L Odyssée du crabe
100 pages
Français

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Description

Une famille de voyageurs entame le plus grand des voyages. Les quatre filles étaient aux quatre coins du monde, deux venaient de traverser l'Atlantique à la voile pour rejoindre l'Amérique latine, une troisième était en Indonésie, la quatrième au Laos, tandis que les parents s'apprêtaient à partir à la découverte de la Birmanie.

Tous au bout du monde, la vie les a projetés dans la maison natale, tous ensemble pour la plus grande aventure humaine, celle qui les conduit au bout de leur être.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 décembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334240949
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-24092-5

© Edilivre, 2016
Prologue
Le chœur
« – Tu m’aides à porter le coffre ? Attention, c’est super lourd !
– Oui ! J’y suis ! Faudrait pas qu’il tombe à l’eau, notre si précieux… »
Les deux sœurs soulèvent délicatement le coffre de bois. Chacune une anse à la main, elles avancent sur le ponton en épousant le léger mouvement des doux remous des vaguelettes du Port. Enfin arrivées devant le Tortuga, le bateau familial, elles chancèlent.
« Les filles ! Venez nous filer un coup de main ! »
Les deux autres sœurs accourent. Oui, bien besoin de la conjugaison de leur force pour pouvoir hisser à bord ce coffre, si lourd.
« – Voilà, c’était le dernier bagage…
– Bon !, intervient leur mère avant que leur élan ne prenne fin, on a encore du boulot avant de lever les voiles ! »
Chaque membre de l’équipage s’affaire alors à préparer le grand départ. L’un s’en va vérifier que les winchs pourront en temps voulu répondre de leur usage : être la force qui bordera les voiles ; un autre fait ronronner le moteur : « yes ! Il fonctionne ! » ; un autre encore fait déborder la réserve du liquide aqueux salvateur, « pour être sûr que c’est bien plein » ; puis le dernier choisit de s’atteler aux manilles à nouer, « parce que c’est joli ». Manilles nouées, winchs préparés, moteur vérifié, réserve débordée…
« – Tiens ! Chope ce bout 1 et attache-le vers la cale.
– un nœud de chaise tu crois ?
– Si tu veux oui. Ou non, un nœud de Cabestan, c’est plus joli. Ça ira bien avec mes manilles… Tu te souviens comment faire ?
– Je crois oui. Enfin, ça devrait me revenir…
– Parfait, je vais filer un coup de main aux autres : faut frotter le pont… »
Un dernier effort collectif avant de prétendre partir : faire briller coque, pont et bastingage afin qu’il n’y ait plus une seule poussière, plus une seule trace. Alors toute la petite famille frotte, frotte, frotte.
Frotter, frotter, frotter encore, pour effacer la douleur.
1. Cordage d’un bateau
1 L’annonce
L’épouse
Où m’emmènes-tu, ô toi, mon Capitaine, dans ce fragile esquif qui craint la tempête ? Tout s’enfle autour de moi, se démonte, tout grisaille, s’embrume. Je vois ta silhouette fine, là, devant moi, ombre de proue dont le regard fixe un horizon invisible. Où sont nos voiles gaiement gonflées par la brise légère du temps serein ? Sont-ce ces lambeaux de désespoir qui pendent aux mats ? Le gouvernail abandonné grince et grogne à chaque coup de lame, il a perdu la route, notre route. Nous tanguons et roulons dans les remous marins, arrimés sur le dos du crabe monstrueux qui t’a pris en otage…
C’était un mardi. Tu m’as dit : « Mauvais maudit scanner… » Le mot est resté coincé dans ta gorge comme une arête douloureuse mais ton regard noyé d’angoisse le criait de son silence assourdissant. Te répondre immédiatement, il fallait, malgré le tremblement intérieur de mon corps, mes veines qui allaient éclater, mon sang en fusion. J’ai dit « nous allons nous battre », NOUS, le pluriel naturellement venu au bord de mes lèvres, mettant en veilleuse ma vie singulière. Nous n’irons pas en voyage : Vietnam, Birmanie… défaire les bagages commencés, ranger les livres consultés, lus, dévorés avec la passion rêveuse de celui qui va bientôt partir, quitter la maison, ranger les clefs au fond de son sac avec cette délicieuse excitation du sentiment de partance… Avertir la famille, les amis : répéter les mêmes mots, dire LE mot qui va déclencher le sentiment du tragique ; la mort est notre destin humain, oui, nous la portons en nous et la « tumeur » porte bien son nom… Tu en as une placée juste au centre de ton torse, elle s’entortille comme un serpent diabolique autour de ton artère pulmonaire, tout près de ton cœur. Là, au cœur du corps, elle révèle la valeur extrême de la vie, sa fragilité aussi et sa finitude fatale… oui, mais pas tout de suite, l’acte V n’est pas encore arrivé où le héros, anéanti, s’écroule terrassé par son destin d’homme ; nous en sommes à la lutte pleine d’un espoir lumineux, où chaque instant se teinte de cette éphémère légèreté d’un ciel nuageux percé par quelques rayons dorés du soleil caché.
Et puis nous allons ensemble consulter « le corps médical », être polymorphe dont la voix sibylline augure de nos vies… C’est la deuxième fois en trente ans de vie commune ; la première fois, c’était pour voir sur un écran le petit têtard qui nageait dans mon ventre et qui allait faire de nous un père, une mère, des parents… Cette fois, nous allons affronter un bien funeste oracle.
Le regard fuyant, la voix hésitante, il commente l’affreuse image, lit les commentaires du radiologue… Se reproche-t-il intérieurement d’avoir laissé se développer la Bête pour n’avoir pas pensé qu’une toux incessante était un signe à éclaircir, lui, le médecin généraliste ? Il ne peut pas grand-chose à part nous envoyer consulter un autre savant, plus docte que lui en la matière. C’est ainsi que notre route croise celle de Max, le bien nommé. Il fait beau ce matin-là, une belle journée d’hiver, comme nous les aimons : l’air vibre dans une lumière étincelante ; je te prends par le bras pour pénétrer dans le hall de marbre gris, dans l’ascenseur étroit tapissé de miroirs qui reflètent nos visages d’inquiétude blafarde. Nous entrons dans un appartement clair et ensoleillé, accueillis par une secrétaire qui, habituée à la détresse humaine, connaît les mots qui soulagent. Il nous attend, lui qui sait. Sur son écran d’ordinateur, les images du scanner défilent : il explique anatomiquement ce qui se passe dans ton corps. Tu ne regardes pas cette réduction de toi, tu n’es pas que cela, une tumeur médiastinale, noire sur fond grisâtre ; tu n’écoutes plus ces mots extérieurs : tu entends le chant plaintif de ton angoisse qui emplit ton esprit. Nous sommes, devant ce Mal, absolument démunis, désarmés, désarticulés : la valse funeste des examens et analyses va nous entraîner dans son tempo fébrile jusqu’au vertige… Tu es allongé dans ton lit d’hôpital, si pâle. De tes yeux sortent les pensées que tu ne sais dire. Attente dans la sombre incertitude d’un avenir obscur…
Un ciel bas, lourd, pèse sur la route du CHU : c’est là que nous allons en ce jeudi de spleen glacial. Accrochés l’un à l’autre, nous cheminons lentement le regard fixé sur l’immense bâtisse, l’Autre Monde… Ne pas se retourner sous peine de n’en pouvoir jamais revenir. Chacun de tes pas bat la mesure funèbre de ta peur ; je voudrais de mon chant endormir le peuple grouillant de tes angoisses. Le hall est vaste et bruyant, sorte de carrefour où se croisent tous les maux humains avant d’être acheminés chacun vers un ailleurs spécifique, après une errance plus ou moins longue dans un enchevêtrement de couloirs, dirigés, digérés dans les boyaux internes du lieu, pour être, en fin de parcours, comme déposés dans l’antre adéquate.
Où m’emmènes-tu, ô toi mon pâle Capitaine aux yeux assombris d’humeur noire ?
Toute blanche derrière son bureau, elle nous reçoit pour nous dire tous les mots des maux. Son écran l’aide à ne pas plonger son regard dans le tien qui quémande une réponse précise à la question qui taraude : « ai-je un futur ? ». Elle dit « protocole de soins » ; elle donne des dates de rendez-vous ; elle signe des ordonnances. Prise en charge technique de ta tumeur, efficace, rapide : de quoi arrêter sa reptation sinistre à l’intérieur de toi… Six sessions de trois jours de chimiothérapie, la première dans une semaine…
Mais rien vraiment sur la conjugaison qui intéresse tout ton être, celle, précieuse qui dit l’avenir, qui rend possible le « plus tard », qui fait de toi un être encore potentiel. Comment pourrait-il en être autrement ? Il faut apprendre l’incertain, vivre l’impermanence humaine comme une donnée évidente, respirer au conditionnel et tâcher de s’en trouver bien. Nous voilà embarqués dans cet étrange bateau privé de son gouvernail, voyageurs malgré nous, entraînés par un torrent tumultueux de boue noire. Retrouver un gouvernail, au moins, pour gérer l’incertitude et faire de ce périlleux périple, un passage vers autre chose, on ne sait quoi, mais peu importe, l’essentiel étant de ne pas être réduit à ce corps malade confié à des mains expertes, rester intégral et libre. Se concentrer sur la bonne route malgré les mouvements énormes de la houle qui nous emporte et voir au loin, la mince et faible lueur de la rive. Détourner les yeux de l’Angoisse à la gueule coiffée de serpents dont le venin tétanise le corps et teinte de noir l’esprit, empêchant de guérir car ce sont nos idées qui forment le monde et non l’inverse. Chercher, plutôt, dans le miroir de l’eau pourquoi cette tumeur se trouve là, précisément à cet endroit. Et puis, s’armer, ô mon pâle Capitaine, pour combattre la cause et non pas seulement la manifestation…
C’est le rôle de la médecine traditionnelle chinoise…
2 La médecine Chinoise : le chemin d’à côté
L’enfant
Le Capitaine tourne de l’œil… Mais soudain des côtes se dessinent dans la brume, ce sont celles d’un nouveau monde. Le regard noir de la Boussole s’éclaire : « côtes droit devant ! Regardez droit devant !! Voilà la Chine !! Tous à vos postes ! » Alors par je ne sais quelle énergie insufflée par la force du cri d’espoir, nous prenons place ; sans nous poser de question nous nous positionnons. Chacun à son poste nous tirons sur les phrases d’espérance, et les mots gonflent d’espoir les voiles du navire, et nous voguons toujours plus vite, au près des rires joyeux guidés par l’œil attentif de notre Boussole, la femme du Capitaine, notre mère. Elle tient la barre, cap sur la Chine, notre nouvel espoir.
Voilà que le temps qui s’étirait le lon

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