Fred Nietzsche, tueur à dégage
82 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Fred Nietzsche, tueur à dégage , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
82 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description


Fred Nietzsche a un contrat. Il doit dessouder le roi d'une tour géante. Pour ce faire, il a sa manière: en bon philosophe, il rentre dans la tête des gens et opère. Chute libre assurée. En chemin, on rencontre un sacré bestaire: Jacques Cœur, Mikhaïl Bakounine, et même Garibaldi. On rencontre aussi des femmes: Sarah Bernhardt, instrument du destin, mais aussi Amelia Earhart, avec laquelle Fred a un sacré ticket. On rencontre encore des tueuses et deux belles crapules. Pas de surhommes ici, à part l'auteur peut-être: astucieux, retors, jamais plat, jamais lourd non plus, mais jamais vide, toujours à vous faire poser l'ouvrage pour regarder l'horizon intensément et réfléchir avant de reprendre la lecture après un ricanement satisfait. Car les personnages de ce carousel ne nous déçoivent jamais. La fin, évidemment, est pire que tout.





Professeur de linguistique au département d’Études françaises de l’Université York de Toronto pendant vingt et un ans, Paul Laurendeau, né en 1958, vit aujourd’hui dans la région des Basses-Laurentides où il se consacre à l’écriture.



Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 7
EAN13 9782924550380
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0026€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

FRED NIETZSCHE, TUEUR À DÉGAGE
Paul Laurendeau
© ÉLP éditeur 2018 www.elpediteur.com elpediteur@gmail.com
ISBN : 978-2-924550-38-0 Conception de la couverture : Allan E. Berger.
Cet ouvrage d’ÉLP éditeur est pourvu d’un dispositif de protection par filigrane appelé aussi tatouage (watermark en anglais) et, par conséquent, n’est pas verrouillé par un DRM (Digital Right Management), verrou de protection nécessitant l’ouverture d’un compte Adobe. Cela signifie que vous en êtespropriétaireque vous pouvez en disposer sans limite de temps et ou sur autant d’appareils (liseuses, tablettes, smartphones) que vous voulez.
Si toutefois le fichier que vous aviez acheté était verrouillé, comme cela arrive lorsque qu’on se fournit chez certains revendeurs indélicats, alors ÉLP éditeur s’engage à vous fournir une version sans DRM, pour peu que vous fournissiez une preuve d’achat à votre propre nom et sur votre propre adresse email. Cette réaction anti-DRM furtifs a été initiée par la maison d’édition numérique L’ivre-Book, et nous la reprenons à notre compte. Vous avez droit à posséder un livre libre.
Cet ouvrage s’avère néanmoins protégé par le droit d’auteur ; en l’achetant, vous vous engagez à le considérer comme unobjet uniquedestiné à votre usage personnel et à ne pas le diffuser sur les réseaux sociaux ou les sites d’échange de fichiers. Veuillez prendre note que cet avis ne s’applique pas si vous vous procurez cet ouvrage dans un écosystème fermé.
ÉLP éditeur est une maison d’édition 100% numérique fondée au printemps 2010. Immatriculée au Québec (Canada), ÉLP a toutefois une vocation transatlantique : ses auteurs comme les membres de son comité éditorial proviennent de toute la Francophonie. Pour toute question ou commentaire concernant cet ouvrage, n’hésitez pas à écrire à : elpediteur@gmail.com
There’s Howard Hughes In blue suede shoes Smiling at the majorettes Smoking Winston Cigarettes…
Genesis, “Fly on a windshield”, The Lamb Lies down on Broadway(1974)
UN – George Westinghouse
Tout commence avec un être humain, altier et toniqu e, qui arpente d’un pas vif les ruelles humides et matinales d’une grande ville. L’ identité de ce personnage ne fait aucun doute dans la vision que s’en donnent toutes les instances concernées. Il s’agit de Nietzsche, Fred Nietzsche. Ce marcheur fluide, q ui semble parfaitement savoir où il va, c’est les moustaches et c’est l’élégance. La gr ande classe. Ainsi parlait le mec en costard d’un autre âge. Et ce matin-là, Fred Nietzs che a un tuyau. Un plomb a coulé à une nénette qui a susurré à une figure historique s urannée qu’auOK Caboose, magasin de produits électronico-électriques situé d ans laRuelle aux Symboles Insolites, il y avait un contrat qui l’attendait. Et les con trats qui attendent Fred Nietzsche ne sont pas des petites choses de bagatel les pour trois fois rien figuratif et unilatéral car Fred Nietzsche est un tueur à dégage .
L aRuelle aux Symboles Insolitestire son nom d’une nuée de symboles bizarres qui pendouillent sur un fil télégraphique courant en l’ air, en parallèle avec le caniveau central de la courte ruelle. Toutes sortes de légen des circulent sur ce lieu biscornu. D’aucuns affirment qu’il aurait été autrefois un re père de forbans qui détroussaient les voyageurs et les tourmentaient avec des paradoxes, des devinettes et des apories. La Ruelle aux Symboles Insolites fonctionnait alors comme une sorte de cour des miracles où les détrousseurs se révélaient les uns aux autres les clefs des paradoxes, des devinettes et des apories qu’ils avaient brutal ement utilisés pour tourmenter les voyageurs. On raconte que si certaines devinettes é taient jugées trop raplapla ou si certains paradoxes et apories étaient jugés trop in solubles, les malfaiteurs pouvaient carrément en venir aux mains… tandis que, toujours selon la légende, ils se partageaient habituellement leur butin matériel san s la moindre anicroche.
L aRuelle aux Symboles Insolites, en tout cas, n’est plus aujourd’hui qu’une artère commerçante un peu borgne. Fred Nietzsche s’y prése nte par un petit matin nuageux particulièrement sombre. L’afficheOK Caboosesporadiquement. Les lettres clignote tubulaires, toutes liées entre elles, sont rouge sa ng et font tache dans la nuit mourante, comme le ferait quelque anticipation tragique. Niet zsche entre dans la boutique, lui, comme le ferait le chaland le plus ordinaire, alors qu’il est clair et net que les heures d’ouverture sont depuis longtemps révolues, tant ré volues qu’on les dirait plutôt presque sur le point de reprendre. La porte n’est p as verrouillée. C’est bien qu’on l’attend. Il va falloir maintenant comprendre dans quel nouvel univers on s’insinue une fois de plus. Sachons gaiement, sachons gaiement…
C’est là bel et bien un détaillant d’anticipations électriques. Nietzsche tombe en arrêt devant un bric-à-brac de promesses. Plusieurs d’ent re elles sont rompues, et il ressort sans ambivalence qu’un nombre encore plus grand de ces dernières était illusoire dès le départ. Il y a des câbles, des fils, des tubulur es, des casques bombés hérissés d’antennes, des véhicules, des ronromules et des tr ombines. Le tout fait bazar techno à la frime éblouie. Pourtant un indice insidieux fa it tiquer Nietzsche, dont le flair philosophique n’a pas son pareil pour extirper des catégories des situations. Il n’y a pas de poussière sur tout cet attirail électronico- électrique. Il est net, rutilant, pimpant, pétant. Les globes de verre sont limpides. Les bout ons et manettes sont propres comme des florins neufs, le revêtement des câbles e t fils est lisse et luisant comme de la peau de serpent. Il y a quelque chose dans tout ça qui fleure l’anticipation bien
ordonnée, la vision qui gagne, la sagesse pragmatiq ue qui percute, la plomberie bien astiquée qui percole et scintille.
Se garant le chef de jugementsa priorisemblent pendre du plafond comme les qui toiles filandreuses et gluantes de l’araignée qui, de fait, ne circule factuellement que dans le plafond de Fred Nietzsche lui-même, le susd it Freddy s’avance entre les divers objets électronico-électriques disséminés dans la b outique virulente ès techno. Les sourcils broussailleux de Nietzsche se froncent une seconde fois. Il s’attendait à nager dans les tubulures enchevêtrées, les paquets de fil s et de câbles désaccordés et les embouts préhensiles à bras boudinés. Rien de rien. Une sinueuse piste oscille dans le bazar et tout s’avère non seulement bien ordonné ma is disposé d’une manière qui rend la traversée intégrale de la boutique électronico-é lectrique d’une facilité déconcertante. On attend de l’inextricable, on rencontre du bien tempéré. Cela ne peut ni plus ni moins que nous parler. Un rideau violet vif sépare l’arri ère-boutique de l’espace présentoir tech. Nietzsche franchit cette paupière à la fois o paque, vaporeuse et diaphane et il se retrouve dans l’officine feutrée et publique du patron duOK Caboose.
Le vénérable patron duOK Cabooseest assis sur un étrange trône de jade. C’est un vieil occidental à la fois chafouin et massif, vêtu de noir, genre notable de 1917. Il a ce qui semble être une montre à chaînette au gilet et le col de sa chemise blanche, qui est carrément en carton, se dresse autour de ses joues. Il a de longues moustaches tombantes et de bons et solides cheveux blancs peig nés de côté, sans calvitie. Sa tenue est aussi impeccable que le fourbi de sa bout ique. Son costume est bien brossé, ses souliers sont rutilants, sa cravate est sans pl i. Ce qui frappe le plus Nietzsche ici, c’est l’intensité à la fois sérieuse et vive du reg ard de ce rupin pensif. On sent le décideur, le baroudeur aussi, le tyran possiblement , la fine mouche, ça certainement. L’identité de ce personnage ne fait aucun doute dan s la vision que s’en donnent toutes les instances concernées. Il s’agit de George Westi nghouse.
George Westinghouse, électricien, inventeur et homm e d’affaire, invite Nietzsche, philosophe et philologue, à s’asseoir devant lui, e n tendant la main en direction d’un trône de jade identique au sien. Nietzsche s’y étab lit légèrement, comme un grand oiseau se pose près d’une fontaine. Si la rencontre n’était pas si insidieusement secrète, cela ferait une photo fort acceptable. Cla sse, aussi. On sent une manière de compatibilité implicite entre ces deux hommes. Leur mode d’intelligence diffère largement mais leur sens tactique et leur flair int erpersonnel leur indique à chacun, comme instinctivement, le calibre de l’autre. Le di alogue s’engage. Les noms des protagonistes sont en didascalie, oui, oui, bien év idemment, puisqu’ils sont éminents.
Westinghouse. — Monsieur Nietzsche, soyez le bienve nu. On me rapporte que vous seriez untueur à dégage infranormal. Vous confirmez ?
Nietzsche. — Je confirme.
Westinghouse. — Bien, bien. Et en quoi ça consiste ?
Nietzsche. — Eh bien, un tueur infranormal tue – ce la s’impose – et il le fait en s’insinuant sous les revers et replis attendus de l a normalité. Tel que vous me voyez, j’ai fait mourir des millions de gens, sans même le ver le petit doigt. C’est qu’aucune des facettes usuelles du réel ne peut faire obstacl e au tueur infranormal. Tous les ressorts fictionnels sont à sa disposition pour qu’ il fasse son travail. Il se réclame, sans obstacle, d’une latéralité chrono-logico-narrative virtuellement infinie.
Westinghouse. — Bien, bien… Et que signifieà dégage?
Nietzsche.Oh,c’esttoutsimplementquevotretu eurn’estpasunkamikazeouun
Nietzsche. —Oh, cest tout simpleur nement que votre tu est pas unkamikaze ou un suicidaire. Sur tous ses coups, ildégage. De tous ses imbroglios, ilse dégage. Si quelqu’un meurt dans l’action d’un tueur à dégage, c’est que c’était une de ses victimes.
Westinghouse. — Bien, bien.
Nietzsche. — Ajoutons – comme si cela n’allait pas de soi – que votre tueur infranormal va vous réclamer… hum, hum…des gages.
Westinghouse. — Oui ?
Nietzsche. — Oui. Vous devrezdégager des gages. Somptuaires. Il faut vraiment avoir les moyens. Ça semble être votre cas, d’aille urs. Enfin, nous en reparlerons un peu plus tard.
Westinghouse. — Entendu. D’accord. Bien. Alors le m eurtre…
Nietzsche. — Le capotage…
Westinghouse. — Le…
Nietzsche. — On ditle capotage, par discrétion euphémisante.
Westinghouse. — Capotage ?
Nietzsche. — Oui. Comme une automobile de course ou un hors-bord de régates qui se retournent à haute vitesse, bousillant tout sur leur passage, leur pilote avant tout.
Westinghouse. — Donc, le… capotage.
Nietzsche. — Voilà.
Westinghouse. — Le capotage requis se remarque surt out par son caractère d’urgence. La… vous avez aussi un euphémisme pourvictime?
Nietzsche. — La mire.
Westinghouse. — La mire ?
Nietzsche. — Oui, comme une mire focale… un blanc d e butte… une cible concentrique…
Westinghouse. — Bien sûr, bien sûr. Le capotage de la mire…
Nietzsche. — Voilà. Bien dit.
Les deux hommes échangent le sourire furtif de la c onnivence naissante. Concentré, déférent, Fred Nietzsche écoute respectueusement so n interlocuteur et le contemple avec une attention soutenue. Le soleil levant, qui entre dans l’arrière-boutique par un gros œil-de-bœuf bien net, fait luire étrangement l es trônes de jade sur lesquels les deux hommes sont calmement assis, comme pour une co nversation mondaine. George Westinghouse tire sa montre-revolver de son gousset et la consulte d’un œil assuré.
Westinghouse. — Le capotage de la mire doit impérat ivement s’effectuer dans une heure et deux minutes exactement… ou moins.
Nietzsche. — Bon.
Westinghouse. — C’est faisable ?
Nietzsche. — Oui, oui… c’est cher mais c’est parfaitement faisable.
Westinghouse.Excellent.Carsicedélaiestraté ,mon…capotageestraté.Lefait
Westinghouse. —Excellent.Car sicedélaiestra, mon… capotage estra.Lefait est que la mire sera alors présente à une réunion a dministrative cruciale au sommet aigu, raide et pentu de sa structure décisionnelle. Notre cible en entérinera implicitement alors toutes les prises de positions et ce, même si elle meurt en cours de réunion. La mire de mon capotage ne doit tout simpl ement jamais arriver à mettre les pieds dans ce conventum hautement sensible de son c onseil administratif.
Nietzsche. — Je vois, je vois. Et elle est où, cette mire ?
Westinghouse. — À une dizaine de kilomètres d’ici e nviron, dans une tour déco qui s’appelle la Grande Tour du Parc Menlo. Son adresse est…
Nietzsche. — Je n’ai pas besoin d’une adresse exacte, monsieur Westinghouse. Une localisation spatiale molle suffira amplement. On e n reparlera tout à l’heure.
Westinghouse. — Bon, bon. Euh… vous êtes très fort, dites donc.
Nietzsche. — Absolu. J’opère par-delà le bien et le mal… Vous faut-il une contextualisation ?
Westinghouse. — Excusez-moi, une…
Nietzsche. — Une contextualisation… pour le capotag e… Accident, maladie, coup de sang, coup de foudre, tremblement de terre, écrasem ent d’aéronef, sortilège même. Je peux vous proposer tous les moyens naturels ou surn aturels de faire croire à une mort organique ou accidentelle de votre mire.
Westinghouse. — Ah, ça ! Bah, non. Aucune espèce d’ importance. Vous pouvez lui planter une francisque ripuaire entre les deux yeux , si ça vous amuse. J’en ai rien à battre. Tant que mon nom n’est pas gravé sur le man che de ladite francisque, naturellement.
Nietzsche. — Naturellement. C’est bon pour vous, ça , par contre, pas de contextualisation requise. Sur ce point-là, vous al lez faire des éconocroques…
Westinghouse. — Très bien, très bien. Super. Moi, s i vous voulez, le seul paramètre sensible pour moi, c’est le chrono. Et justement, l e temps file.
Nietzsche. — Ne vous inquiétez pas pour le temps, j e vous comprends parfaitement. Soyez bien serein, monsieur Westinghouse, mon horlo ge interne ne vous trahira pas.
Westinghouse. — Oh, je suis parfaitement en confian ce. Les gens qui vous ont recommandé ont toute mon attention et ils ont été d ithyrambiques sur votre compte. Je vous suis, l’âme en joie.
Nietzsche. — Super.
Westinghouse. — Aimeriez-vous la voir ?
Nietzsche. — Quoi, ça ? Votre âme en joie ?
Westinghouse. — Non ! La mire !
Nietzsche. — Ah ! Vous me soulagez. Vous m’avez col lé une de ces trouilles imprévues. Une seconde ou deux j’ai cru que vous me faisiez la promotion de la matérialité de l’âme. J’en aurais été gnoséologique ment fort contrit.
Westinghouse. — Non, monsieur Nietzsche, non… je vo us demande – plus simplement – aimeriez-vous voir, de vos yeux voir, la mire devant faire l’objet de notre urgent capotage ?
Nietzsche.Ah,jecomprends!Mais…maisjenedi spasnon,siçavousest
Nietzsche. —Ah,je comprends!Mais… maisje nedis pas non, sivous es ça t possible. C’est toujours bien utile, un petit cadra ge visuel des choses.
Westinghouse. — Suivez-moi.
Nietzsche. — De ce pas.
Le visage de George Westinghouse s’illumine chafoui nement, comme celui d’un enfant qui va frimer un copain en lui faisant mater un de ses joujoux favoris. Il quitte l’arrière-boutique, en poussant devant lui le ridea u violet vif. Nietzsche le suit, la curiosité en éveil.
Une fois le rideau franchi, les deux hommes travers ent le magasin en sens inverse, par le chemin sinueux oscillant méthodiquement dans le bazar de machinerie électronico-électrique pimpante et proprette. L’inv enteur marche d’un bon pas, le philosophe le suit. On se retrouve finalement le lo ng d’un des murs latéraux de la boutique, devant une sorte de cabine à deux places ressemblant à ces caissons privés dans lesquels on prenait autrefois des petites photos par paquets de quatre, au fond de son magasin de vente au détail favori. Westinghouse explique à Nietzsche que ceci est unnickelodeon, un petit cinéma portatif à deux places.
Les deux hommes s’insinuent difficultueusement dans le cagibi cinématographique en question. Sur l’invitation de Westinghouse, Nietzsche y entre en premier, s’asseyant sur l’étroit fauteuil du fond. Westinghouse s’insta lle sur le fauteuil du bord. Comme il est plus corpulent que Nietzsche, il lui impose un peu sa présence envahissante. Assumant son statut d’intellectuel chevronné, Nietz sche penche un peu, comme une longue tour de Pise à moustaches, tandis que l’épau le du bourgeois Westinghouse bute contre la sienne.
Ils ont devant eux une sorte d’écran de téléviseur. Westinghouse tire alors une besace en cuir de bonnes proportions de la poche de sa veste puis il en extirpe, par poignées, des pièces de monnaie qu’il enchâsse, une par une, dans une fente prévue à cet effet. Nietzsche croit alors comprendre que, ce faisant, l’homme corpulent achète ni plus ni moins que du temps d’allumage du télévis eur encastré dans la structure du cagibi. Westinghouse semble bien s’amuser du ridicu le de la situation consistant à devoir payer avec des piécettes le temps de visionn ement d’unnickelodeondont il est incontestablement le propriétaire. Presque hilare, il tourne des boutons et appuie sur une manette. Le téléviseur s’allume. Poussif, il pr end un petit moment avant de s’illuminer. Westinghouse va d’abord montrer la mir e sur des documents d’archive puis il la fera voir à Nietzsche en direct. Chaque fois que l’homme dont il veut faire effectuer le capotage apparaît à l’écran, Westinghouse tapote l’écran du bout du doigt et Nietzsche, toujours un peu contorsionné dans son fa uteuil, plisse les yeux et observe attentivement. Sur un vieux document en noir et bla nc, on voit d’abord une femme très belle en robe longue qui tapote sur le bout d’une t able avec une pièce de monnaie. À l’autre bout de la table, on a la mire, alors jeune homme, qui fait la même chose avec une pièce de monnaie aussi, en souriant de toutes s es lèvres épaisses. Westinghouse explique que la mire et sa future épouse sont en tr ain de se faire des déclarations d’amour d’un bout à l’autre de cette table en se co mmuniquant leurs pensées intimes par code Morse. D’autres images montrent la mire en train de démontrer le fonctionnement de toute une technologie bizarre ou en train d’inaugurer des centrales ou des usines d’on ne sait trop quoi. La mire est d onc, lui aussi, une sorte d’inventeur.
On voit ensuite la Grande Tour du Parc Menlo où nic he la mire. Nietzsche s’intéresse particulièrement à cet environnement. Il demande s’ il serait possible de disposer d’une
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents