La femme du lieutenant
91 pages
Français

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Description

Los Angeles, début des années 2000.


Une femme que personne ne voit jamais et dont l’existence n’est attestée que par son seul mari, le flic le plus célèbre de la ville.


Un journaliste, ami du lieutenant, qui pose des questions et se pose des questions.


Une enquête qui piétine et qui les conduit de l’autre côté de l’Atlantique.


Un jeu de dupes où chacun cache et se cache. Mais de qui et pourquoi ?


Et si tout était lié ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 décembre 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782383512509
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La femme du lieutenant
 
 
 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
Bernard Courtebras
La femme du lieutenant
Postface de Lilian Mathieu

 
Du même auteur
À l’école des probabilités , Presses Universitaires de Franche-Comté, 2006
La structure des hiérarchies scolaires , Publibook, 2008
Formes de rapports au calcul des probabilités , Publibook, 2008
La mathématisation du hasard , Vuibert, 2008, Complicités (2 e  édition), 2017
 
 
 
 
 
à Marilou et Clément
à Françoise Soubrier, leur maman, bien trop tôt disparue
 
 
à la mémoire de Françoise Cortet
et de Michel Bühler
 
 
à Hacina


 
 
Ah, j’oubliais…


 
1
Los Angeles, début des années 2000
Alberto Saviano, célèbre journaliste au Los Angeles Times , avait construit sa notoriété en écrivant sur les crimes et les délits commis au sein de la haute société californienne. C’est dans ce cadre qu’il avait été amené à rencontrer le lieutenant de police chargé des enquêtes et à échanger avec lui, pêle-mêle et au gré des investigations, des informations relatives à l’instruction et à la résolution d’affaires très médiatisées. Leurs racines italiennes communes et le fait qu’ils étaient à peu près du même âge avaient facilité leur rapprochement. Fin connaisseur des réseaux de sociabilité et de pouvoir qui structuraient les relations dans la ville, Saviano développait des analyses toujours pertinentes et souvent percutantes. Quant à sa connaissance des ressorts et détails de nombreuses enquêtes criminelles, elle n’était pas sans nourrir son imagination ni alimenter sa créativité qu’il avait tenté, avec des succès mitigés, de mettre à l’épreuve en écrivant des polars. Et les rares fois où le lieutenant lâchait des informations confidentielles sur des affaires sensibles, Saviano pouvait les offrir à ses lecteurs en exclusivité. À force de se fréquenter, les deux hommes étaient devenus amis. La relation de confiance qui s’était progressivement installée avait même incité le journaliste à proposer au lieutenant d’écrire sa biographie avant que celui-ci ne tire sa révérence. Il souhaitait, selon ses mots, « comprendre les ressorts de son habileté intuitive à franchir l’obstacle des apparences ». Le lieutenant avait résolu tant d’enquêtes difficiles que son « retour d’expériences », selon la formule du journaliste, ne pouvait qu’être riche d’enseignements, d’autant que le policier avait l’art de se présenter, aux yeux des protagonistes d’une enquête criminelle, à la fois emprunté et démuni, brouillon et manifestement incompétent, avant de révéler finalement une redoutable perspicacité.
— Je me souviens du jour où vous aviez été appelé pour ce qui paraissait être, de prime abord, une noyade accidentelle dans une piscine privée, confia Saviano au lieutenant, tandis que les deux hommes s’attablaient à la terrasse d’un restaurant italien non loin de Venice Beach . Vous vous souvenez ?
Le lieutenant esquissa un sourire et précisa :
— D’après les premières constatations des policiers qui avaient investi le lieu, la victime s’était assommée en plongeant. Elle avait perdu connaissance et s’était noyée.
— Et vous, en arrivant, vous repérez une flaque et des éclaboussures au bord de la piscine. Et là, vous avez l’idée géniale de goûter cette eau !
— J’ai été étonné qu’elle n’ait pas le goût de chlore…
— Et vous en avez déduit que l’accident n’en était sans doute pas un, renchérit Saviano, admiratif…
Une discrète lueur de fierté s’alluma dans le regard du lieutenant.
— L’enquête a montré que la victime avait été assommée avec un bloc de glace puis jetée dans la piscine. Mes collègues avaient été un peu expéditifs dans leurs conclusions…
— J’avoue que vous m’avez bluffé ce jour-là…
— Il faut dire qu’une arme du crime qui disparaît en fondant c’était du jamais vu…
— Et la fois où un type avait été retrouvé mort dans une salle de sport, écrasé par des haltères.
— Ah oui, je m’en souviens. Les collègues étaient persuadés, là encore, qu’il s’agissait d’un accident.
— Mais pas vous !
— Ce qui m’avait mis la puce à l’oreille, c’est que j’avais appris qu’il avait fait un repas copieux avant de se rendre dans cette salle… Et puis, quand j’ai remarqué que les boucles de ses lacets avaient été nouées à l’envers, alors là…
 
C’est parce qu’il était épaté par son aptitude à repérer et à exploiter le moindre indice que Saviano avait songé à donner pour titre à l’ouvrage qu’il souhaitait consacrer à son ami La vérité se cache souvent dans les détails . D’abord surpris par cette proposition qu’il estimait mettre à mal sa modestie, le lieutenant, encouragé par sa femme qui trouvait, paraît-il, cette idée géniale, avait fini par donner son accord. Il s’agissait de dresser son portrait au travers d’une série d’entretiens qui interrogeraient l’origine de ses motivations à entrer dans le métier et la manière dont il avait résolu certaines de ses enquêtes les plus ardues. Le projet débuta par des discussions informelles. Cela se passait généralement ainsi : le lieutenant commençait par évoquer son arrivée sur une scène de crime, ses premières impressions, ses intuitions. Saviano l’interrompait par des questions, prenait des notes dans un cahier, puis rédigeait un texte qu’il lui remettait la semaine suivante. Le lieutenant faisait alors des observations, donnait des précisions, amendait le texte. Mais bientôt, le besoin de s’organiser se fit sentir et, chaque semaine, un après-midi était désormais entièrement dédié à ces entretiens que les deux compères avaient décidé d’un commun accord d’enregistrer.
C’est le plus souvent Chez Jeanne qu’ils se retrouvaient. Il s’agissait d’un bar situé non loin de Santa Monica Boulevard dont l’agencement s’inspirait des bistrots traditionnels parisiens. La patronne, française, avait épousé un musicien américain dans les années soixante-dix et s’était installée avec lui à San Francisco, puis à Los Angeles. Jeanne se tenait derrière le comptoir depuis plus de vingt-cinq ans et n’avait nulle intention de passer la main. Elle ne se forçait pas à être sympathique et ne s’embarrassait pas de formules de politesse quand il s’agissait de rembarrer les clients qui ne lui plaisaient pas. Lorsqu’elle n’avait pas envie de faire quelque chose, elle ne le faisait pas – tout simplement. Les habitués se rappelaient, en s’en amusant, le jour où l’un d’eux avait commandé un citron pressé et où elle lui avait donné l’argent pour qu’il aille se faire servir au bar d’en face. Pour nombre d’entre eux, Jeanne faisait partie de leur famille et ce bistrot était leur salon. Ils aimaient son caractère entier, son franc-parler, sa disponibilité, son humour et surtout l’attention qu’elle portait à chacun. Tous les âges, toutes les origines – ethniques ou géographiques – et tous les milieux se côtoyaient ici : des ouvriers, des étudiants, des commerçants, des artisans, des avocats, des artistes, des politiques. Nombreux étaient ceux qui, venus la première fois en landau avec leurs parents, avaient fait de ce bar leur repaire. Ils appréciaient la faible luminosité du lieu qui contribuait à instaurer une ambiance chaleureuse et à offrir à chacun un univers sécurisant, une sorte de niche favorisant l’expression des sensibilités.
 
Lorsque le policier et le journaliste se retrouvaient, la conversation ne tournait pas toujours autour de sujets professionnels, de leur collaboration éditoriale ou d’enquêtes en cours. Le lieutenant n’hésitait jamais à abreuver son ami d’anecdotes sur les vicissitudes de sa vie domestique. C’est ainsi qu’il lui révéla qu’à l’occasion de l’anniversaire de sa femme, il avait appris à jouer au piano quelques notes de The Old Man , une chanson enfantine qu’il fredonnait fréquemment et qui avait pour effet, entretenant sa rêverie, de favoriser sa concentration ; comptine qui par ailleurs, avait connu une seconde jeunesse grâce à l’interprétation de Bob Dylan. Une autre fois, il fut question du crayon à maquillage qu’elle utilisait pour faire sa liste de courses, une autre encore de sa colère suite aux dégâts irréversibles causés à la moquette du salon par leur chien qui avait passé la soirée à mâchouiller un stylo rouge traînant par terre. Elle disait d’ailleurs de ce chien qu’il était stupide puisque lorsqu’on sonnait à la porte, il se précipitait alors que ce n’était jamais pour lui.
 
Le lieutenant ne se lassait jamais d’évoquer à tout propos son épouse. Il la décrivait douce et discrète, aux petits soins, très femme d’intérieur, consacrant un après-midi chaque semaine aux activités d’une association de lutte contre l’illettrisme. Saviano avait du mal à se la représenter, physiquement s’entend. Il ne disposait d’aucune indication permettant de se faire une idée de sa taille, de son visage, de la longueur ou de la couleur de ses cheveux… Il se montra étonné lorsque son ami lui confia qu’il lui arrivait de parler avec elle d’éléments confidentiels d’enquêtes dans lesquelles il rencontrait des difficultés : ses remarques, notamment dans le cadre d’investigations nécessitant une connaissance intime de comportements féminins, l’avaient souvent aidé. Saviano, qui n’avait pas d’éléments d’ordre privé à conter depuis que son épouse l’avait quitté dix ans auparavant, se demandait parfois si son ami n’en rajoutait pas un peu, voire beaucoup.
 
Un soir, alors qu’il se faisait déjà tard et que les deux hommes s’apprêtaient à quitter leur café préféré, Saviano, se tournant vers son ami, ne put s’empêcher de formuler pour la énième fois une

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