Un air si démodé
158 pages
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Un air si démodé , livre ebook

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Description

Un vieil homme entre dans la vie de Bruno le jour de l'enterrement du père de celui-ci. Hasard ou réalité, il semble avoir un air de ressemblance avec le grand-père de Bruno qui a disparu dès les premiers jours de la Seconde Guerre mondiale. Il était parti rejoindre les forces françaises en Angleterre. Depuis, plus de nouvelles. Cette nouvelle apparition sera-t-elle une opportunité de se lancer sur les traces du grand-père disparu ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332906533
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-90651-9

© Edilivre, 2015
Chapitre 1
L’orgue jouait un de ces airs éternels qui accompagnent votre état d’âme et qui crée en même temps votre tristesse. J’avais l’impression que ma tête était gonflée. Elle allait éclater ; c’est sûr ! Un tourbillon malsain emportait tous ceux qui étaient autour de moi. J’avais beau tourner le regard dans tous les sens, partout les visages plongeaient vers le sol. Tous pleuraient ou presque. Tous avaient leur mine la plus défaite. De circonstance ou sincère. Allez savoir. Moi, je souffrais. Profondément. Mais je ne devais pas le montrer. Pas trop. Nous sommes le 15 Novembre 1996. Je suis le fils de celui que l’on enterre aujourd’hui. Il me laisse seul. Je reste comme chef de tribu. Ou du moins ce que lui m’en a inculqué. La tête droite, raide ; le regard vide, horizontal. Mais de quelle tribu ? Je viens de perdre mon père. Mon unique père. Celui avec qui j’aurais pu partager tant et tant. Avec qui j’aurais dû partager tant ! Mais voilà, j’ai l’impression qu’il est parti trop vite. Je n’ai pas su. Il n’a pas pu ?
Le prêtre va bénir le corps. Déjà l’assemblée bouge. L’adieu va être total. Il y a les amis du bureau. Et les ennemis. Il y a ceux aussi qui auraient aimé l’être, ami ou ennemi, mais qui ne furent rien ; alors ils essaient de se refaire aujourd’hui. Dieu saura reconnaître les siens ; qu’Il commence par mon père… La famille proche et éloignée est aussi là, bien sûr. Le cercle des amis s’est déplacé. C’est évident. Certains ne peuvent pas cacher leur détresse. Son ami d’enfance, celui de toujours, des grands et moins glorieux moments, a un regard perdu dans le vide. Vers nul part. Il y a l’autre, l’ami turbulent ; celui qui vit si indépendant qu’il pourrait se dire solitaire. Et pourtant il dépend tant des autres. Peut-être tant et plus de mon père. Il y a la famille, forcément éloignée car les années ont fait leur ravage dans une famille déjà peu nombreuse. Les cousins très éloignés qui viennent de presque toute la France et qui l’ont connu surtout jeune. Image idéalisée dans leurs yeux de celui qui part car c’est aussi leur jeunesse qui s’envole. Tiens, qui est celui-ci ? La coupe de son costume est trop ancienne, son style dépassé et son âge pas en phase avec les autres. Il a dépassé la limite d’âge des copains de mon père. Il se déplace avec une canne mais son allure est assurée, comme celle d’un homme qui en a vu de toutes les couleurs. Il marche debout ; c’est certain. Je ne l’ai jamais vu auparavant !
Ma mère me prend le bras. Je la regarde. Elle aimerait que tout cela cesse, je le sais. Elle voudrait se retrouver dans l’intimité de son appartement et pleurer tranquillement, sans tout ce monde où elle se sent perdue. Pour elle, l’existence vient de voler en éclat, il y a quatre jours, quand il a demandé à ce que l’on arrête les aides respiratoires après une dernière nuit de lutte acharnée contre la maladie. Il est parti presque naturellement après un combat éperdu. Mais, avec ce dernier souffle, ma mère a perdu aussi une grande partie de sa respiration. Nous l’avons assisté, ma mère, ma sœur et moi, jusqu’au bout. J’avoue que c’était presque grandiose. Je pensais – nous pensions – que cela pourrait peut-être le sauver. On a vu quelquefois des rémissions étonnantes. On y croyait de façon obscure. On voulait y croire pour de bonnes raisons. Cependant, nous nous rendions compte qu’il y avait quelque chose de définitif, un peu comme si la maladie avait gagné et que l’issue était inexorable. Ma mère qui avait passé toute sa vie avec lui le sentait bien. Il avait beaucoup lutté mais cette fois il allait perdre. Elle le savait plus que ma sœur et moi.
Avec elle non plus, cela n’a pas été évident. Une mère avec un fils, ce n’est pas toujours simple. Aujourd’hui pourtant, je suis là à ses côtés pour assumer avec elle.
Lui, l’inconnu, que j’ai vu tout à l’heure, il s’avance vers le cercueil et se recueille. Qui est-il ? Vraiment, je ne le connais pas. Sa façon de se mouvoir ne m’est pas inconnue. On dirait un peu celle de… mon père. Surtout sur la fin quand il était malade et fatigué de supporter cette maladie et ses traitements. On aurait dit que tous les moments les plus éprouvants de sa vie, il les avait là sur ses épaules et qu’il n’en finissait plus de les porter. Mais son allure était digne. Comme d’habitude. Oui, ça lui ressemble. C’est bien cela. Confusion des genres entre un vivant et un mort. Images du passé qui reviennent au présent.
Il y a ma sœur. Elle est là aussi ; digne, comme d’habitude. Je ne sais presque rien d’elle ou si peu. Nos vies se sont déroulées en parallèle sans presque se croiser. Je crois que je l’admire dans sa façon de vivre même si ce n’est ni la mienne ni celle à laquelle j’aspire. Elle pleure aussi, et ses enfants. Sur les quatre, il n’y a que les deux aînés qui sont là. Ce sont deux filles qui ont le même âge que mes deux fils, à une semaine près. Ah, mes fils, eux, ils sont un peu comme un prolongement de moi ! De tout ce que je suis et de tout ce que je n’ai pas réussi à être.
L’inconnu s’éloigne de son pas digne mais hésitant. Il se retourne pour regarder une dernière fois le cercueil. Ma femme me tire par le bras pour me faire remarquer que le temps des condoléances est venu. Ils vont tous défiler, les uns après les autres. Suis-je, sommes-nous obligés de tous les voir ?
Cher père, nos relations ont été si ratées et tu me laisses dans un tel désarroi.
Les jours qui suivent l’enterrement sont les plus durs et les plus beaux aussi. Les sentiments exacerbés suivent les moments de désespoir. On dirait que la vie prend son envol réellement dans ces moments-là. On se sent comme transcendé. Pourtant on devient simplement humain, pleinement humain. Tout l’espoir et tout le désespoir se donnent rendez-vous pour vous faire ressentir le cynisme du destin humain. Les vivicitudes du quotidien s’éloignent comme elles devraient le faire plus souvent plutôt que de vous prendre la tête à chaque instant et vous faire perdre de vue l’essentiel. Envolés, les managers ou les clients trop pressés. Disparus les klaxons stupides. Finis les curriculum vitae à remplir de vide. Les questions fondamentales reviennent alors. Le but du jeu, c’est quoi au juste ?
Des personnes plus ou moins connues défilent devant nous, la famille proche. Je serre machinalement les mains qui se tendent. Je ne vois plus très bien ce qui se passe ; ma tête est prise dans un étau. Pourtant, une sorte de réconfort m’envahit. Je suis heureux de voir que mon père était si aimé. Ou si respecté ? Tout tourne dans ma tête et s’embrouille. Est-ce bien réel tout cela ? Tout flotte, par moments, dans ma tête comme dans un brouillard accompagné d’une apesanteur irréelle.
Quelques jours après, alors que ce que l’on appelle la vie avait repris le dessus, je suis allé au cimetière. Après cette période de suffocation, je voulais retrouver un peu de plénitude.
Une tombe, c’est un peu de chez soi au passé, mais sur un mode de compression. Imaginez un peu. Sous la dalle de marbre, il y a quatre générations de votre famille. Là, sous votre regard. On se sent comme à la maison. Le bruit en moins ! Parce que, eux, ils ne parlent plus, sauf par procuration. Vous devenez leur interprète. Et vous pouvez leur prêter les paroles que vous voulez. Une revanche posthume ! Enfin pour ceux que vous avez connus. N’est-ce pas chères grands-mères ? Ah, il y aurait de quoi écrire un roman si on vous rendait la parole ! Vos échanges de remarques pincées, grands-mères, étaient un modèle de guerre des tranchées en toute politesse.
« Oh, mais moi, j’ai toujours aimé la campagne… » attaquait la grand-mère paternelle, bien assise dans un fauteuil sur la terrasse de la résidence secondaire de Son Fils. Fils unique, admiré et chéri !
« C’est fou comme je ne me ferai jamais au calme, au vert et aux p’tits oiseaux » rétorquait la grand-mère maternelle en ajoutant : « rien ne vaut le miel de la rue. Ses gens, ses bruits, ses ragots,… C’est tellement bon ! Ici, on dirait que tout est mort » Et toc. Là, c’était parti pour un échange au filet, correct mais cinglant.
Les scènes les plus hilarantes se situaient au moment des repas. Là, c’était un peu comme un combat de judo où chacun s’observait pour savoir qui lancerait la première prise pour avoir le privilège d’être maître de la cuisine. Chacun y jouait des coudes pour prendre possession de l’évier et du plan de travail. Puis c’était pour mettre la table puis pour débarrasser. J’ai même vu des invités se voir retirer leur assiette avant qu’ils n’aient fini ! Et, toc, c’est une que l’autre n’aura pas débarrassée !
Je me souviens que cela mettait mon père dans des rognes pas possible. Aujourd’hui, il est là, aussi, à quelques centimètres sous terre. « Tu viens de les retrouver et je suis sûr que tu as plein de choses à leur dire, à ton tour… ».
En pleine rêverie, le bruit des feuilles mortes que l’on foule me ramène à la réalité. Il fait froid ; il fait gris en ce mois de Novembre. Comme cet homme, qui passe dans mon dos. La tête dans les épaules, le regard sombre. Sa démarche est lente, heurtée mais digne. Un homme qui marche debout. Un homme qui assume le poids d’être un être humain ! Avec une canne. Je l’ai déjà vu quelque part ? Oui, à l’église, c’est bien lui. L’homme au maintien si digne et si démodé ? Sorti d’un autre temps. Que fait-il ici, maintenant ? Il marche vraiment difficilement. Il s’arrête. Il faut que je m’adresse à lui. Il s’approche.
– « Bonjour »,
C’est fou comme un mot banal peut devenir un océan d’espoir, une ouverture vers une nouvelle vie. C’est lui qui a parlé en premier

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