Emma
164 pages
Français

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Description

« Si ma vie était un film, ce serait un film d’horreur. »
Emma Samson ignore depuis combien d’années elle est prisonnière de Paul Dommelen, un violeur psychopathe.
Son Circuit Intégré Numérique (CIN), qui la connectait auparavant à la réalité augmentée, est hors d’usage. Toute seule dans une minuscule pièce d’un sous-sol sombre et crasseux, elle ne distingue plus le jour de la nuit, le vrai du faux.
Quand elle réussit à s’extirper des griffes de son agresseur, elle découvre un monde dévasté. L’air toxique, les rues désertes et les bâtiments abandonnés lui donnent l’impression que la société s’est écroulée.
Pourchassée par son geôlier, Emma a soif de vengeance et de liberté.
Parviendra-t-elle à évoluer de victime à bourreau ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 janvier 2023
Nombre de lectures 1
EAN13 9782898191282
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chaque soir elle prenait sous son aile
Les clochards et les junkies de fond de ruelle
Comme un ange gardien venu du ciel
Qui serait atterri dans les poubelles
— Karl Tremblay, Les Cowboys Fringants, « La reine »
( La Grand-Messe , 2004)


Note
La présente histoire se déroule quelques années après celle de Déviance . La lecture de cette dernière n’est pas obligatoire pour entamer le livre que vous tenez entre les mains, mais elle est suggérée. Emma dévoile la vie complète du personnage secondaire éponyme que vous retrouverez au cœur du thriller explosif qu’est Déviance .
Il m’est apparu essentiel d’inventer une fin plus digne pour cette toxicomane quadragénaire, j’espère qu’elle vous plaira. Ce roman explore son passé, son présent et son futur.
Pour les aventureux qui souhaitent se plonger directement dans Emma , voici quelques repères sur son univers. (Attention, spoilers !)
Montréal, 22 e siècle. Les Québécois sont presque tous greffés à la naissance d’une puce au cerveau, communément appelé le Circuit Intégré Numérique (CIN), qui les guide dans leur quotidien à l’aide de la réalité augmentée. Le CIN agit comme un ordinateur doublé d’un assistant virtuel. La pollution bien présente réduit la fertilité, limite les ressources naturelles, empêche la majorité des plantes de pousser et les humains, de sortir trop longtemps sans protection ou apport d’oxygène. Le caelum, drogue de synthèse ayant des propriétés hallucinogènes et nostalgiques, fait des ravages. La criminalité, les substances psychotoxiques et la réalité augmentée sont autant d’échappatoires auxquelles les Québécois ont recours pour survivre.
À la fin de Déviance , Emma est prisonnière d’un psychopathe qui s’enrichit du fruit de ses propres viols. Elle subit les pires tortures : l’isolement, de même que des agressions physiques et sexuelles.
… Mais Emma n’a pas dit son dernier mot. Pour connaître la suite de l’histoire, tournez la page !


Chapitre 1
Je suis un monstre
S i je n’étais pas captive dans la cave crasseuse d’un malade misogyne, je serais peut-être… une ballerine.
Les paupières d’Emma se ferment délicatement. Une longue inspiration gonfle ses poumons et bombe son torse. Après quelques secondes, elle expire doucement pour recommencer. Des images chargées de détails se révèlent progressivement. Elle se visualise : grande, fière, belle, souriante… et libre. Son corps s’élance avec élégance sur la scène. Ses cheveux dansent au vent, en harmonie avec des rubans de différentes couleurs. Emma se sent soulevée par la foule et les notes du Lac des cygnes qui résonnent au piano. Elle murmure la mélodie en effectuant quelques pas bien coordonnés. Les puissantes lumières éclairent sa peau. Le bonheur d’exister, pour elle et pour les autres, diffuse au creux de son ventre une chaleur agréable.
Le sentiment est savouré et lui permet de s’évader l’espace d’un instant.
Un instant seulement avant que sa Raison ne revienne écraser ses rêves avec ses grands sabots :
— Tu n’as jamais suivi de cours de danse ! Et tu es enceinte jusqu’aux yeux. Tu as quel âge au juste ? Cinquante ans ? Sûrement plus ! As-tu déjà vu des ballerines commencer leur carrière dans la cinquantaine ? Encore étonnant que tu puisses porter un enfant !
La visualisation s’interrompt.
Le temps semble flou dans cette petite pièce au sous-sol et il s’éternise ; aucune lumière naturelle ne permet de distinguer le jour de la nuit. Emma ignore combien de semaines se sont écoulées depuis que cet être s’est incrusté en elle tel un parasite. Puisque ce n’est pas son premier enfant, elle sait tout de même que l’accouchement arrivera bien vite.
Sa Raison gâche toujours tout. Emma la supplie en levant les yeux :
— … Chut… Chut… J’ai besoin de m’évader. Tu es ma Raison après tout, non ? Tu devrais comprendre !
En contemplant l’ampoule de trop faible intensité, là-haut au plafond bétonné, Emma se perd dans ses songes. Les règles de la réalité ne devraient pas s’appliquer au monde des rêves : la logique ne devrait pas interférer. Le cerveau a le droit d’être auteur de fiction. Tous les humains détiennent cette liberté inextricable : autant une personne sans vice qu’une toxicomane invétérée. Autant Thérèse Casgrain qu’une fille qui, comme elle, n’a rien accompli dans la vie.
Peu importe. Dans ma tête, je peux être ce que je veux…
La limite imposée est celle de l’imagination. Avec les années, Emma est devenue une experte en la matière. Pour supporter l’absence de stimulation et de compagnie dans cette cage, elle n’a tout simplement pas eu le choix.
Avant de se risquer à une deuxième tentative, Emma s’accroupit dans le coin sous l’escalier et se soulage dans un seau – un des seuls objets présents dans la pièce. De fortes odeurs en émanent. La paroi de plastique lui mord les fesses. Elle expire et se saisit de sa dernière serviette propre, déclenchant chez elle un sourire. Paul lui en fournit maintenant deux ou trois, chaque fois qu’il lui redonne un seau propre. Petite victoire après une première tentative de suicide manquée et des menaces criées : il veut la garder en vie. Elle a donc maintenant de quoi s’essuyer.
Deuxième tentative.
Si je n’étais pas captive dans la cave crasseuse d’un malade misogyne, je serais peut-être… barmaid.
Elle referme les yeux, inspire à fond et se concentre à la création de son univers. Elle suscite la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher ; plus nombreux sont les sens stimulés, plus la visualisation est réussie. Quelques secondes sont nécessaires pour que se matérialise chaque détail dans son esprit.
Une barmaid…
Emma se tient debout derrière un immense bar en granite noir. L’ambiance est chaleureuse : lumières tamisées, rires et musique jazz. Dans son dos, des dizaines de coupes à vin et de pichets à bière sont suspendus à des supports. Sur le comptoir, plusieurs shooters de différentes couleurs. Aussi habile qu’une pieuvre, elle les tend à ses clients. Emma se saisit ensuite d’un verre à la forme particulière et le dépose devant elle. Plusieurs liquides y sont déversés, puis un zeste d’orange artificiel et une cerise synthétique complètent le tout.
La foule s’agglomère ; des clients venus de partout dans le monde pour goûter, rire et s’amuser. L’odeur fruitée caresse les narines d’Emma. Ses mains froides permettent aux boissons de conserver la bonne température. Un client lui transfère cent dollars québécois via le CIN et lui propose une consommation qu’elle accepte sans hésiter :
— À la nôtre ! s’exclame-t-il.
Elle sourit et empoche la somme automatiquement tout en s’envoyant une première gorgée. Avant qu’elle ne l’avale, le visage du donateur se précise. Elle réalise que…
C’est Paul.
Elle s’étouffe.
Recrache.
Paul. Un bar. Emma émerge de sa visualisation comme si elle était restée en apnée trop longtemps. Elle halète. La sueur perle dans son dos. C’est dans un bar qu’elle a rencontré son geôlier. Un goût d’amertume se diffuse dans sa bouche.
… Maudite Raison !
Depuis son dernier « néant », non seulement son bras droit la démange, mais sa Raison rôde sans relâche. Elle l’empêche de voyager plus de deux minutes consécutives. Qu’elle se manifeste par la parole ou par la pensée, elle l’ancre contre son gré dans cette réalité insoutenable.
Emma songe au « néant ». Il se produit sans qu’elle ne puisse en établir la fréquence. Paul drogue sa nourriture et la fait sombrer dans l’inconscience. Un coma ? Quand elle se réveille, elle a l’impression d’être sur un lendemain de veille et jurerait avoir dormi des jours. Généralement, elle remarque des traces d’injection dans ses bras et, bien souvent, des effets secondaires incommodants se manifestent. Puis, Paul lui prête une tablette sans connexion Internet pour qu’elle remplisse un questionnaire.
Ce malade réalise des expériences sur moi ! Et je me laisse faire !
Frustrée, elle se lève d’un trait, son ventre rebondit en imitant son mouvement. Elle fait les cent pas avec frénésie. Des allers-retours restreints dans l’espace, qui ne lui permettent pas de se décharger de sa détresse. La colère, la peur, l’anxiété : toutes ces émotions l’envahissent.
Elle se tire les cheveux dans l’espoir que la douleur fasse passer la boule logée dans sa gorge. Sa respiration s’accélère au même rythme que son cœur paniqué. Incapable de se contenir davantage, elle crie de toutes ses forces, puis se penche sous l’escalier pour se saisir du seau d’excréments. Du bout de ses bras, elle le jette en hurlant. Le fracas du plastique contre la tôle de la fenêtre barricadée résonne.
Un bruit humide de liquide et de déjections qui s’écoulent imprègne l’atmosphère. Emma s’adosse au mur opposé, se laisse choir sur le béton. Sa gorge brûle. Elle s’égosille jusqu’à ce que ses cris se transforment en sanglots. L’odeur jusque-là presque contenue dans le seau se propage dans la pièce.
Emma se recroqueville.
Je suis pathétique…
Elle a éclaté. Sans visualisation, elle ne peut plus rien vivre. Ici, dans cette cave, à l’exception de l’automutilation, il n’y a aucun autre moyen de s’évader, ou même de ressentir quelque chose. Elle ne peut utiliser la réalité augmentée ni s’injecter une bonne dose de caelum. Impossible de sentir la présence d’un autre être humain. Sa Raison constitue la seule entorse à cette solitude. Emma sait toutefois que ce n’est en fait qu’un morceau d’elle-même. Pour preuve, sa voix est identique à la sienne. Une voix, sans corps, qui résonne parfois dans ses pensées, mais qu’elle perçoit pourtant clairement à certaines occasions.
— Je ne suis qu’un effet secondaire de ton isolement, Emma, affirme sa Raison.
Elle hoche la tête.
L’exiguïté de la pièce gonfle son mal-être : une prison d’environ neuf mètres carrés. Une once de culpabilité puis une livre de détresse la remplissent en observant le mur devant elle. Qu’a-t-elle fait ? ! Du liqu

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