Un verrou sur la gueule
272 pages
Français

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Un verrou sur la gueule , livre ebook

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Description

« Pendant de longues minutes, la mère, les yeux remplis de larmes, le corps droit, Lucienne sur ses genoux, resta là figée sur sa chaise. Un bassin d’eau qui avait pris la couleur du sang à ses pieds, des draps souillés et Rosemarie presque morte dans le lit juste à côté d’elle. Intérieurement, elle se dit que cette bonne petite aurait pu être sa bru, que ça aurait été son souhait le plus cher ; mais maintenant elle devait admettre que ses agissements n’avaient rien apporté de bon. Rosemarie saurait-elle prendre le recul nécessaire pour pouvoir vivre sa vie avec cette meurtrissure au cœur ? Il le faudrait, sinon elle-même ne pourrait pas survivre avec un tel poids sur la conscience. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 février 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342000504
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un verrou sur la gueule
Adrien Grosset
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Un verrou sur la gueule
 
 
 
Illustration de couverture  : l’œuvre est de Marcel Gagnon de Sainte-Flavie sur le fleuve Saint-Laurent, au Québec. L’auteur du roman perçoit les personnages représentés comme des êtres qu’on aurait bâillonnés et qui resurgissent de ses passés.
 
 
 
 
Avant-propos
 
 
 
Il faudra lire cet ouvrage en gardant à l’esprit que le narrateur cherche à éveiller l’intérêt du lecteur avec des images inspirées de faits réels. Dans certains cas, les noms des personnages et les lieux ont été soit modifiés, soit inventés. Les évènements relatés dans ce roman sont en partie vrais, même si plusieurs passages relèvent de la fiction et dans ce cas, toute ressemblance avec des personnes réelles ne saurait être que le fruit du hasard
 
Dans le monde réel, il faut se rappeler que l’humain vit sa vie au jour le jour, les lendemains qu’il nomme communément des « plus tard » lui semblent abstraits. Ensuite, quand il atteint l’âge des « plus tard », il se représente les jours passés sous forme de tableaux qu’il peine à replacer dans le bon ordre. Avec le recul, ces tableaux, qu’il qualifiera de flashs, lui serviront à constituer son histoire et il sera surpris de constater que ses proches, ses amis et ses voisins auront également retenu, déformé et incorporé dans leur propre existence ces mêmes flashs. Et il se surprendra davantage quand il s’écoutera vivre dans l’autre, car l’humain ne se voit et ne s’entend que par l’autre.
 
Est-il besoin d’ajouter qu’une vie dénuée de drame n’est pas intéressante ; c’est une vie qui n’existe pas parce que le romanesque n’a pas sa place.
 
Et si…
 
Dans le titre de cet ouvrage le narrateur a utilisé le mot « gueule » plutôt que « bouche », car lorsque l’être humain est relégué au rang d’animal, le mot bouche ne convient plus.
 
 
 
Prologue
 
 
 
« Ce soir-là, plutôt que de fêter la nuit de Noël, les enfants ont vu une ombre bourrer de pelures de patates les bas qu’ils avaient suspendus à leur couchette.
C’était Dosithé Lehaïneux, leur père… »
 
 
Décembre 1912, après les funérailles de sa femme, Dosithé donna Gérald comme on donne trente sous à la quête du dimanche.
 
Gérald découvrirait que Laurie Chassey, sa mère, avait contracté une phlébite et que pour se déplacer, elle poussait courageusement devant elle une chaise en bois, un genou replié et déposé sur l’assise. Il apprendrait également que Dosithé avait accouché avec l’aide d’un voisin du nom de Martin et qu’elle était morte sans recevoir les soins appropriés. Laurie avait trente-neuf ans ; elle laissait Gérald âgé de quinze jours et six autres enfants dont l’aîné n’avait que dix ans.
 
Mais celui qui avait été privé des siens voulut connaître ses origines. Il vint alors me questionner. Je fouillais donc dans les archives de la famille et multipliais démarches pour finalement trouver une photo de Laurie chez une cousine éloignée. Je remis cette photo à Gérald et lui chantai la complainte que sa sœur Rosemarie m’avait apprise.
 
Et puis, moins d’un mois plus tard, il s’éteignit.
 
Cela faisait quatre-vingt-quinze ans qu’on avait verrouillé son histoire ; il voulait savoir qui était sa mère et entendre chanter sa complainte.
 
 
 
Le Québec des années 1920
 
 
 
Depuis des heures Joseph, n’entendait plus que le bruit lancinant des roues des wagons qui patinaient sur la voie ferrée. Embarqué à Montréal à bord d’un train moderne, il avait dû descendre à Loup-dans-la-Rivière et monter dans le Petit Témis , un train ordinaire et lent. De sa fenêtre, il voyait défiler des paysages parfois enlaidis par les cheminées de scieries qui crachaient des nuages comparables à celles qui sortaient du museau de son train à vapeur.
Joseph venait visiter Virginia, sa mère, qu’il n’avait pas vue depuis plusieurs mois et qui était partie de Montréal pour aller vivre au diable vauvert.
 
Au début du XX e  siècle, le train était l’un des principaux moyens de transport emprunté pour les longues distances au Québec. On oublie souvent que les villes se développèrent à cette époque grâce aux compagnies de chemins de fer qui filaient de l’or. Les gens se déplaçaient généralement en train, et les poids lourds se faisaient rares car les autoroutes n’avaient pas encore fait leur apparition.
 
 
 
Elle s’appelait Virginia Pinet, mais ses proches la surnommaient « la mère »
 
 
 
Juchée sur le banc d’une gare située d’une petite ville reculée, les cheveux relevés, une petite mémé, qu’on disait autochtone, attendait nerveusement son fils en retard qui devait descendre d’un train.
 
Cette étrange vieille dame était originaire de Longue-Pointe, un secteur de l’île de Montréal, où elle cohabitait avec son fils Joseph depuis le décès de son premier mari. Elle jugeait normal que son aîné assuma la subsistance de sa pauvre mère, bien qu’il eût décidé d’épouser Marguerite, une étrangère qu’elle ne prisait pas.
 
Ce fut à Longue-Pointe qu’elle fit la connaissance de Dosithé Thibault dit Lehaïneux, un veuf qui venait de loin, et rendant visite à son fils Jean-Baptiste, qu’elle gardait en pension pour arrondir ses fins de mois. Jean-Baptiste et Joseph travaillaient tous deux dans la scierie du quartier.
 
Dosithé, en bon chanteur d’amour, l’avait demandée en mariage ; elle n’avait pas dit « oui », mais pour se distraire elle avait accepté de le suivre jusqu’à Parent, au Nouveau Brunswick, où habitait sa fille Anne. Une fois sur place, le ramage du beau cavalier se faisant de plus en plus persuasif, elle accepta de s’unir à lui.
 
Par la suite, elle l’avait suivi à Rivière-de-la-Chaumière, dans le Témiscouata, à environ 350 milles 1 de Montréal où il possédait un terrain.

C’était d’ici, du bout du monde, qu’elle avait écrit à Joseph le pressant de venir la voir, mais sans mentionner qu’elle s’était remariée.
 
Maintenant elle était là et l’attendait, juchée sur son banc depuis un bon moment.
 
 
 
Une rose des bois dans l’ombre de la petite dame
 
 
 
Joseph n’avait pas fermé l’œil depuis la veille de son départ de Montréal ; sa Marguerite n’était pas à ses côtés et sa présence lui manquait. C’était à elle qu’il songeait quand le contrôleur, fier comme un coq, le fit sortir de sa rêverie en annonçant le prochain arrêt aux passagers :
 
—  Blue River ! Blue River ! Next stop !
 
Et puis le train soupira une dernière fois, éternua, et s’immobilisa le temps de rajeunir sa portée de voyageurs et de renouveler sa cargaison de marchandises.
 
Les traits tirés, en mettant le pied à terre, Joseph sentit que le sol en bois tremblait sous ses bottines, mais il s’aperçut rapidement que cela provenait des va-et-vient des voyageurs. Des hennissements de chevaux attachés à des poteaux près de la gare attirèrent son attention : ils lui rappelaient Bluebonnet, un endroit où il aimait jouer au riche en se pavanant avec sa Marguerite au bras. En balayant le décor, il distingua la silhouette de la mère qui se balançait, les bras en éolienne au-dessus de la foule :
 
« Holà ! Ma mère est toute fleurie, elle a quitté son immortelle robe noire ! Mais alors, elle l’a eu son paysan ! Hi hi hi ! », pensa-t-il.
Une rose des bois dans l’ombre
Derrière l’ombre de la mère se tenait une jeune rose des bois. Ses cheveux bouclés évoquaient la couleur de la première tire d’érable de mars, un ruban bleu nouait ses cheveux sur sa nuque, une jolie robe rose à froufrous cachait partiellement ses genoux, ses mignonnes chaussures noires et pointues rappelaient celles que portaient les petites Chinoises de Montréal. Cet ange aux grands yeux bleu ciel, au teint frais comme la rosée du matin et au sourire sage lui faisait tourner la tête. La mère la présenta à Joseph : « Elle s’appelle Rosemarie, et c’est la fille de mon nouveau mari. » Joseph avait serré la mère dans ses bras, mais n’avait d’yeux que pour la jolie fée à ses côtés. Il aurait bien voulu lui parler, mais sa bouche restait entrouverte tellement il était subjugué, et le pauvre bienheureux avait perdu tout contrôle et son pantalon s’était mis à frétiller. La main de la mère, qui voyait tout, lui avait emmanché une chiquenaude et avait lancé : « Aïe ! Tiens-toi tranquille Trésor, c’est le coup de foudre ça ! »
Quelques témoins furent estomaqués… et la belle rose des bois devint pivoine. Joseph se pinça les cuisses en se mordillant la langue. Ça commençait mal ou bien, tout dépendait de l’état d’esprit du spectateur…
 
Rosemarie n’était sortie que depuis peu de son couvent de Rimouski. Elle était instruite, raffinée et très jeune. Elle rêvait d’un garçon grand, blond et aux yeux bleus, mais là elle se trouvait confrontée à une image plutôt éloignée de ses idéaux. Non ! Trésor n’était pas le prince charmant de ses rêves : ses cheveux étaient noirs et son teint avait la couleur de l’envers d’une écorce d’épinette, puis il n’était pas très grand, il était vêtu comme une vedette, la seule qualité qu’elle pouvait lui reconnaître était son apparente éducation.
 
 
 
« Une Voisin 2 réincarnée »
 
 
 
Bras dessus, bras dessous, Joseph et la mère, installés dans la calèche, regagnèrent le dixième rang de la Rivière-de-la-Chaumière, tandis que Rosemarie tenait les cordeaux de la jument grise qui trottinait cheveux au vent sous le regard des badauds. La Grise, c’était comme cela que Rosemarie l’appelait, connaissait bien le chemin pour retourner à la maison ; el

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