L’affaire Flaubert
175 pages
Français

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Description

Adèle est morte dans un accident de voiture et Germain, son mari, est inconsolable. Il va bientôt se rendre compte qu’il n’est pas le seul à la pleurer tendrement et que le drame a été provoqué par un inconnu qui semble en vouloir beaucoup à sa femme !
Le voilà parti sur les routes de Normandie avec l’amant d’Adèle, pour une enquête insolite… Ils y rencontrent des personnages inattendus qui pourraient être de bons suspects, dans un road movie étrange, drôle et touchant.
Charlotte, sœur de Germain, vient les rejoindre, tandis que Gustave Flaubert les traque impitoyablement.
Que cachait Adèle ?
Et qui est vraiment Flaubert ? Un écrivain célèbre du XIXe siècle ou un tueur cynique du XXIe ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 janvier 2019
Nombre de lectures 205
EAN13 9782370116413
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’AFFAIRE FLAUBERT

Marie-Noëlle Garric



© Éditions Hélène Jacob, 2018. Collection Mystère/Enquête . Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-37011-641-3
I


« Accident. Toujours déplorable et fâcheux. (Comme si on devait jamais trouver un malheur une chose réjouissante) »
Flaubert
Dictionnaire des idées reçues
26 octobre 2016, 19 h 37


— « Les cœurs des femmes sont comme ces petits meubles à secret, pleins de tiroirs emboîtés les uns dans les autres. On se donne du mal, on se casse les ongles, et on trouve au fond quelque fleur desséchée, des brins de poussière ou le vide. » {1}
— Vraiment Flaubert, vous n’êtes pas drôle du tout. Vous me fatiguez avec votre misogynie à deux balles !
— Adèle… Prenez de la hauteur ! Vous méritez mieux que cette minable vie étriquée et laborieuse. Vivez, que diable !
La pluie fouette le pare-brise avec force. Les milliers de gouttes propulsées divisent les lueurs des phares, en face. L’essuie-glace est à la peine sous cette averse venteuse.
26 octobre 2016, 20 h 28


À nouveau, le téléphone sonne dans le petit habitacle. Elle ne veut pas répondre. D’un autre côté, elle se sent vaguement perdue sur cette route de campagne. Sans doute va-t-il l’aider à se diriger. Au travers des sillons tracés par les gouttes furieuses, l’essuie-glace glisse et restitue quelques instants avec netteté les pointillés de la ligne médiane. Elle décroche.
— Je suis plus ou moins paumée avec votre absurde itinéraire à travers champs…
— Pourquoi voulez-vous inviter votre imbécile de mari en Normandie ? Nous ne sommes pas suffisamment en harmonie tous les deux ? Vous vous doutez bien, Adèle, comme le disait ou plutôt l’écrivait notre maître, « Quand l’ambroisie défaille, les Immortels s’en vont. » {2}
— Je suis perdue, vous m’entendez ? Et je me contrefous de ce que vous essayez de me dire… Et puis, zut ! Je suis au volant, et je sais que je ne devrais pas répondre !
— « Mais il ne faut jamais penser au bonheur, cela attire le diable, car c’est lui qui a inventé cette idée-là pour faire enrager les humains ». {3} Il est pitoyable, votre futur week-end en amoureux… Tellement prévisible, tellement gnangnan. Adèle, vous êtes faites pour les grands frissons, les individus d’exception. Pas les petits profs minables. Annulez !
— Merde de merde. Foutez-moi la paix. Abruti ! Vous n’avez pas l’impression d’abuser ? Je ne veux plus avoir… Oh, non… non…
Quelques secondes de vacarme : des freins qui hurlent, des cris de terreur ou de souffrance, de la tôle qui plie, et puis rien. D’une part, juste une main qui ferme son téléphone. Et de l’autre, une tête couchée sur un volant, avec le sang qui s’écoule trop vite, trop fort.
1 – Adèle est morte…


« Et c’est à toi que je m’adresse, Adèle, qui nous a quittés si tôt et si brutalement. Que ton enthousiasme, ton rire et ta générosité nous éclairent encore longtemps… toi qui… »
Je rêve ou cet exalté est en train de la transformer en sœur Emmanuelle ? Elle m’avait toujours dit que son frère était excessif, mais, là, il l’ensevelit deux fois. La vraie Adèle, celle que j’ai connue, était plus nuancée, plus mystérieuse et beaucoup plus intéressante. Comme la semaine dernière, quand elle avait décidé de se rendre en Normandie. Seule. Et que je lui ai demandé si elle avait un petit ami dans l’aiguille creuse. Elle avait eu un drôle de hennissement, ce que l’excité nécrologique appelle son rire, et elle m’avait répondu :
— Ger… On s’est toujours promis qu’on n’était pas obligés de tout se raconter.
Et j’avais fait le malin, le détaché, alors que je mourais de trouille. D’abord, parce qu’elle et les limitations de vitesse, ça faisait deux, et puis, parce qu’à force de plaisanter sur son amant potentiel, j’avais fini par y croire un peu. Et pourtant, elle avait le don pour me rassurer quand elle me passait la main dans les cheveux et qu’elle me répétait si sérieusement qu’elle m’adorait. Merde, c’est au passé qu’il me faut en parler… J’ai mal. Adèle, raconte-moi que c’est une blague, que tu n’es pas en compote dans cette boîte, pendant qu’Édouard pérore devant une assemblée muette et reniflante. Dis-moi que tu vas bouger ta graisse, comme tu aimais t’exprimer en palpant tes bourrelets imaginaires…
« Germain, je me tourne à présent vers toi, son compagnon, son mari. Nous partageons ta souffrance tout autant que nous la comprenons, nous sa famille, ses amis, tous ceux qui l’ont connue… »
Pitié Édouard ! T’es pas obligé de verser dans le cliché et le rythme ternaire ! Qu’est-ce que tu entends à ma peine, empaffé ?
Je deviens mauvais, j’ai envie de le mordre. Il n’en mérite pas tant. Il est juste con.
La main de Vincent se crispe sur mon épaule. Je sens qu’il saisit ce qui se passe. Georges me tend un mouchoir. Il faut croire que je pleure, comme Charlotte, à côté de moi, qui soupire en me pétrissant le bras. J’entends des sanglots énormes exploser à ma gauche. Qui est-ce qui se fond ainsi en larmes et en cris ?
Un rondouillard est écrasé de chagrin à côté d’un cyprès. Il porte un duffle-coat verdâtre. Des lunettes qu’il enlève pour s’essuyer les yeux avec une manche de son truc en forme de manteau. J’ai la rage. Il fait un concours de celui qui sera le plus effondré ? Je regarde à nouveau la boîte. Adèle… Qui est ce crétin qui pleure à ton enterrement ? C’est pas ton mari, puisque ton mari, c’est moi. C’est pas un type de ta famille, ils sont tous sur le même moule, cachemire, chemises et pompes très chères.
T’as un frère inconnu ? Un gars qui viendrait d’une quelconque infidélité de Jean-Maurice ? Il aurait fricoté de près avec une hippie ? Parce que, il faut reconnaître que sa gueule trempée ne ressemble pas à celle des Chapelot… Et encore moins à Bénédicte, surannée, classieuse et chichiteuse, comme une publicité pour Cyrillus.
Putain, Adèle ! Et ne me répète pas une fois de plus avec ton air à ne pas y toucher que je suis grossier. Et d’ailleurs, tu sortais des bordées de jurons à faire rougir un bataillon de légionnaires. C’était ta manière à toi d’affirmer qu’une existence semblait possible en dehors des Chapelot, du repas dominical, de la messe à Bazoches, des polos d’Édouard, des parcours de golf et du pool house. Tu te rappelles, Adèle, quand tu m’esquissais un doigt d’honneur sous la nappe pour ponctuer les discours en guimauve bien pensante de ta mère ?
« On dira ce qu’on voudra de la consommation à outrance… mais se procurer un produit de bonne marque est essentiel. Par exemple, moi. J’ai toujours acquis mes serviettes de bain chez Bourgin à Montfort. Eh bien, je m’y retrouve sur tout. La qualité n’a pas bougé, et je ne suis pas obligée d’en racheter tous les 25 du mois ! »
D’ailleurs, si la puissance de mon souvenir est correcte, et je crois qu’elle l’est, c’est Jean-Maurice qui avait répondu :
« En somme, Bénédicte… tu nous dis qu’il faut être riche pour économiser ! » Et tous les Chapelot de rire devant la saillie paternelle, pas si fausse que ça par certains côtés, tandis qu’Adèle me serrait les doigts avec force pour me faire oublier les péroraisons familiales.
« Ger… T’es plus qu’important pour moi. Mais je ne veux pas de barreaux, je ne veux pas de principes. Je veux t’aimer, mais je veux rester libre. C’est possible, ça, non ? Entre deux êtres doués de bonne volonté et d’imagination. On doit pouvoir se créer une vie qui nous ressemble… » J’avais secoué la tête, on avait discuté des heures. Et on avait développé un code de conduite commun, entre des ébats joyeux ou graves, mais si souvent délicieux…
Adèle, ne me dis pas que tout ça est fini… Je sens que Charlotte me parle. Vincent et Georges aussi. Je n’entends pas. Juste un brouhaha. On se déplace. Les Chapelot viennent m’embrasser. Bénédicte est digne, mais son nez est rouge. On se regarde. Je n’ai pas de mot, simplement un étau qui me broie la poitrine, me serre la gorge, m’obscurcit.
Il fait si beau, mon amour ! Un petit vent frais d’automne caresse la tombe et la lumière d’octobre découpe avec netteté les volumes, les cyprès, les fleurs. L’odeur des gerbes de roses me poursuivra longtemps.
Plus tard, il y aura un repas. Des gens qui me prendront dans leur bras et que je ne connaîtrai pas. Ou pas plus que ça. Ou dont je me contrefous. Je cherche le duffle-coat verdâtre. Le frère indigne. Il a disparu entre le cimetière et ici. N’empêche que, pour pleurer ainsi comme un veau, il fallait qu’il te pratique sérieusement, Adèle ! C’est pas juste la piété fraternelle qui semblait l’animer.
Putain… Adèle. Ne me dis pas que tu t’es tapé ce type ?
2 – Étienne éta

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