L AN 2222
99 pages
Français

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Description

Jude Bellerose vient de recevoir une première injection de bloqueur de puberté en vue de devenir une femme quand l’hôpital lui fait une offre qui changera bien plus que son genre.
L’histoire de Jude, puis de Judith, se déroule dans un monde préoccupé par la menace d’une migration forcée en Antarctique à cause du réchauffement de la planète ; un monde aussi où les femmes ont pris une place prépondérante sur les hommes.
Mais il y a une exception : le redoutable Clermont Demers continue de sévir; et Judith se demandera bientôt si ce caïd surpuissant ne s’est pas mêlé de son destin bien au-delà des apparences.
C’est une histoire intrigante qui conduit tout droit le lecteur ou la lectrice à un dénouement qui lui fera voir des étoiles.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782898310775
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

1
Jude Bellerose venait de recevoir sa toute première injection de bloqueur de puberté en vue de devenir une femme, quand une téléphoniste du Centre hospitalier de Québec le joignit pour lui dire qu’une certaine docteure Bousquet désirait le rencontrer le lendemain à onze heures.
Le lendemain, il sauta sur sa trottinette électrique et refit le même chemin que pour son injection, retournant à la titanesque cloche de verre qui recouvrait le Musée de l’Hôtel-Dieu.
Une fois monté au dernier étage de l’hôpital, il recula d’un pas en constatant que les indications dictées par son adjointe vocale le menaient à une clinique de fertilité. Puis il vit à l’écran d’accueil le nom de la docteure Bousquet et prit place dans la salle d’attente.
À l’écran plat devant lui, la publicité d’une nouvelle génération d’adjointes vocales insérées dans une dent vantait la liberté de mouvement et la discrétion de l’écoute de messages par la cavité buccale et le conduit auditif. Jude eut tout juste le temps de souhaiter en avoir une, que déjà son appareil actuel vibrait dans sa poche pour lui faire savoir que la docteure Bousquet était maintenant prête à le voir.
Il se retrouva devant une vieille dame dont les lèvres ultraminces évoquaient une sévérité inquiétante qui, heureusement, se volatilisa comme une pluie d’étincelles dès les premiers mots.
— Assieds-toi mon jeune ami, l’enjoignit-elle en prenant place à son bureau après avoir refermé la porte. Bon… J’ai regardé ton dossier médical, mais j’ai préféré ne pas lire les rapports des psys et parler avec toi plutôt, exposa-t-elle en jetant un dernier coup d’œil à son écran holographique et en réduisant l’image d’un clic sec.
Puis elle se pencha en avant comme pour voir Jude de plus près et lui demanda, les mains jointes :
— Depuis quand veux-tu devenir une fille ?
Ce n’était pas la première fois qu’on lui posait cette question. Quatre différentes docteures déjà ! Il secoua la tête doucement.
— Je ne veux pas devenir une fille, madame. Je suis une fille. Mais ce qui se passe, c’est que j’ai un corps qui me contredit. Et que c’est pas normal. Je veux être comme tout le monde. Je ne veux plus qu’on se trompe. Quand les récréologues me demandent de faire des mises en échec. Ou de foncer dans le tas. Quand les enseignantes pensent que je mijote un mauvais coup juste parce que je passe trop de temps dans la salle de lecture. Et puis je pourrais endurer toutes ces choses, mais quand je me regarde… c’est une erreur, c’est pas moi que je vois. Est-ce que vous êtes une autre psychologue ?
— Non. Je suis gynécologue.
— Remplacez-vous la docteure Amatullah ?
— Non plus. La docteure Amatullah va continuer de s’occuper de toi jusqu’au bout. Elle ne sait pas que tu es ici aujourd’hui. Si je t’ai demandé de venir, c’est pour une tout autre raison. Vois-tu, c’est parce que je fais des recherches sur la fertilité, et que tu pourrais être une source d’informations précieuses pour moi, si tu acceptes, bien entendu. D’ailleurs, j’ai confiance que ça ne devrait pas être difficile entre nous. Jude, aimerais-tu m’aider dans mes recherches ?
— Oui… Qu’est-ce que je dois faire ?
— Pour commencer, répondre à mes questions.
Et la docteure Bousquet lui adressa un remerciement muet de son plus beau sourire.
— Mais ce ne sont pas toutes des questions faciles, reprit-elle, je préfère que tu le saches. Aussi, on devrait peut-être commencer par apprendre à se connaître un peu.
— Est-ce que vous n’avez pas besoin de l’accord de madame Mercier ? Toutes les autres docteures devaient avoir son approbation.
— Non, je n’ai pas besoin de l’accord de Raymonde Mercier. Du moment que tu es d’accord, toi.
Voilà du neuf ! Il se sentit devenir adulte et imputa ce premier pas à son injection de bloqueur de puberté.
— Je suis d’accord, déclara-t-il.
La docteure Bousquet se recula contre le dossier de sa chaise avec un second sourire de reconnaissance.
— Tu seras jolie, jugea-t-elle après avoir observé Jude un instant. Les garçons de ton âge n’ont pas souvent des traits aussi féminins. En revanche, leurs yeux semblent parfois avoir été maquillés par la nature lorsqu’ils ont le teint foncé et ça, tu l’as aussi. Tu ne le perdras pas. Quant à tes cheveux, en les attachant comme tu le fais, simplement, près de la nuque avec un ruban, ils te donnent l’air d’une jeune fille intelligente et réservée.
Jude rougit. De plaisir. De gêne. D’espoir.
— Aimerais-tu m’expliquer comment Raymonde Mercier est devenue ta mère adoptive ? amorça la docteure. J’en sais déjà un petit bout pour avoir vu son reportage sur l’inondation du printemps 2178, mais, selon mon souvenir, elle ne parle pas de ce qui s’est passé pour toi avant qu’elle te trouve dans un panier qui flottait sur le fleuve.
Effectivement, se dit Jude, ce serait facile de discuter avec la docteure Bousquet. Elle évoquait la gentillesse d’une grand-mère, bien qu’il n’en ait jamais connu.
Il n’avait aucune mémoire de ses parents. Comment aurait-il pu ? Il les avait perdus avant d’atteindre l’âge d’un an. Il savait qu’ils avaient demeuré en un lieu appelé l’Île d’Orléans lors de sa naissance. Que leur maison était parmi les premières à être parties à la dérive quand avait commencé le glissement de terrain. Que ni son père ni sa mère ne savaient nager, que par conséquent ils n’avaient pas pu revenir sur la terre ferme. D’autant plus que la terre ferme s’écroulait morceau par morceau et que l’île au complet serait vite engloutie. Qu’on pensait qu’ils avaient juste eu le temps de coucher Jude dans un panier et de le mettre à l’eau pour le sauver avant de mourir noyés.
— Quelle histoire atroce, déplora la docteure Bousquet.
Jude hocha la tête puis acheva :
— Et c’est madame Mercier qui m’a recueillie. Après qu’un membre de son équipe m’ait aperçue. C’est elle qui m’a envoyée à l’école ; c’est elle qui m’en a retirée, ça fait pas bien longtemps, quand tout le personnel de l’hôpital a été sûr que je voulais faire changer mon corps pour celui d’une fille et quand elle a pensé que ce serait plus facile pour moi de passer au travers si j’avais pas à côtoyer d’autres élèves en même temps. Je suis mes cours à distance maintenant.
— Je me rappelle avoir songé à Moïse à l’époque de l’inondation.
— Moïse ?
— Oui. Moïse sauvé des eaux… Mais tu n’as sans doute pas encore appris cette histoire dans tes cours. J’imagine que ça viendra. À moins que ce soit considéré trop peu important de nos jours. J’ai tendance à oublier que j’appartiens à une autre ère. Pardonne-moi.
— C’était qui ?
— Oh ! Non ! J’aurais trop peur de m’attirer les foudres de ma supérieure si je m’étendais là-dessus. Peut-être une autre fois, si on se croise dans la rue.
Jude rit un peu. Définitivement, cette docteure Bousquet réussissait à le détendre — car malgré l’habitude acquise avec les quatre autres, il éprouvait encore une forte timidité devant ces gens qui pouvaient tout pour lui.
— Lorsque tu seras grande, comment vois-tu ta vie ? repartit la docteure. Est-ce que tu espères vivre en couple comme tes parents ? Avoir des enfants ? Élever une famille ?
— Tellement !
— Tu y as bien réfléchi, à ce que je vois ?
— Oui.
— Et ce serait avec un homme ? Ou avec une femme ?
— Un homme.
— C’est bien. Je veux dire : ce ne serait pas moins bien si c’était avec une femme, mais ce qui me fait plaisir, c’est que tu saches. Que ce soit clair pour toi. Donc, tu n’as aucun doute sur ton orientation future ?
— Non.
— Tu n’en as jamais eu ?
— Non.
— Et aujourd’hui, au moment où l’on parle, étant donné que tu es encore dans un corps de garçon, te sens-tu attiré davantage par les autres garçons ou par les filles ? Parce que nous savons que l’attirance peut changer au cours d’une réattribution sexuelle. Dans tous les sens. Un garçon peut avoir une orientation homosexuelle avant le procédé, puis garder son orientation homosexuelle après, mais alors dans ce cas elle — car il est devenu une fille — est attirée par les autres filles. Tout comme le garçon peut aimer les filles avant, et aimer les garçons après. Tout est possible. Rien n’est mauvais.
Elle se tut. Elle attendait une réponse. Jude avait perdu le fil de la question.
— Je suis attirée par les autres garçons, résuma-t-il. Et je pense que je vais le rester. Je l’espère, en tout cas. Je ne veux certainement pas que ce soit par tous les autres garçons. Mais par ceux que je trouve beaux.
— Oui, bien sûr !
Ce fut au tour de la docteure de rire un peu.
— Aimerais-tu boire quelque chose ? Je n’ai que du café ici, mais je pourrais aller te chercher un jus d’orange si tu veux.
— Non, merci.
— Ou un jus de pomme ? Je parie que tu préfères le jus de pomme.
— Non… Oui… Peut-être un jus de pomme.
Elle lui adressa un clin d’œil puis sortit du bureau.
Jude en profita pour jeter un regard autour de lui. Force lui fut de constater que tout était bleu : les trois murs, les meubles, le sol. Le ciel par le quatrième mur et par le plafond. C’était une des rares pièces d’immeuble public dépourvue de toute verdure grimpante ou de jardin suspendu. Tout était bleu sauf lui, et sa tête à elle qui sortait de l’encolure d’un sarrau bleu. Elle revint avec une bouteille de carton de laquelle dépassait une paille de papier. Troisième élément contrastant.
— Merci, dit-il en prenant la bouteille et en la gardant entre ses mains après avoir tiré une gorgée.
— Il est bon ?
Jude hocha la tête. La docteure Bousquet lui laissa tirer une autre gorgée, puis retrouva un peu son sérieux.
— À treize ans, tu es encore très jeune, remarqua-t-elle. Mais est-ce qu’il t’est déjà arrivé de te rapprocher d’un autre garçon que tu trouvais beau ?
Il sourit et secoua la tête négativement en se trémoussant tout à coup. Elle l’avait pris de court.
— Tu comprends le sens

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