Confusion
122 pages
Français

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Description

Il avait pris un billet d’avion pour une destination extrême et s’était infligé, le premier jour de son départ, douze heures de train pour aller embrasser sa vieille mère, on ne savait jamais. Il allait aussi devoir se remettre à manger, passer des journées entières sans rien ingurgiter ne pouvait être qu’une solution ultime. Il fallait aussi qu’il retire sa photo de la page d’accueil de son téléphone, qu’il essaie d’oublier, pour cela, il fallait faire quelques efforts.


Il était parti à Mascate, sultanat d’Oman, sur la musique de Chet Baker, Every Day is a Valentine Day, parce que c’était loin, parce qu’il ne risquait pas d’y croiser qui que ce soit, parce qu’elle sortait de son institution psychiatrique huit jours après son départ, ce que lui avait dit la voisine de leur folie commune dans le Gers.


Dans l’avion, il avait pris un gin tonic, comme toujours en pareil cas, dans l’avion...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 novembre 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414588275
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
Immeuble Le Cargo, 157 boulevard Mac Donald – 75019 Paris
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-58827-5

© Edilivre, 2022
Exergue
À vous ces vers de par la grâce consolante De vos grands yeux où rit et pleure un rêve doux, De par votre âme pure et toute bonne, à vous
Ces vers du fond de ma détresse violente.

Paul Verlaine
Prologue
Quelques jours avant l’anniversaire de sa femme, Charles, lors de la visite d’une église transformée en école de cinéma puis en habitation par un réalisateur qui avait connu son heure de gloire, rencontra cette femme qui allait bouleverser sa vie. On ne pouvait lui prêter aucune de ces velléités sexuelles qui, à l’instar de l’immense majorité des hommes de son âge, taraudaient le corps, l’esprit et, au final, la vie tout entière, non il était le mari fidèle d’une femme, sa femme depuis plus de trente ans, ainsi que le père attentionné des quatre enfants de leur union. Certes, depuis quelque temps, trois années exactement, il était dépressif mais qui, plongé dans le bain de cette société sclérosante, ne le devenait pas un jour ?
Instantanément avait explosé entre eux une fulgurance, un bien-être empli de l’instant présent qui s’était étiré, sans qu’ils s’en aperçoivent, sur plus de deux heures. Subitement la durée n’avait plus eu de raison. Ils s’attiraient comme la bougie sa flamme sans savoir qui, de l’un ou de l’autre, l’autre était. Un embrasement, la lumière d’une évidence. Qu’y avait-il eu d’autre ? Rien en apparence.
Se donner le temps, ce fut leur réaction commune. Sans concertation ils se donnèrent quinze longues nuits de moiteurs insupportables avant d’échanger leurs souffles, au mitan d’un jeudi, dans une étreinte interdite, à l’exact centre d’une place fréquentée de cette ville qu’ils habitaient. Le soir, se cachant de ses enfants après qu’elle eut couché les siens, il la rejoignit avec la peur et un sentiment de culpabilité qui ne l’empêcha pas de se déshabiller pour se mettre nu, en s’asseyant au bout de son lit, elle le regardait excitée.
Ils firent l’amour dans la certitude d’une fusion, d’une accointance divine. Jamais leurs corps n’avaient ressenti une telle plénitude.
Jamais.
Comment dire ? Leurs sexes étaient du même moule dual originel.
L’artisan divin de leur entrechoquement les portait vers un infini inconnu qui les sublimait. Ils n’avaient pas choisi, ils n’étaient que les instruments d’une énergie supérieure.
Trois nuits de suite, pendant des heures, ce long frottement fut une extase qui suspendit le temps et l’espace. Ils se retrouvèrent sans le savoir, sans l’avoir cherché, au point du principe premier : l’Amour.
Le sentiment ne créant aucun ordre, le désordre s’installa dans leurs vies sans que cela soit un problème pour eux, ils étaient trop tournés vers leur complétude pour s’inquiéter d’un quelconque effet secondaire. Seule comptait la réalisation de leur attirance animale au point extatique de leur union. Ils n’avaient rien d’autre à faire qu’à être ensemble, dans une manière d’état mystique de l’Un accompli.
L’Un atteint que restait-il à dire ? Rien. Ce rien allait être leur vie, leur perte, car la réalisation de cet autre état qu’était leur présent ne pouvait, au regard de leur communauté, que se muer en une aporie, en un inutile condamnable, l’amour n’y était pas une réalisation mais une utopie, un sentiment désuet, suranné, littéraire, dont on parlait et qu’ils réalisaient, eux. Le manteau dont ils s’étaient vêtus, les couvrant de Dieu, les détournait du reste et, dans la verticalité de leurs âmes, les poussait, encore et encore, vers le précipice béant de l’instant oublié.
Il quitta sa femme lâchement, comme il n’aurait jamais pensé le faire, dans une urgence, laissant tout et une incompréhension, une souffrance, une meurtrissure, le saignement nécessaire au basculement dans l’éternel présent.
Ils n’avaient pu laisser aller la vie humaine comme elle allait, dans les convenances, les faux-fuyants, les formatages, ils quittaient ce niveau d’existence pour flirter avec la transcendance, ils faisaient ce qu’ils devaient faire, dans la monstruosité d’une simplicité, d’une grâce aussi.
Elle l’accueillit aussitôt qu’il eut quitté son domicile conjugal, sans concertation, sans préalable entente. Il erra cette fin de nuit dans sa voiture pour se retrouver, à l’aube, dans son lit, ils firent l’amour, ils ne savaient plus faire que cela.
Ils allaient inventer l’histoire et ne plus la subir. Ils s’attaquaient sans le savoir à l’évolution du genre, ils étaient les acteurs de la seule solution possible pour une époque qui ne croyait plus en rien d’autre qu’en des croyances toutes faites, qu’en des certitudes établies, prémâchées, vendues. Ils quittaient le monde de la matérialité, de la quantité, et étaient déjà entrés dans celui de la qualité.
Le silence de ce qui, jusqu’à présent, formait un tout cohérent et signifiant, était brusquement rompu par leurs feulements, la fêlure initiée marquait leur divorce d’avec le monde. L’absence de sens de ce qui les entourait disparaissait brusquement et leurs sens, l’intelligence émotionnelle qui les avait jetés l’un contre l’autre, avaient pris le pouvoir de leurs chairs et de leurs âmes, sans qu’il n’y ait plus aucune distinction entre une caresse interdite et l’union mystique.
Tout ceci fut une catastrophe pour leurs entourages, une feuille tombait et la terre tremblait. Qu’avaient-ils fait d’autre que s’aimer ? Oui, bien sûr… Oui, le monde ne pouvait tolérer que la permanence soit remise en question, l’amour n’était qu’une histoire de reproduction, de phéromones, en aucun cas une fusion divine. Ce rappel du divin, de la brisure, de la destruction qu’ils avaient initié, ils allaient en payer le prix fort, celui du sacrifice total mais cela, ils ne pouvaient le savoir. L’auraient-ils su que cela n’aurait rien changé, rien.
Elle avait quitté son mari depuis deux ans et vivait seule avec ses filles qui, considérant que papa et maman faisaient une pause, virent d’un très mauvais œil l’arrivée d’un mâle dans une maison où il n’y en avait jamais eu. Sans s’étendre sur les détails, disons que l’ambiance dégénéra rapidement et que les filles retournèrent chez leur père qui, pour cette pause, avait acheté un trente mètres carrés pour ses deux chats de pure race égyptienne. Il finit par dormir sur le canapé avec les bestioles en laissant l’unique chambre aux filles.
Est-il utile de raconter par le menu la chronologie des phénomènes que le monde mit en œuvre pour saper leur amour ? Il n’est utile que de dire qu’elle laissa ses enfants à son mari qui se chargea, comme c’est trop souvent le cas en pareille situation, de retourner les filles contre leur mère et que lui, Charles, laissa tout à sa femme et ses enfants, beaucoup plus âgés que les siens, qui s’installa dans le rôle de la victime idéale et n’eut de cesse de l’isoler lui, un peu plus encore et, au final, complètement du reste des autres, ce dont il n’avait cure, il l’avait, elle.
Ils ne se donnèrent aucune preuve d’amour, ce n’en étaient pas, ils étaient dans le corps l’un de l’autre.
L’homme déchu… Journal
L’extrême limite de mon absence aux mondes était la noise qui m’envahissait lorsque, après avoir fermé les yeux et vidé consciencieusement mes poumons, je tentais de me soustraire à ce qui restait, de manière imbécile, en me bouchant les oreilles. Rien à faire, le mouvement brownien de mon corps rappelait à l’existence. Placide depuis des milliers d’années, le rocher qui était devant moi était une partie insécable d’un moi-même hors de moi.
Je pris conscience que tu ne m’aimais plus à ton retour de Grèce. Ce n’est pas vraiment que tu ne m’aimais plus, essayais-je de me convaincre, mais la représentation que tu te faisais de notre amour n’était pas en phase avec celle que j’en avais. Toutes ces années n’avaient-elles pas été vécues dans un malentendu ? Mon aveuglement n’avait-il pas pris le dessus dans notre relation ? L’idéalisation de l’un ne respirant que pour l’autre n’avait-il été qu’une construction intellectuelle, que le transfert d’une aspiration idéelle sur une personne qui n’avait rien demandé d’autre que l’accomplissement de sa propre vie par la pratique d’un rapport amoureux paisible ? Tu m’évitais, tu faisais en sorte de ne pas me toucher, il y avait toujours un pas de côté de trop. Je me demandais si cela n’était pas la sensation étouffante d’une disposition paranoïaque de ma part ? Je passe à côté de toi. Vas-tu me saisir la main ? Ton regard va-t-il chercher le mien dans la foule où tu te perds ? Tu avais acquis en autonomie, tu pouvais te passer de ma présence pour t’accomplir. Ne restais-tu pas avec moi que pour maintenir un quotidien bancal ? Un quotidien qui avait tué cette liaison faite de souffles, d’esquisses, de riens contentant la présence d’un soi en complétude amoureuse. Tu passais derrière une porte. À l’affût je guettais l’instant où… Toi : mon amour tu vas bien ? La poignée de la porte ne bougeait pas, rien qu’une pesante immobilité.
Les poumons bloqués j’attendais en vain.
Nous étions socialement le couple parfait. Souvent on me disait que nous avions atteint, en perfection, ce sommet que nombre cherchaient encore et encore.
Cet éloignement que tu pratiquais pour te protéger de moi ouvrait en mes tréfonds des gouffres, des abysses vides, des temps soustraits de l’instant, des retraits avec une absence insupportable. Tu m’avais reproché, un jour, cette phrase que j’avais dite sur cette impression que j’avais d’être toujours en représentation. Face au gouffre d’incompréhension qu’ouvrit ton reproche je me mis à penser que les mondes ouverts, ici et là, pour faire face, que ces mondes n’avaient, brusquement, plus aucune réalité ni

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