A.B.C. Mine - L Intégrale
164 pages
Français

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A.B.C. Mine - L'Intégrale , livre ebook

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Description

Intégrale des enquêtes d'A.B.C. Mine.


Elle comprend, en plus des quatres titres de la série, deux courtes enquêtes inédites :


- La femme nue du 126


- M. Mine et l'assassin courtois

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782385010706
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

A. B. C. MINE
L'HOMME IMMOBILE
Récit policier
Maurice LAMBERT
PROLOGUE
Dès qu'il eût franchi le seuil de ma porte, le bonhomme me tendit la main, une main grasse, rose et soignée, à l'image de sa personne replète, et comme j'écarquillais les yeux, un peu éberlué de cette visite tardive et imprévue – il était près de 10 heures du soir – surpris aussi de cette familiarité que rien ne motivait, il annonça avec emphase, en esquissant une courbette très grand siècle :
— A.B.C. Mine… votre voisin depuis cet après-midi.
J'avais totalement oublié qu'un nouveau locataire avait pris possession, quelques heures plus tôt, de l'appartement qui fait face au mien. Il ne perdait pas de temps, le voisin, pour venir saluer son compagnon de palier :
— A.B.C. ça veut dire Annibal, Blaise, Cyprien. Vous comprenez qu'avec des prénoms pareils !... Je ne vous dérange pas, au moins ?
Il posait sa question sur un tel ton que je compris qu'il se moquait pas mal de ma réponse. Je bredouillai quelques vagues mots de politesse et, du geste, l'invitai à entrer dans mon bureau. Le moyen de lui fermer la porte au nez ?
Au lieu de s'asseoir, il se mit à inspecter la pièce, se pencha sur les gravures anciennes dont je suis assez fier, caressa le bois ciré d'un vieux meuble normand, puis bondit vers un pan de mur couvert de photos d'acrobates, de clowns, de jongleurs.
— Vous aimez les gens du voyage, bravo ! Ce sont de vrais artistes, sincères et courageux.
Il lut même, à voix haute, la tendre dédicace tracée au bas de son portrait par mon amie Elna Jika, l'écuyère tchèque, à la veille de son départ pour New York, un soir que, tous deux, nous avions le cœur bien gros.
— Ho ! Ho ! gloussa-t-il, en me lançant un regard égrillard.
Il avisa ensuite, sur ma table, la photo de la jolie fille dont l'entrée dans ma vie a mis un point final à mes aventures sentimentales, et fit cette fois un « Hé ! hé ! » entendu.
Puis il se laissa tomber dans un fauteuil, en soupirant, apparemment enchanté de sa visite domiciliaire :
— C'est gentil chez vous, jeune homme.
Ce cliché qui évoquait les cinq à sept galants, le porto et les petits fours, joint au « jeune homme » condescendant, amena sur mes lèvres une réplique plutôt vive que je n'eus pourtant pas le loisir de jeter à la face de mon exaspérant interlocuteur, car, déjà, il poursuivait :
— Je devine vos pensées : « Au diable, ce Mine, quel raseur ! » Si, si, ne vous récriez pas. Au début, j'horripile toujours le personnage que j'honore pour la première fois de ma présence, ce n'est qu'au bout d'une demi-heure de conversation que ledit personnage s'aperçoit que je suis un type étonnant.
Si A.B.C. Mine ne manquait pas de sans-gêne, la prétention non plus ne lui faisait pas défaut. Soudain, je me sentis mal à l'aise. Un fou ! A.B.C. Mine était fou ! J'écris des romans policiers, mais, au contraire de mes héros, je suis le garçon le plus tranquille de la terre. Je ne supporte pas la vue du sang et serais incapable de me tirer d'une situation périlleuse.
Je changeai d'opinion aussitôt. Ce regard vif, brillant, moqueur : A.B.C. Mine ne pouvait être dément. Un original, cela c'était certain.
Lui, indifférent à mon attitude peu engageante, continuait à pérorer.
— Je pourrais vous dire que je suis venu à vous, ce soir, poussé par une courtoisie peut-être exagérée, mais explicable, vous ne me croiriez pas et vous auriez raison. Une seule raison à cette visite nocturne : la curiosité. C'est un besoin chez moi de pénétrer dans l'intimité de mes contemporains, à condition que leur existence me paraisse sortir de la routine bourgeoise, bien entendu, ou qu'un événement quelconque bouleverse leur train-train quotidien, oui, un besoin irrésistible et auquel, d'ailleurs, je ne cherche pas à résister. La preuve en est que me voici auprès de vous…
Difficile d'être plus cynique. Et pourtant je n'arrivais pas à me fâcher. J'observai mon compagnon. La cinquantaine bien passée, tout rond, presque obèse, un visage lunaire, sans cesse souriant, et, derrière d'amusants binocles, des yeux mobiles, perçants, trahissant une intelligence éveillée.
Il sortit une blague à tabac de sa poche.
— Vous fumez la pipe ? Moi aussi ; goûtez mon mélange… Je poursuis : admettez, si cela vous chante, que ma curiosité ait pris naissance dans l'exercice d'une profession où l'indiscrétion est considérée comme une qualité. Certains de mes amis, que ma manie de me mêler de ce qui ne me regarde pas incite à émettre les suppositions les plus variées, chuchotent qu'A.B.C. Mine a appartenu à la police, jadis, que son goût des affaires criminelles, de l'étude des mille petits problèmes que la vie offre aux esprits perspicaces, ressemble fort à de la déformation professionnelle. Qu'y a-t-il de vrai, là-dedans ? Je ne raconte pas mes histoires, moi, car, si j'adore me plonger dans les affaires des autres, je déteste que les autres s'occupent des miennes… Comment trouvez-vous mon tabac ?
Il méprisa mon avis et enchaîna :
— J'ai frappé à votre porte après avoir épluché la liste des locataires. Pfutt ! rien d'intéressant : une vieille fille, un négociant en cuirs, un médecin, un agent d'assurances. Tandis qu'un auteur d'histoires policières… J'avais hâte de vous connaître. J'ai attendu que la jeune personne qui vous faisait d'interminables adieux sur le pas de votre porte eût filé… À propos, elle est charmante, cette enfant, jolie, fine, mais, mon Dieu, quel affreux chapeau !
Je suis d'un naturel paisible, je l'ai déjà dit, je n'insulte pas le malotru qui me marche sur le pied dans le métro, je ne m'emporte pas lorsque mon partenaire de belote joue une mauvaise carte, j'accepte avec philosophie les petites contrariétés que le sort sème sous nos pas, cependant, dès que l'on s'en prend à Janette, je deviens féroce.
— Passons ! fis-je sèchement, en lançant à M. A.B.C. Mine un regard furibond qui ne l'impressionna pas le moins du monde.
Il souriait toujours, tirait sur sa pipe à petites bouffées pressées.
— J'ai lu votre dernier roman, lâcha-t-il soudain.
Du coup, mon ressentiment s'estompait. Je me composai la tête innocente du monsieur qui s'attend à entendre des choses agréables, quand M. Mine, ce damné M. Mine, me jeta avec rondeur :
— Il est idiot !
Décidément, cet homme était impossible. L'envie me vint de le prendre aux épaules et de le pousser hors de chez moi. Imperturbable, il critiquait.
— Trop invraisemblable. En outre, quand on ignore les mœurs des Gitans, on ne situe pas un drame dans leur milieu.
Il se pencha sur moi, son éternel sourire illuminant sa face ronde.
— Entre nous, manque d'imagination, hein ?... Dame, à force d'inventer ! Tenez, vous m'êtes sympathique, je vais vous raconter une histoire, une histoire vraie dont je fus l'un des principaux protagonistes. Je parie qu'avant dix minutes vous conviendrez en vous-même que ce brave Mine est une précieuse relation, surtout pour un fabricant de romans policiers.
Il me tendit sa blague et je bourrai ma plus grosse pipe de son fameux mélange. Comme il louchait vers la corbeille à papiers, je me sentis rougir. Deux heures auparavant, surpris par le coup de sonnette de Janette, j'y avais caché une bouteille de calvados pour la soustraire à la vue de ma fiancée à qui j'ai juré de renoncer à l'alcool. J'ai été reporter de faits-divers pendant dix ans. C'est un métier qui exige que l'on sache trinquer. Si l'habitude vient vite, le renoncement ne s'obtient qu'après de longs efforts.
Je mis la bouteille à portée de la main de mon bizarre compagnon. Satisfait, M. A.B.C. Mine me narra l'aventure de « l'homme immobile ».
Il buvait mon calvados, je fumais son tabac, ce qui indiquait que nous étions en train de devenir de bons amis.
I
L'HOMME IMMOBILE
On était à la mi-décembre. Depuis plusieurs jours, la neige tombait presque sans arrêt, avec une régularité obsédante. Une neige épaisse, tenace, qui dotait la capitale d'une physionomie de Grand Nord. On faisait du ski sur les pentes montmartroises et les journaux publiaient côte à côte des photographies de Québec et de Paris, en omettant les légendes afin d'intriguer les lecteurs.
On avait dû renoncer à dégager les rues. La ville disparaissait sous une gigantesque chappe immaculée qui étouffait son formidable rythme. Un silence pesant noyait gens et choses, donnant aux Parisiens l'impression de vivre dans l'irréel. La neige assourdissait tous les bruits et les piétons évoluaient sous un ciel bas, semblable à la voûte insonore de quelque colossal studio radiophonique. Circulation nulle. De rares autobus aux roues bardées de chaînes. Peu de taxis. Encore moins de voitures particulières. L'hiver avait dompté la cité.
Dans son petit appartement de la rue de la Victoire, M. Mine, M. Annibal, Blaise, Cyprien Mine, s'ennuyait ferme. Dieu, que certaines soirées sont longues ! Bien au chaud dans un élégant studio égayé d'un feu de bûches, son corps dodu douillettement enveloppé dans une robe de chambre bleu roi, M. Mine fumait pipe sur pipe, prêtant une oreille indulgente aux élucubrations bruyantes d'un jazz célèbre dont la radio transmettait le concert.
Il consulta la pendule : à peine neuf heures ! Il soupira en fixant distraitement les dansantes langues de feu qui jouaient dans le foyer. Un instant, il s'amusa à assener de légers coups de pique-feu sur le bois en combustion. L'envol de milliers de minuscules étincelles crépitantes lui procura un court divertissement. Après quoi, il se leva pour réduire au silence sa stupide radio et changer de fauteuil.
En proie à un spleen naissant, M. Mine laissa son esprit vagabonder au hasard de ses souvenirs. Combien il regrettait sa vie d'autrefois, pleine d'imprévu, captivante, si parfaitement adaptée à son tempérament sans cesse avide « d'en savoir davantage », comme disait feu son oncle Ambroise, celui-là même qui, un an auparavant, lui avait légué une telle fortune qu'il s'était vu contraint de se transformer en rentier.
Qu'il paraissait lointain, ce temps heureux. Et, pourtant, l'anné

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