Éphéméride
384 pages
Français

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Description

Un roman policier sans doute, mais aussi une histoire de folie et d'amour dans un coin de Bretagne. À vingt ans de distance, la même horreur vient ensanglanter la côte de Granit Rose.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 juillet 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782332949219
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0127€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-94919-6

© Edilivre, 2015
Citation


« Celui que la vie change en bête ne connaîtra plus la souffrance d’être un homme »
Chapitre I
Avril 2002
Naufrage… Le corps las se refuse encore au moindre mouvement. Progressivement, les yeux s’entrouvrent. La lumière, pourtant terne, blesse le regard. Quelle heure peut-il être ? Six heures, ou plutôt huit, ou neuf, ou dix ? Je ne sais pas, je ne sais plus, et cela n’a guère d’importance. Depuis toujours il me semble que le temps s’est dissout… A quoi bon s’arrêter dans ce cas aux contingences mesquines de l’horloge ? Plutôt lâcher prise simplement et se laisser porter… Tout naturellement, la pensée reprendra ses doutes peu à peu. J’écouterai bientôt le bruit sourd et régulier de ce cœur infatigable. Je saurai noyer d’air neuf ces poumons paresseux, encore encombrés des miasmes de la nuit…
Par la lucarne étroite, le ciel s’ennuie… nuages épais et bas, d’un gris presque trop sombre. Le soleil, comme toujours, est absent de cette toile vide. Sans doute va-t-il même bientôt pleuvoir. J’appréhende déjà ces larmes sales que le vent plaquera contre le verre unique du carreau. Lourdement elles s’écrasent puis s’étalent, s’étirent, s’allongent, se regroupent, pour se laisser glisser enfin, baveuses à souhait de ces poussières noirâtres accumulées, libérées d’un coup sur la surface froide. Moi qui aime tant l’eau vive, claire et lumineuse, le clapotis joyeux, espiègle, secrètement complice… J’ai mal de ces immondes salissures que ce détestable chagrin des villes crache, irrespectueux, sur les façades offertes. Je voudrais préserver, par-dessus tout, la matière pure, le geste délicat…
Depuis que suis là, j’ai résolument détesté ces matins mornes où le printemps s’étire et se perd, où la grisaille monochrome semble noyer l’espace tout entier dans un affligeant camaïeu. Si je respecte les ténèbres, redoute tout autant l’éblouissante clarté des soleils d’été, je hais cette lueur fade qui déjà m’enveloppe, me pénètre, m’aspire. Je sens peu à peu mes fibres se fondre lentement dans ces rayons froids qui me lèchent. Surtout ne pas faiblir ! Se ressaisir ! Concentrer toute ma pensée pour faire obstacle à cet anéantissement sournois qui me guette. M’enfermer hermétiquement comme dans une chrysalide, m’extraire du monde… Laisser les paupières lasses refermer lentement leur écran protecteur. Endormir à nouveau toute sensation. Rêver d’un corps sans organe, orbites bouchés, narines pincées, oreilles murées, anus fermé, sexe absent, bouche close. A l’intérieur ? Plus rien ! Pas de langue, pas de dents ni de larynx. Un ventre vide. Un être réduit au minimum et fier de son arrogante autarcie. Un organisme rond et lisse comme un œuf indifférencié, bien à l’abri à l’intérieur de sa coquille. Une substance unique et pleine, molécule géante toute entière enfermée confortablement dans sa membrane et son cytoplasme. Projeter alors, du seul fait de sa volonté, le visible complexe de la matière dans l’invisible simple. Insensiblement, mais avec détermination, je me concentre. Je résiste, me refuse. Éclair soudain ! Fulgurante douleur ! L’univers bascule… Je dois perdre connaissance.
Conscience défaite d’une forme évanouie. Impression brusque et persistante de planer dans un horizon clos. Intuition, de plus en plus nette, de mon esprit qui s’échappe imperceptiblement de cette enveloppe fatiguée où je me laisse enfermer depuis si longtemps. Enfin je m’évade de moi-même… mais subrepticement, sans crier gare. Comme c’est simple ! Voici que je m’élève progressivement dans l’espace, presque au-dessus de mon lit, jusqu’à sentir le plafond bientôt à fleur de spectre. Ça y est… J’y suis parvenu ! Je me regarde tout en bas, encore allongé sur le lit, les jambes bizarrement repliées, les yeux mi-clos. Je me trouve vieilli, quelque peu négligé. J’ai peine à reconnaître cet autre moi-même, presque défiguré par une barbe de plusieurs jours, les cheveux grisonnants, collés en mèches drues et raides. La carcasse semble amaigrie, plus fluette, presque fragile dans ce pyjama trop large, mal ajusté, taché par endroits. Les mains décharnées, aux articulations saillantes, posées bien à plat sur le drap, s’étirent distinctement, aux confins de ces bras squelettiques. Désormais je me perçois parfaitement comme deux personnages incompatibles, unis jusque-là par le hasard, séparés soudainement, sans une explication, en ce matin d’avril. Entre ces deux présences s’organise désormais une oscillation symétrique de période inconnue. J’avoue ne plus savoir si réellement je vois, si je suis encore une forme palpable… Ai-je enfin réussi à traverser le miroir ou bien ne suis-je que tout simplement mort, stupidement, durant mon sommeil ?… Sourde inquiétude de ne plus pouvoir se situer dans cet espace neuf… Chercher à comprendre, retrouver ses marques…
Mais petit à petit, cette vie double prend corps, devient enfin crédible. Non !… Je ne délire pas !… Je suis bien vivant ! En bas, l’homme a tourné la tête sur son oreiller. Un souffle lent mais régulier gonfle encore sa poitrine, relève périodiquement ses côtes au rythme du diaphragme. Rassuré, je m’amuse à en noter la fréquence. J’observe, un moment, les mouvements oculaires rapides qui animent, sous les paupières, ces yeux qui sont les miens. Pour la première fois dans mon existence, je me regarde rêver et me surprends même à vouloir pénétrer ce rêve… Jalousie d’un temps qui m’appartient et qui m’échappe à la fois. La simple peur de me réveiller, si je retourne en moi-même, m’incite à demeurer là, tout étalé contre le plafond blanc et glacé. Déjà le remords de m’être évadé… Pénible sensation d’être spolié de cet instant qui me revient et me rejette à la fois. Étrange… Depuis toujours j’ai le sentiment de vivre dans la nostalgie du présent. Certitude douloureuse de le savoir en fuite, amertume de le perdre avant même qu’il m’ait abandonné. Aussi loin que je remonte dans le passé, je retrouve, continuellement, cette impression de déchirure, de frustration. Ne jamais parvenir à vivre simplement la seconde qui passe…
Chambre… Fenêtre unique… Je suis dans ton œil clos. J’écoute. Elle est toujours là, fidèle, la pendule fée, celle qui ne compte que les temps de ma présence, qui se tait tout à coup si je m’éloigne. Son amical tic-tac me parvient encore, imperturbable, plus distinct que d’ordinaire, comme amplifié par l’altitude de ma position. Jamais encore je n’ai imaginé cette pièce telle que je la découvre aujourd’hui. Elle m’apparaît à la fois plus vaste et profondément ridicule, dans son inaltérable blancheur et son spartiate mobilier. Comment diable est-il possible que depuis tant de jours, de mois, j’aie pu m’accepter là, y vivre retiré, presque heureux, oublieux de la mer et des pins parasols, passant du lit au tabouret, du tabouret à la table, puis de la table au lit ? J’ai comme un trou dans la mémoire, un vide douloureux, creusé sans doute il y a bien longtemps par quelque cataclysme dont j’ai perdu jusqu’au dernier souvenir. Puis, progressivement, la conscience est revenue, sans repère, sans marque, lisse, incolore, aseptisée comme ce local austère où je me regarde dormir. Sublimer pour survivre ! S’affranchir enfin du collectif ! Passer de l’action, exécutée en commun, à la méditation intérieure, à la pensée individuelle… Apprendre à méditer pour parvenir à entrer en soi comme on pénètre un gouffre aux tréfonds de la terre… S’enfoncer toujours plus loin sous la croûte et s’anéantir enfin, avec délice, dans l’aboulie salvatrice. L’avenir appartient à celui qui n’a pas peur du vide.
Ici, curieusement, je peux me déplacer à ma guise, oublieux des contraintes mesquines de l’enveloppe charnelle qui repose, toute calme, en dessous de moi. Elle ne se doute de rien, la bienheureuse ! Elle ignore jusqu’à mon apparence, et moi, du simple fait que l’envie m’en vient à l’esprit, je choisis d’avancer sur ma gauche, ou sur ma droite, de monter, de descendre… Je me joue même des limites fragiles des murs, simples brouillards que je traverse à volonté. Déjà, sans l’avoir voulu préalablement, j’ai transpercé trois plafonds, un toit, plusieurs planchers et je ne compte pas les cloisons ! J’ai survolé l’immeuble, la cour, les arbres. J’ai vu la ville toute grise et les vallées avoisinantes. Peu à peu me vient l’assurance, l’oubli du vertige. J’éprouve bien vite comme un sentiment de sécurité absolue, la certitude de maîtriser parfaitement chacun de mes élans, d’en infléchir la vitesse, la direction, les limites. Vaincre l’espace c’est vaincre le temps ! A cet instant je vis, je vole, je sais enfin tous les possibles… Je touche à l’insondable, l’insoupçonné, l’immatériel parfait… J’ai dépassé l’infranchissable, sauté le mur des murs par-delà les racines de l’âme… Aujourd’hui je suis toujours !
Chapitre II
Samedi 1 er Mai 1982
Lise, le mois prochain, fêtera ses quinze ans, quelques jours à peine après le début de l’été. Aujourd’hui, comme ce fut bien souvent le cas cette année, elle se retrouve encore seule dans le grand appartement familial que tous ont déserté pour des raisons diverses. Elle n’en a que faire. En cette après-midi de printemps, fidèle à ses habitudes, elle s’est allongée sur son lit, un livre à la main. Tandis qu’elle en tourne les pages une à une, méticuleusement, attentive à chaque phrase, elle écoute la radio d’une oreille distraite et perçoit, par instants, les bruits étouffés qui montent de la rue jusqu’au deuxième étage de l’immeuble bourgeois que sa famille occupe depuis très longtemps. Malgré la proximité de la gare Saint Lazare, le quartier est tranquille et ce ne seront pas les manifestants q

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