d’y être à la nuit. Plus loin, ce seront les Anglais, qui peuvent les envoyer par le fond. Monsieur de Brocque a tenté de la faire renoncer à cette aventure mais c’était le seul vaisseau en partance pour l’Amérique, où elle avait décidé de se rendre. Pourquoi ? Elle ne sait pas. Elle aurait pu choisir la Hollande, l’Allemagne, la Suisse ou encore l’Italie mais elle y aurait été absorbée par la société des aristocrates français en déroute, plongée dans une atmosphère dont elle ne veut pas. Les siens, demeurés loyaux aux souverains jusqu’à la dernière minute, l’ont payé bien cher. Comment pourrait-elle oublier les lettres sarcastiques que les premiers fuyards leur avaient envoyées pour manifester leur mépris, ceux-là mêmes qui avaient passé des années à intriguer à Versailles pour obtenir toutes les faveurs possibles, qui avaient flatté, prêts à tout pour favoriser leur clan familial ? Dès qu’ils avaient senti le vent tourner, ils avaient déserté et s’étaient retournés contre ces monarques auxquels ils devaient tout car avantages, pensions, régiments, revenus d’abbayes ou autres fructueuses sinécures étaient bien rarement obtenus par le mérite. Qu’ils continuent d’ourdir des complots, qu’ils fassent
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les hautains auprès des nobles étrangers qui leur donnent si aimablement l’hospitalité, que s’incrustent à leurs frais ceux qui n’ont pas pu emporter la fortune nécessaire à tenir leur rang, soit, mais sans elle. Non, il lui fallait une terre neuve dont elle avait rêvé au récit de La Fayette et de ses amis officiers. L’Amérique, donc, une folie, peut-être. Et puis elle n’est pas tout à fait seule. Il y a là une présence masculine sans laquelle une telle entreprise eut été impensable, le vicomte François d’Aignan, et sa chère Madeleine, sa servante compagne depuis si longtemps déjà. Monsieur d’Agnan ne pouvait rester caché à Bordeaux au risque d’être dénoncé, compromettant sa vie ainsi que celle des amis qui le protégeaient. Son sort n’était guère plus enviable que celui d’Henriette. Ils avaient enfin décidé de partir ensemble et de partager un destin incertain. « Mes pauvres enfants, c’est aller de pire en pire. Je n’aurai de cesse d’avoir de vos nouvelles, vous le savez, mais je ne les veux point funestes ». LaMary-Janeest arrêtée deux fois par des navires de garde qui vérifient les papiers, et le soir ils mouillent près d’un bateau en partance pour l’Angleterre avant d’aller dîner à terre. Halte étrange alors que Henriette s’était déjà préparée à la grande traversée. L’estuaire est si large à présent qu’on ne distingue plus la rive opposée. Elle a le temps de rédiger une lettre pour sa tante la princesse de Chauny, et de la faire remettre au capitaine du navire qui se rend à Londres. Il faut annoncer son départ. La princesse se chargera ensuite d’en informer son grand-oncle et sa grand-mère. Cette parente par alliance, qui lui avait montré de l’affection et qui avait dirigé ses premiers pas à la cour de Versailles, s’est vite réfugiée à Londres, comme son grand-oncle et sa grand-mère : chacun pour soi. Henriette savait qu’en les accompagnant, bien qu'elle y ait de la famille, elle devrait y vivre sous leur coupe comme au passé puisque son époux n’est plus là pour la protéger et gérer son existence. Tout plutôt que de vivre de nouveau sous la tutelle acariâtre de sa grand-mère. Elle redoute même l’emprise de sa tante de Chauny, qui voudrait sûrement la remarier au plus vite, mais ces quatre dernières années ont forgé son caractère : mieux vaut la fuite et l’aventure que de se soumettre à ses volontés. Madeleine est malade et ne veut pas quitter la petite cabine qu’on leur a allouée. François d’Aignan et Henriette s’installent dans l’unique auberge avec le capitaine américain de laMary-Jane, et ils apprécient un repas copieux comme on ne peut plus en avoir en ville, où on a besoin de cartes d’alimentation en viande et en pain, ce mauvais pain de section pour lequel il faut tout de même faire la queue.
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