Female
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Description

Bordeaux. 2052. Dans un monde où le féminisme est érigé en loi, les femmes continuent à faire face à des choix cornéliens pour assurer leur réussite.
Axel, 31 ans n’échappe pas à la règle. Tiraillée entre les envies de son compagnon et les attentes de sa famille, la jeune femme décide de raser ses cheveux longs pour obtenir le poste qui lui permettra d’acquérir son indépendance. Mesure-t-elle alors la portée de ce choix symbolique sur sa vie de couple et son destin de femme ?
Entre deux mots, entre deux sexes, entre deux mondes, FEMALE vous embarque dans un futur à la fois inquiétant et possible, une galerie de portraits où les genres s’affrontent, pour le meilleur et pour le pire…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 février 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782954816845
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0010€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Female
Laure Lapegue
© Booknseries 2017 ISBN:978-2-95481684-5
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
PROLOGUE
 Les mèches tombaient en pluie fine, venant chatouiller le bout de son nez, sa bouche, ses épaules nuesAxel n’osait ouvrir les yeux.  — Voilà ! C’est terminé ! Tu peux regarder !  La voix forte et grave la fit sursauter. Le vrombissement de la petite tondeuse s’était tu. La jeune femme eut un frisson. Ses paupières tremblaient à l’idée de découvrir son nouveau visage dans le miroir du salon.  « Cinq, quatre, trois, deux, un»  — Merde alors !  Axel plaqua une main devant sa bouche. Derrière elle, Brigitte souriait, visiblement contente d’elle.  — Alors ? Plutôt pas mal, hein ? fit-elle en passant elle-même une main sur son crâne recouvert d’un demi-centimètre de cheveux grisonnants.  Sûrement par mimétisme, Axel fit de même. C’était doux. Un peu comme le ventre d’un chiot.  — Mmmh, fit-elle les lèvres serrées.  Au bout de quelques minutes, ses yeux parvinrent à se détacher de l’épaisse couche de poils drus lui servant désormais de coiffure pour découvrir son reflet au beau milieu de la glace. Surlignés par de larges sourcils dessinés en virgule, ses grands yeux noirs semblaient avoir pris toute la place. Son visage, totalement dégagé, paraissait à la fois plus fin et plus carré. Malgré ses joues encore assez rondes et ses lèvres roses, elle avait l’air plus âgée, plus volontairePlus virile?  « Hey ! Pas si mal ! » s’avoua Axel tout en redressant le menton. Elle se tourna de profil. Plutôt harmonieux son crâne ! Ni plat à l’arrière, ni en forme d’œuf comme celui de certaines femmes croisées au centre. C’est vrai quoi, on ne sait jamais à l’avance quelle forme une tête peut avoir une fois rasée ! Au moins de ce point de vue-là, Axel était rassurée.  Brigitte recula d’un pas et faillit s’entraver dans un pouf. Elle jura de sa voix rocailleuse puis éclata de rire, dévoilant sa large bouche où trônaient deux incisives marquées du signe du bonheur.  — Voilà ce que c’est que d’improviser un salon de coiffure au beau milieu de son appartement !  — Désolée pour le dérangement, s’excusa Axel. Promis, la prochaine fois, on ira chez
moi.  Chez elle. Oui. Il faudrait s’occuper de ça aussi. Mais à présent tout serait beaucoup plus facile. Elle faisait partie du groupe. Brigitte et les autres l’avaient prise sous leur aile. Tout allait bien se passer Axel sourit à son reflet. Si, il y a quatre mois on lui avait dit qu’elle serait capable de faire une chose pareille, elle aurait éclaté de rire et aurait juré ses grands dieux qu’on ne l’y prendrait jamais ! Et pourtant, voilà qu’elle avait sauté le pas : elle était entrée dans le clan des FEMALES.
1.
Sur la vitre fendue de son Smartphone, l’horloge indiquait dix-sept heures trente. La meilleure heure pour annoncer les mauvaises nouvelles. De préférence le vendredi. Histoire d’éviter les esclandres et d’avoir le week-end pour digérer !  — Et je suis censée partir quand ?  Elle avait essayé de prendre un air dégagé mais le jeu de ses doigts dans l’épaisse queue de cheval reposant sur son épaule trahissait sa nervosité.  — Fin du mois Axel soutenait le regard vitreux du septuagénaire. Il portait son pull violet, avec un col en V. Son préféré. Il jubilait. Virer une femme ! Q ui pouvait encore s’offrir ce luxe de nos jours ?!  — Mais le code du travail vous oblige à me laisser un préavis — Pas du tout ! exulta le petit homme en agitant ses bajoues. Je fais ce que je veux dans ma boîte moi, mademoiselle ! Et si vous voulez convoquer la clique de mal baisées du syndic, vous pouvez y aller ! J’ai un dossier en béton !  Axel sentit son cœur s’accélérer. Elle voyait bien à quoi cet enfoiré faisait allusion. Elle avait été embauchée en tant que magasinière chezMon Meuble Ecoun an plus tôt, grâce à la dernière loi d’insertion des femmes. Mais son patron, fabricant de mobilier en matériaux recyclés depuis plus de trente ans, était une sorte de résistant. Soixante-quatorze ans et anti-MLF, Monsieur Mort priait tous les jours pour la fin de la parité et saisissait toutes les occasions de remettre les fem mes là où il pensait qu’elles devaient être : aux fourneaux, un gamin accroché à chaque poche du tablier. Or depuis quelques mois, le PDG avait trouvé un moyen d’atteindre son but en détournant la première loi PFAT (« Protection des femmes au travail »). Un article stipulait qu’une femme ne pouvait être soumise à des travaux où son intégrité physique était mise en danger. En s’appliquant à rendre le travail de ses manutentionnaires de plu s en plus difficile et en refusant d’acquérir des machines, sous couvert de préserver des emplois (un droit légitimé par une autre loi anti-chômage), le patron pouvait invoquer la loi PFAT pour éliminer, peu à peu, les femmes de son usine. Sous réserve de prouver l’emploi d’un homme pour la remplacer, la cessation du contrat de la travailleuse dite « en danger » pouvait avoir lieu sans préavis. Une aubaine pour Mort !  Disons, à sa décharge, que, depuis dix ans, le monde avait pris un drôle de virage. Tout avait commencé avec l’arrivée à l’Élysée de la nouvelle première dame. Le président, déjà
réélu depuis un an, avait entamé son deuxième mandat par un scandale et un divorce. Quelques mois plus tard, il se remariait avec celle avec qui il avait fauté à l’arrière d’une limousine aux vitres non teintéesUne grande blonde aux cheveux courts et au regard de glace. Anne Blondeau. Journaliste politique très en vue. Une femme qui, dès son arrivée, avait décidé de redonner à la gente féminine une place qu’elle même n’avait pu se voir octroyer qu’en passant par la case séduction. Entre-temps, le nombre de renouvellements des mandats était passé de deux à quatre (crise oblige, il fallait laisser au président plus de temps pour travailler) et la première dame avait poussé son époux à faire voter un nombre significatif de lois rendant la parité obligatoire et presque incontournable. Effet collatéral de cette politique aveugle, aux yeux de certains hommes, le sexe féminin en était tout simplement devenu détestable ! Le cas de Monsieur Mort, le patron d’Axel. De la vieille école, il ne supportait pas les privilèges dont bénéficiait le sexe faible qui, selon lui, n’en n’avait guère plus que le nom, rien d’autre. « Bientôt on va vous greffer des couilles ! », avait-il lâché à l’attention de la déléguée du personnel, une grande bonne femme aux cheveux ras dont on aurait pu aisément douter de l’identité sexuelle Axel n’était pas une militante. Le fait qu’elle ait quitté l’école à un âge la privant de tout diplôme l’avait obligée à errer de petits boulots en petits boulots. Elle s’en était toujours sortie. Elle admettait cependant qu’il était beaucoup plus facile de trouver un job depuis que la grande blonde était entrée dans le lit du pr ésident. Revers de la médaille : les hommes, eux, avaient de plus en plus de mal à travailler ! Sam, le petit ami d’Axel, était au chômage depuis deux ans. Son licenciement n’était donc pas vraiment le bienvenu ! Bien sûr, elle aurait pu se faire pistonner par sa mère. Mais ça, Axel s’y refusait.  — Vous ne pouvez pas faire une exception ? Au moins pour un mois ? Mon ami est au chômage et Mort l’avait coupée d’un grand éclat de rire.  — Mais je m’en fous moi que votre mec soit au ch omdu ! Vous vous croyez où ? À l’armée du salut ?  — Non mais je voulais juste vous dire — Et moi je vous dis que j’ai pas le choix. C’est la crise, on perd des clients, on doit créer des emplois pour avoir des aides et continuer à valoriser le « Made in France », alors votre vie privée, j’peux pas l’intégrer dans le business plan !  Axel regarda par la fenêtre. Il fallait au moins qu’elle trouve une solution pour le mois prochain. Elle pourrait aller voir son frère, lui d emander de la dépanner. Camille était marié avec une radiologue bourrée aux as. Elle et S am auraient pu vivre rien qu’avec l’argent qu’elle lui donnait pour les courses ! Elle l’appellerait. D’ici quelques joursSi elle ne retrouvait pas de taffEn attendant il allait falloir tenir et annoncer à Sam la mauvaise nouvelle !  Elle se leva. Ses jambes tremblaient malgré elle.  — Je peux y aller ? fit la jeune femme en desserrant à peine les mâchoires. — Oui ! fit Mort jovialement.
Axelhochalatêteetsedirigearapidementverslaporte.Elleseraitmorteplutôtquede
Axelhochalatêteetsedirigearapidementverslaporte.Elleseraitmorteplutôtquede montrer les larmes se bousculant au fond de sa gorg e. Elle avait à peine passé l’encadrement que la voix nasillarde de son patron la rattrapa au vol.  — Et un bon week-end, Mademoiselle De Sèze !!
2.
Elle laissa passer un tram. Puis un autre. Pas pressée de rentrer En plus à cette heure, les rames étaient bondées. Avec cette chaleur, elle allait devoir endurer les odeurs mêlées de parfum, de transpiration, le frôlement de corps moitesqu’à cette idée, Rien elle avait la nausée.  Axel passa une main dans son épaisse chevelure e t libéra sa queue de cheval. Machinalement, elle se tourna vers la vitrine d’une boulangerie, arrangea sa coiffure, vérifia son allure. Elle était plutôt coquette. Pas franchement féminine, enfin, pas au sens où on pouvait l’entendre au début du siècle mais soignée, oui. Face à la recrudescence de cheveux courts, de vêtements larges et de chaussures plates, Axel avait gardé ses longues mèches brunes et un look qui faisait se retourner certains hommesEt ne manquait pas de susciter les réflexions de sa mère, les rares fois où elle allait la voir. À plus de trente et un ans, Axel s’entendait encore dire qu’une jupe courte, même portée avec des tennis, la décrédibilisait aux yeux des hommes, ruinant du même coup le travail de trois générations de militantes pour les droits de la femme.  Axel se décida enfin à sauter dans la rame en approche, lorsqu’au fond de sa poche, son téléphone se mit à vibrer. Soulagée d’avoir un prétexte pour ne pas monter, la jeune femme laissa les portes se refermer sur le ventre d’un gros type trempé de sueur et alla rejoindre la petite bande d’ombre sous le store de la boulangerie toute proche.  — Allo ?  — Oui ! C’est moi !  Axel reconnut la voix de Noah, sa collègue àMon Meuble Ecoet aussi, accessoirement, membre du syndicat de l’usine de Monsieur Mort.  — Hello. Comment va ?  — Ben c’est plutôt à toi qu’il faut demander ça ! Il t’a virée ce vieux con il paraît !  Axel avança vers la ruelle qui longeait les comm erces, juste derrière l’arrêt du tram. Sachant que la caméra de l’avenue principale ne pou vait filmer au-delà des premiers mètres, elle s’enfonça dans le boyau tout en écoutant Noah jurer à l’autre bout du fil. Une fois qu’elle fût certaine d’être hors de vue, Axel fouilla dans sa besace, attrapa son paquet deWomen, son briquet et alluma une cigarette.  — T’énerve pas No. Ça sert à rien !  —Comment ça ? Mais tu crois pas que je vais laisser ce salopard utiliser l’article 504b pour nous la faire à l’envers et virer toutes les nanas de la boîte ! Je vais en parler à Chris ce soir.  Chris, la copine de Noah, dix ans de plus qu’elle, était l’une des associées d’un gros cabinet d’avocats de la Grande Bordeaux. Quand Axel était arrivée chezMon Meuble Eco,
c ’est Noah qui l’avait formée. Avec ses mèches blondes en pétard, ses tatouages de pin-up et sa clope électronique vissée au bec, elle était connue comme le loup blanc. Il faut dire qu’en tant que femme et syndicaliste, elle était in touchable. Statut ayant amplement contribué à développer son aplomb. Plusieurs fois elle avait tenté de convaincre Axel de militer mais celle-ci avait préféré garder ses dist ances. D’une part le militantisme ne l’intéressait pas. D’autre part, elle avait l’impression qu’elle plaisait à Noah et ne voulait pas l’encourager.  Axel souffla la fumée de sa menthol.  — Bon écoute, c’est sympa mais faut qu’j’y aille — Mais t’es où là ? Tu fais quoi ?  — J’attends le tram — C’est une clope que j’entends ?  — OuaisJ’ai craqué en sortant du taff.  — Putain ! Fais gaffe à pas te prendre une amend e Axel ! C’est mille balles je te rappelle ! T’as vraiment pas besoin de ça vu la situation — M’en fous ! Je suis trop stressée. Je sais pas comment je vais annoncer ça à Sam. Il va être super flippé, je le sens !  Il y eut un silence à l’autre bout de la ligne. Axel savait que Noah n’aimait pas la façon dont elle protégeait son petit ami. Mais elle s’en moquait. Après tout, tout le monde ne pouvait pas être la maîtresse d’une grande et riche avocate bordelaise !  Lorsqu’elle tourna la clé dans la serrure Axel avait déjà pris sa décision.  Elle ne lui dirait rien. Pas seulement pour le protéger mais parce qu’elle avait besoin de temps. Pour digérer. Pour admettre ce qui était en train de lui arriver. Avec ce licenciement, ce n’était pas seulement un job qui partait en fumée, c ’étaient tous leurs projetsÀ commencer par le déménagement.  Axel poussa la porte en contreplaqué sur laquelle leurs noms et prénoms étaient inscrits l’un au-dessus de l’autre, sans que l’on p uisse dire lequel était l’homme, ou la femme. Elle appela. Pas de réponse. Sam était sûrement allé marcher. Tout comme elle, il ne supportait plus ce petit appartement aux murs dé fraîchis et dont l’unique pièce rectangulaire se retrouvait, inexorablement, encombrée de vêtements, livres et vaisselle sale. Salle de bains et cuisine se trouvaient dans les parties communes. Manque d’espace, d’intimité, d’insonorisation. Odeurs de bouffe prenant au nez et à la gorge dès l’entrée dans la petite cour de l’immeuble !  À bientôt trente-deux ans Axel en avait assez de vivre comme une étudiante. Et encore ! Au moins les universitaires étaient-ils logés près de la fac. Le studio du couple, lui, se trouvait à plus de trente kilomètres au nord de la Grande Bordeaux. En dix ans, les lignes des transports en commun avaient été étirées comme des chewing-gums et les habitants de la ville la plus touristique de France après Par is s’étaient peu à peu retrouvés condamnés à vivre à presque deux heures du centre. L’objectif de Sam et Axel était de se rapprocher de ce dernier, de redevenir plus ou moins des citadins. D’ici deux mois, son ancienneté chezMon Meuble Ecodû leur permettre de présenter la caution aurait nécessaire pour louer un duplex à une distance raisonnable de leurs amis et du travail d’Axel. Mais à présent, ils n’étaient même plus certains de pouvoir rester dans ce gourbi ! Axelselaissatombersurlundesdeuxpetitstabouretsdeboisencadrantlatablebasse
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