L abîme au bout des doigts
112 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

L'abîme au bout des doigts , livre ebook

-

112 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Ailina et Gabriel sont unis par le sang, mais aussi par un étrange don.
D'un simple contact, il repère les meurtriers. D'un simple contact, elle les élimine.
Cependant, cette faculté secrète réclame son tribut.
Alors que Gabriel souhaite y renoncer, Ailina en jouit et s'égare...
De rencontres en découvertes, sauront-ils faire face au danger ?

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 4
EAN13 9783958581395
Langue Français

Extrait

ISBN : 978-3-95858-139-5 Première édition - Avril 2017 Tous droits réservés
Labîme au bout des doigts
Olivia Billington Roman
Pour mes frères - pas de don pour nous unir (ouf !), mais bien de la tendresse
Chapitre 1 L’individu marchait vite, à grandes enjambées. Il gravit les escaliers et se retrouva à l’air libre, Ailina et Gabriel Cardell sur ses talons. Il traversa la chaussée, sans prendre garde aux véhicules qui, pour certains, klaxonnèrent. Toutefois sans insister car, vu le gabarit et la mine patibulaire de l’homme en veste de cuir, personne ne souhaitait de confrontation avec lui. La filature se poursuivit, à une distance raisonnable. Mais Ailina ne fut pas assez rapide à se détourner lorsque, soudain, il pivota et l’étudi a de haut en bas, avec un petit rictus. Gabriel s’absorba dans la contemplation de la vitrine d’un magasin de vêtements tandis que l’homme s’avançait vers la jeune femme. — Salut, t’étais dans le métro, non ? Elle hocha la tête, sur ses gardes : grand, musclé, il était nettement plus fort qu’elle. — Tu ressembles à une de mes ex. Sans doute une de celles qu’il avait démembrées et enterrées dans son jardin. Ailina correspondait d’ailleurs à ses goûts : cheveux et yeux clairs, mince et élancée. Il la détailla ouvertement, sans se départir de son expression narquoise : le nez légèrement retroussé, la bouche aux commissures souvent relevées en un souri re taquin, les oreilles un peu décollées et percées de plusieurs boucles, tout lui plaisait bien. — C’est une bonne ou une mauvaise chose ? demanda-t-elle. Gagner du temps. La lueur qui s’alluma dans les yeux de l’homme la renseigna : une bonne chose pour lui, une mauvaise chose pour elle. — Je t’offre un verre ? se contenta-t-il de répondre, les mains dans les poches. Pas le choix : elle devait accepter si elle voulait avoir l’opportunité de le toucher, comme Gabriel avant elle. Lorsque l’inconnu lui saisit le bras un peu rudement, elle se dégagea avec un bond. — Quoi ? Je peux pas te toucher ? Rajustant son haut bariolé, elle rétorqua d’un ton plutôt sec : — Faisons connaissance, d’abord. Après un haussement d’épaules blasé, il lui indiqua un bar de la main : — Allons là, alors. Il lui céda le passage à l’entrée de l’établissement et Gabriel hésita : il risquait de se faire remarquer s’il entrait à leur suite. Mais il ne pou vait pas rester planté sur le trottoir à attendre bêtement. Il finit par opter pour la première solution ; après tout, ce n’était qu’une question de minutes, tout au plus. Il repéra le cou ple attablé et s’installa au bar, où il commanda une bière. Il sortit un billet de la poche de poitrine de sa veste, paya sa boisson mais n’y toucha pas, concentré sur sa surveillance. Il n’était pas de nature inquiète, mais il avait l’habitude de veiller sur Ailina. Même si, le plus souvent, elle n’en avait nul besoin. Quelques tabourets plus loin, une femme blonde l’av isa. Son verre à la main, elle se rapprocha de lui, immanquablement attirée par les yeux sombres, presque noirs, du jeune homme. Une moue sans chaleur ne suffit pas à la dis suader puisqu’elle engagea la conversation, sans sembler remarquer qu’il ne quittait pas Ailina du regard. Celle-ci, après avoir touché le poignet de sa proie, s’était levée, prétextant un besoin pressant. Elle frôla Gabriel au passage, en murmurant : — Y a trop de monde, c’est trop risqué de rester, faut qu’on se tire. On sait qu’il va crever, de toute façon. Gabriel attendit qu’elle ait disparu derrière la porte au sigle des toilettes – suivie du regard par l’homme, elle était forcée de s’y rendre – pour se lever, mais il fut retenu par la blonde qui s’accrocha à son bras. Elle chuchota avec langueur à son oreille qu’elle le trouvait à son goût. Irrité, il lui montra son alliance. Ça n’eut pas l’air de la gêner outre mesure puisqu’elle
se plaqua contre lui. Les effluves d’alcool montèrent aux narines de Gabriel. Hélas, pas de sortie à l’arrière du bâtiment, comme Ailina put le constater, ni même de fenêtre dans le cabinet de toilette, qui de surcroît se situait en sous-sol. Ailina n’eut pas l’occasion de réfléchir à une autr e solution car des cris retentirent. Elle resta figée sur les marches, aux aguets. Gabriel ne paraissant pas, elle se résolut à retourner dans le bar, en priant pour ne pas se faire remarquer. Un petit attroupement s’était formé autour de la table qu’elle avait quittée. Prèsd’un corps effondré, des voix s’élevaient, des gens tentaient de réanimer l’homme et un frisson secoua Ailina. Oubliant toute prudence, elle voulut crier : « Laissez-le crever, c’est un putain de psychopathe ! ». Les mots commencèrent à franchir s es lèvres, mais une main posée sur sa bouche l’empêcha de terminer sa phrase. Gabriel l’entraîna vers la sortie, sans attirer l’attention. Il s’était débarrassé de l’importune e n la présentant à son voisin de tabouret, presque aussi ivre qu’elle. Ils parcoururent une centaine de mètres avant de parler. — Pas très réussie, cette filature, déclara-t-il d’un ton faussement sentencieux, avec un petit coup d’œil à Ailina. Le rire nerveux qui la gagnait se transforma en fra nche hilarité. Gabriel, d’abord impassible, ne put résister devant le visage plissé d’Ailina et se mit à rigoler lui aussi. Un éclat de joie qui leur permit de relâcher toute la tension. Quelques gloussements plus tard, le sérieux reprit ses droits, même si un léger sour ire flottait encore sur les lèvres d’Ailina. Des deux, Gabriel avait toujours été le plus sage, le plus raisonnable. Ils marchèrent à nouveau en silence, chacun perdu d ans ses pensées. Lorsqu’ils parvinrent à une place très fréquentée, Ailina décréta : — Nous avons été nuls, sur ce coup-là. Pourtant, ce n’est pas comme si c’était nouveau. Loin, fort loin de l’inédit, en vérité, puisque cel a faisait une douzaine d’années qu’ils utilisaient leur… étrange faculté. Et si, au lieu de fuir, on acceptait ce pouvoir ? Et si on s’en servait pour… se débarrasser de la vermine ? — Peut-être que c’est le signe qu’il faut arrêter, lança-t-il, en retirant sa veste. Il avait toujours chaud,après. Ailina réprima le désir de crier son désaccord, car elle savait ce que leurs actions lui coûtaient, à lui. Elle murmura, les yeux rivés sur l’affreuse statue au centre du parvis : — Tu sais bien que ça fait partie de nous… Les dents serrées, il répliqua : — Ce n’est pas toi qui te réveilles la nuit avec leurs cris. Si. Mais ça, elle ne le lui avait jamais révélé. Pa rce qu’elle ne le vivait pas comme lui. Face à la colère rentrée du jeune homme, elle osa un timide : — N’oublie pas que nous sauvons des vies. — Je n’oublie pas, répondit-il avec un soupir qui e n disait long sur sa lassitude. Mais j’aimerais quand même trouver une solution, les cri ses deviennent plus intenses. Je n’ai aucune envie de devenir fou. Ailina posa une main sur le bras de Gabriel. — Je pense que nous avons besoin d’un verre. Il hocha la tête. Ils s’éloignèrent de la place et de ses odeurs d’oignons frits, déboulèrent dans une ruelle et jetèrent leur dévolu sur une ter rasse de café. Attablés, profitant des derniers rayons de soleil qu’offrait le mois de sep tembre, ils observèrent les promeneurs, imaginant leurs vies à voix basse. Tout pour occulter l’épisode, pour savourer un semblant de normalité. Cette femme dont les talons aiguilles rouges crissaient sur le gravier rejoignait son amant à l’hôtel. Cet homme qui soufflait sur le bout incandescent de son cigare en prenant des airs importants était le PDG d’une gros se entreprise. Cet adolescent livide, blafard, était malade, atteint de la syphilis ou de la peste bubonique. Bientôt, ils ne purent empêcher la discussion de prendre un tour plus morb ide, plus « professionnel » : et si ce
grand blond était un tueur à gages, et si cette jeune fille tatouée projetait d’empoisonner son professeur particulier ? Gabriel posa sa chope de bière sur la table en grommelant : — Il me faut un truc plus fort. Elle proposa : — On peut faire la tournée des bars, ce soir, si tu veux. — Non, j’ai promis à Nathalie de l’aider à trier des photos. Un rire sardonique s’échappa de la gorge d’Ailina, qui décroisa les jambes : — Quelle chance ! Des fois, je suis bien contente d ’être célibataire. Ne bois pas trop, tu risquerais de confondre les dates des clichés. — C’est ça, fous-toi de moi, grimaça-t-il en lui donnant un petit coup sur l’épaule. — C’est à ça que sert une sœur, voyons ! Bon, moi, je vais aller m’enivrer ailleurs pour fêter l’élimination d’un salaud ! Elle ouvrit son sac à main, en sortit son portefeuille, après avoir farfouillé et pesté car elle ne le trouvait pas, et déposa un billet sur la table. Avec un sourire pour Gabriel, elle se leva et s’éloigna. Il remarqua les regards, la concupisc ence dans les yeux masculins et la jalousie dans ceux des femmes. Personne ne pouvait nier la beauté d’Ailina. Nathalie en concevait d’ailleurs une légère amertume : « Dès que ta sœur débarque quelque part, il n’y en a que pour elle ». Elles avaient été amies au lycée. C’était d’ailleurs par l’entremise de sa cadette que Gabriel avait rencontré son épouse, lor squ’elles s’étaient retrouvées après s’être perdues de vue durant plusieurs années. Elle n’était pas au courant de ce qui liait son mari à Ailina, l’eût-elle été qu’elle aurait poussé des cris horrifiés, soupçonnait le jeune homme. Il ne voulait pas l’inclure dans son monde, si sombre, si cruel. Malheureusement, depuis plusieurs mois, il glissait dans cette direction : ses cauchemars prenaient de plus en plus de place et il réveillait Nathalie par ses hurlements. — J’ai tout senti dans mon rêve, dit Gabriel, les larmes aux yeux. — Senti quoi ? interrogea Ailina, le nez plissé. — Ce que ses victimes ressentaient quand il… quand il les brûlait. Après avoir avalé la dernière gorgée de sa bière, Gabriel se redressa à son tour. Il passa une main sur son crâne rasé avec un soupir. Rentrer chez lui. Une bonne douche brûlante pour dénouer ses muscles, avant d’affronter une nuit qui s’annonçait éprouvante. Rien que l’idée le fit frissonner. Il s’éloigna de la terrasse, avec un regard pour le soleil qui amorçait sa descente. Il retrouva sa voiture avec soulagement, il se sentait courbatu et désirait être assis. Le trajet du retour fut rapide, au son desFireSnakes, un groupe de metal dont la musique, curieusement, l’apaisait. Nathalie l’attendait avec deux albums vierges et plusieurs piles de photographies. Elle lui demanda comment allait sa sœur, il répondit brièvem ent en retirant ses chaussures. Après un baiser, il s’assit à côté d’elle et entreprit de trier les images, en sirotant du vin et se délectant de la plantureuse omelette aux légumes qu’elle leur avait préparée. Ils s’arrêtaient sur certaines photos, partageaient leurs souvenirs et le collage prit plus de temps que prévu. — Oh, j’avais oublié celle-là ! Pourtant, tu es si jolie… Il releva les yeux et la contempla. Elle avait à peine changé depuis l’instantané, malgré les années écoulées. Quelques petites rides s’étaient nichées au coin de ses yeux foncés, deux ou trois crins blancs avaient élu domicile dans son opulente tresse noire, mais Gabriel ne s’en était même pas aperçu. Ce qu’elle voyait comme défauts, Gabriel les affectionnait : la petite bosse sur son nez, l’incisive un rien de tra vers, le large front camouflé sous une frange… Il aimait sa femme toujours plus, émerveillé de constater que les sentiments, bien loin de s’amoindrir, grandissaient. La douceur de Nathalie était sa force : sa gentillesse, sa manière paisible de réagir aux tracas de la vie imposaient le respect.
La soirée était à peine entamée qu’il bâillait déjà sans discontinuer. Avec bienveillance, Nathalie le poussa jusque dans la chambre : — Va te coucher. Tu es épuisé. Il montra un peu de résistance, mais, au fond, il n’avait qu’une seule envie : dormir. — Tu es sûre que ça ne te gêne pas ? demanda-t-il, les yeux mi-clos. — Je vois bien que tu es vanné, répondit-elle avec un tendre sourire. Docile, il se déshabilla et se glissa sous la couet te. Celle-ci n’avait pas eu le temps de prendre la forme de son corps qu’il avait déjà sombré dans le sommeil. Une hache. Dans les airs. Qui s’abat. Douleur. Terreur. Cris. Sanglots. Implorer la pitié. Récolter un rire mauvais. La hache qui s’élève, ensanglantée, encore et encore, qui réduit les appels à des gargouillis désespérés. Personne ne viendra. Tout est fini. La plainte réveilla Gabriel. Désorienté, il se rend it compte qu’elle sortait de sa propre bouche. Puis les images, les sensations, l’horreur revinrent avec une précision implacable. Glaçante. Son corps tremblant refusait de se calmer , ses dents claquaient, presque avec férocité. Pour ne pas réveiller Nathalie, il se leva et, dans la salle de bains, s’aspergea le visage d’eau tiède. Le reflet de sa figure blême, aux yeux cernés de noir, l’inquiéta. Il ne pouvait plus continuer ainsi, ses activités allaient le ren dre fou. Et Ailina qui n’avait pas l’air de saisir… plus l’impossibilité de se confier à Nathal ie… Il envisagea un bref instant de lui expliquer, puis repoussa l’idée. Trop dangereux. El le ne comprendrait pas, comment l’aurait-elle pu ? Admettre que son mari tuait des gens ? Des criminels, des psychopathes, certes, néanmoins elle n’aurait constaté que le côt é sordide : il ôtait des vies. Qui était-il pour décider de cela ? Personne… Mais il n’avait ja mais demandé à bénéficier de ce « don ». Ailina et lui avaient d’ailleurs tenté de l’enrayer, tout un temps. Ils avaient soigneusement évité de se voir, puisqu’il ne fonctionnait que lorsqu’ils étaient ensemble. Et lorsqu’ils l’étaient, ils avaient pris soin de ne toucher personne. En vain… Quelque chose les poussait à agir. À croire qu’une étrange force, ailleurs, exigeait leur aide. Ce qui était assez risible. Oui, sans doute sauvaient-ils des vies, potentielles victimes de ces pervers… Gabriel s’accrochait à cette idée, il avait besoin de ça pour continuer à avancer, pour continuer à se soumettre au joug du don.
Couverture Nats Editions Banque d’images : Fotolia (avec le concours d’Olivia Billington) Corrections Audrey Moui Mise en page Nats Editions Diffusion Books On Demands GmbH
Crédits
Liens
www.nats-editions.com blog.nats-editions.com www.oliviabillington.com
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents