À la source
161 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
161 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Après plusieurs années passées au sein de la direction centrale de la police judiciaire, le commandant divisionnaire Floréal Sassone intègre le commissariat de Bobigny. Il aspire à revenir là où il a grandi, dans cette ville de Seine-Saint-Denis qu’il ne reconnaît plus.
Il compte s’installer pour de bon avec Sabine, une jeune capitaine de vingt ans sa cadette. Cultiver son jardin dans son pavillon de banlieue parisienne, prendre des vacances sur la côte atlantique et présenter sa fille à sa nouvelle femme. Voici le projet du reste de sa vie.
Mais en ce mois de juillet 2018, dans l’euphorie du sacre mondial de l’équipe de France de football et d’un été sans attentat, un dossier banal, impliquant un voyou devenu son indic, va l’entraîner dans une affaire d’État. Doutant de sa hiérarchie, Floréal n’a pas d’autres choix que de faire confiance à son « tonton » imprévisible, calculateur et fuyant.
Selim, son nouvel informateur, symbole d’une génération montante de caïds sans foi ni loi, tient d’une main ferme certains des quartiers de Bobigny, avec deux de ses amis. Et s’il y a une chose qu’il déteste au plus haut point, ce sont bien « les condés ».
Pourtant, persuadé que la justice le soupçonne de meurtre, il rompt le serment passé dans son enfance avec ses complices : ne jamais collaborer avec la police, quoi qu’il en coûte. Voilà Selim relégué au stade de vulgaire balance, de renégat de la voyoucratie, pris dans l’engrenage infernal du mensonge et poussé à s’allier avec l’ennemi.
Entre faux-semblants, trahisons et duplicités, Floréal et Selim vont devoir s’apprivoiser et remonter à la source du mal, pour enfin découvrir qui les manipule.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 juillet 2022
Nombre de lectures 13
EAN13 9782370117267
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

À LA SOURCE

François Vignolle et Victor Darmon


© Éditions Hélène Jacob, 2022. Collection Polars . Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-37011-726-7
Chapitre 1
Avec les Hommes, attends-toi au pire, tu ne seras jamais déçu.
Auteur inconnu
Une putain de finale !
Pourquoi toutes les journées du monde n’étaient-elles pas semblables à celle-ci ? Celles qui vous procuraient une imprévisible euphorie et vous rendaient le pas léger. Qui détenait cet élixir du bonheur capable d’étirer cette nuit d’ivresse au reste de sa vie ? Selim aurait tant aimé le savoir.
Ce lendemain de finale de Coupe du monde, assis dans sa Mégane noire, stationnée près d’un camion livrant ses cartons à l’IUT de Saint-Denis, il vit sous un autre jour son lieu de travail.
La place du 8 mai 1945 à Saint-Denis, d’habitude si terne, s’était mue en un opéra urbain, en un La La Land de banlieue. Un étrange ballet s’animait autour de lui.
Sous l’ombre des peupliers, une dizaine de vendeurs à la sauvette de Marlboro contrefaites – des bledards – tentaient de vendre leurs paquets contre un billet de cinq euros. Ces hommes d’une quarantaine d’années, cheveux drus, mains calleuses, se méfiaient comme la peste des patrouilles de police. L’éventualité de perdre une journée de travail les rendait nerveux.
À dix mètres de la Renault Mégane, une grappe d’adolescents conversait au milieu de la chaussée avec la légèreté des lendemains de fête.
— Pogba, c’est un gros bâtard de bombe de champion !
— Et Mbappé, il a niqué Messi, Ronaldo et tous les autres !
Un peu plus loin, des éboueurs de la ville empoignaient des drapeaux français jonchant le sol pour les flanquer dans la benne à ordures.
Voilà déjà une demi-heure que Selim patientait, vitres fermées, téléphone en mode avion, les yeux écarquillés devant l’originalité de ce spectacle. Il en avait presque oublié son taf : surveiller le bâtiment situé au 27 boulevard Carnot.
Là, quelques instants avant 8 h 30, un Chinois, sweat Umbro à capuche, Stan Smith vintage, était entré, un sac beige en bandoulière. Selim avait suivi à travers les parois vitrées de l’édifice sa silhouette de danseur se diriger vers l’ascenseur.
Impossible de savoir à quel étage il s’était rendu. La prochaine fois, il précéderait sa cible, se dissimulerait dans la cage d’escalier et saurait à quel niveau de l’immeuble il cachait son sac. À vue de nez, il y en avait pour cinq cent mille euros dans sa besace.
Plus il y pensait, plus il se disait que ces Chinois, c’était un bon plan.
Killian et Louis Joseph, que tout le monde appelait Lo-Jo, lui avaient proposé ce « biz », plus d’un an auparavant. Ses deux potes de la cité Paul Vaillant Couturier à Bobigny avaient récupéré un tuyau d’une vendeuse travaillant au centre commercial « Moins 50 % pour cent » de l’Île-Saint-Denis.
Les Wang, une riche famille chinoise originaire de Wuhan, récoltaient, tous les mardis soir, dans leurs magasins d’Île-de-France, d’importantes sommes en cash, de l’argent sale à blanchir.
Killian avait récompensé l’informatrice avec un présent. Un bracelet or Hermès dix-huit carats, estimé à mille deux cents euros, provenant d’un casse, qu’il lui avait enroulé autour du poignet. Les yeux de la jeune femme avaient papilloté quand il lui avait offert. Elle était si radieuse qu’elle l’avait gardé à son poignet lorsqu’ils avaient couché ensemble le soir même.
« Une planche, un mauvais coup » s’était vanté Killian. Dans sa Mégane, Selim se souvint de cette anecdote. Elle avait provoqué chez lui une certaine gêne. Il regretta de s’être tu à cette occasion. Il n’aurait pas aimé que l’on dise de telles choses de sa sœur.
Depuis une demi-heure, personne n’avait franchi la porte du bâtiment 27, excepté une vieille dame tirant un cabas de légumes. L’utilitaire du Chinois, un Opel Vivaro blanc aux flancs protégés par du plastique noir, n’avait pas bougé de sa place de stationnement.
Selim reprit le film de sa soirée. Sur cette même place, devant un écran géant, dans la ferveur d’une nuit d’été, il avait enlacé son voisin, un bobo de Saint-Denis après le but de Mbappé.
4-2 contre la Croatie. Il avait hurlé, poings levés vers le ciel : « Champions du Monde ! »
Les vieux de 50 ans de la cité PVC arrêteraient de le soûler avec « Zizou le magicien » et la génération black-blanc-beur. Tout ça, c’était du marketing.
Mbappé, Griezmann, Pogba avaient pris le pouvoir sur le terrain. Selim et ses copains, eux aussi, dans la cité.
Après le concert de 4Keus Gang sur la place de Saint-Denis, Selim avait fini sa soirée avec Nina.
Une petite pétasse de bourge , s’était-il dit quand il l’avait vue se déhancher au théâtre Gérard Philippe au cours d’une battle de hip-hop, dix-huit mois plus tôt.
À la vérité, il la kiffait grave. Sa petite paire de fesses fermes, sublimée par un jean moulant, sa poitrine XXL – que tous ses potes reluquaient – et cette discrète mouche posée au-dessus de sa lèvre supérieure l’avaient incité à reconsidérer son jugement.
Au-delà de son sex-appeal, c’est pour son côté garçon manqué qu’il avait fondu, et pour son air bravache qui aurait mis à l’amende tous les dealers du quartier.
De son mètre soixante-huit, elle repoussait « les gros lourds », leur parlant comme un mac, à coups de menton et de jurons.
Le soir de la finale, il se surprit à penser que c’était peut-être la bonne. Grâce à son trésor de guerre, il l’emmènerait sur l’île de Koh-Samui, en Thaïlande, pour y vivre des vacances de nababs, passer leur journée à se baigner sur des plages de coraux, à faire l’amour dans une suite d’hôtel cinq étoiles et à danser dans la discothèque voisine comme des «  beautiful people  » sur des musiques asiatiques.
L’idée de l’inviter à le suivre là-bas lui trottait méchamment dans la tête. Mais il craignait de se prendre une bâche, c’était trop tôt.
De toute façon, il n’imaginait pas Nina, à 19 ans, larguer tout du jour au lendemain – ses parents, ses études, ses amis, son abonnement ciné au Pathé Gaumont – pour un lascar de 24 ans.
Et puis avant de tenter de la convaincre, il avait un boulot à finir.
Le klaxon d’un camion de livraison interrompit ses pensées. Ensuqué par la chaleur, Selim se redressa sur son siège, le dos moite. Une tension traversa sa colonne vertébrale. Le Chinois n’était toujours pas ressorti.
Selim se concentra à nouveau sur la porte de l’immeuble.
Mais qu’est-ce qu’il fout ?
Le soleil frappait sur le pare-brise à coups d’uppercuts. Quelques gouttes de sueur perlèrent sur son front malgré la clim qui tournait à plein régime. Selim épongea son visage avec son avant-bras.
De la main droite, il augmenta le volume de la musique que diffusait son iPhone sur les enceintes de la Mégane, un mix de DJ Khaled sur la voix de Drake : Greece . Une sensation de bien-être se répandit dans tout son corps.
Le Chinois n’allait pas tarder à arriver, c’était sûr.
Selim se laissa bercer par le flow de la chanson, Come with me, leave all of your things yeah, we can stop at Gucci. Il commença à s’assoupir, quand la vision de trois hommes dans l’embrasure de la porte du bâtiment 27 le fit sursauter.
Mais c’est qui, ces keums ?
Deux d’entre eux, plutôt grands et athlétiques, barbe de trois jours impeccable, s’impatientaient sur le trottoir. Le troisième, plus trapu, balayait du regard la place du 8 mai 1945 comme la tourelle d’un char d’assaut.
À sa vue, Selim baissa la tête au niveau du volant. La Mégane, cachée par un SUV, ne se trouvait pas dans son champ de vision. Selim se risqua à redresser la tête. Un Mercedes Vito était stationné rue Gabriel Péri. Les trois hommes s’engouffrèrent dans le véhicule dans un coup de vent. Selim ne put distinguer que le plus petit avant qu’il ne ferme la porte coulissante. Il en imposait avec son visage taillé à la serpe, ses muscles sculptés sous son polo Ralph Lauren.
Selim écarquilla les yeux. L’inconnu portait un sac en bandoulière beige. Le Mercedes Vito quitta la place en roulant au pas. Selim venait de se faire « carotter ». Et il n’avait rien vu.
Les fils de putes.
Comment allaient réagir Killian et Lo-Jo ?
La raison le poussait à s’enfuir dans la seconde. Les condés débarqueraient d’une minute à l’autre.
Sa curiosité lui ordonnait de traverser la rue. Quelque chose d’imprévu avait brisé la félicité de cette journée. Le quatrième but de Mbappé, les baisers sucrés de Nina s’étaient évaporés à la seconde où il avait aperçu la lanière du sac beige.
Selim sortit de sa Mégane sans se presser pour ne pas attirer l’attention. Les blédards étaient trop occupés à marchander leurs cigarettes à des passants qui venaient faire le plein pour la semaine. Les ados avaient quitté la place, abandonnant leurs canettes de Red Bull sur le sol.
Par chance, le digicode du bâtiment ne fonctionnait pas. Selim prit l’escalier de secours, cette fois au pas de course. La porte du premier étage ouvrait sur un couloir sinistre où une dizaine de logements se succédaient comme des chambres d’hospice. Rien de suspect à première vue. Un bébé pleurait au niveau du cinquième appartement, malgré les comptines de sa mère ou de sa nounou. Selim passa au deuxième étage. RAS. Au troisième. Nada.
En nage, il parvint au cinquième. Il allait monter au sixième quand son regard fut attiré par l’appartement du fond. La porte était à moitié ouverte. Un filet de lumière s’en échappait.
Il sortit de la poche de sa veste une paire de gants.
Son rythme cardiaque s’accéléra à la limite de la tachycardie. Il inspira une grande bouffée d’air et entra dans le bâtiment.
L’appartement avait été visité ; un immense désordre y régnait. Le vestibule au crépi craquelé donnait à gauche sur une minuscule cuisine qui était restée dans son jus. Rien n’avait été aménagé. Aucun mobilier. À part un vieux réfrigérateur des années quatre-vingt et une plaque chauffante graisseuse. Un sachet ouvert de café soluble trahissait une présence récente.
Selim chemina, fébrile, vers le salon. Devant lui, un canapé se dressait au milieu de la pièce. Sur ses re

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents