La Fête, jadis
112 pages
Français

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Description

« Leurs relations avaient soulevé des tempêtes de sentiments, de doutes et de jalousies. Les protagonistes, dans leurs mouvements perpétuels et passionnés, entre coups de fil, rendez-vous, fêtes somptueuses et moments intimes passés dans une chambre d'hôtel ou chez eux, chacun avait eu sa part de chagrins et de plaisirs. Ils avaient aussi vécu, chacun, leur part du rêve. Puis, comme les corps célestes qui cessent de rayonner et deviennent invisibles, l'intensité de leur vie avait diminué progressivement pendant que leurs images s'éloignaient dans le temps en direction du passé. Le jour où leur souvenir disparaîtrait chez ceux qui les avaient connus, ils cesseraient définitivement d'exister. » Laodamas Sklavenitis étonne avec cette subtile mise en abyme d'un roman en train de s'écrire sous les yeux du lecteur. Philippe, sorte d'alter ego de l'auteur, entreprend de poursuivre la rédaction d'un mystérieux manuscrit trouvé dans sa cave. Il s'interroge sur la frontière incertaine entre la fiction et d'éventuels faits réels. Un doute le traverse. Serait-il témoin involontaire d'un délit, voire peut-être d'un crime ? Qui se cache derrière ces pages ? S'agit-il d'une pièce à conviction ? Grâce aux quelques indices dont il dispose, il se mue en enquêteur pour faire la vérité sur cette étrange affaire. Léo, Samy, Sonia et Gelman sont les protagonistes tombés dans l'oubli d'une histoire laissée inachevée qui trouve un nouveau souffle...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 février 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342150476
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Fête, jadis
Laodamas Sklavenitis
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
La Fête, jadis
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
 
Cet après-midi-là, Philippe rentra chez lui plus tôt que d’habitude. Une fois débarrassé de son pardessus, il se dirigea vers son bureau, une petite pièce intérieure avec vue sur cour, sombre et tranquille.
D’un tiroir, il sortit un gros dossier décoloré fermé avec des cordelettes. En le regardant, il se souvint du temps, déjà lointain, où il était étudiant. Il y avait des décennies que les dossiers à cordelettes avaient disparu des papeteries et des bureaux. Il prit le dossier dans ses mains et l’examina quelques instants. Il hésitait à défaire les cordelettes. Lorsqu’il se décida enfin à le faire, il trouva à l’intérieur un gros cahier d’écolier et un paquet de feuilles dont la plupart étaient couvertes, en totalité ou en partie, d’une écriture accidentée pleine de renvois et de ratures.
Cette découverte était loin de ce qu’il avait imaginé au début, c’est-à-dire des vieux documents sans intérêt. Il feuilleta le gros cahier. Plusieurs de ses pages étaient couvertes d’une écriture serrée pas toujours facile à déchiffrer. Philippe réfléchit. S’agissait-il des comptes d’apothicaire, ou plutôt du journal intime d’un ancien locataire ? D’un inconnu ? Peut-être même d’un mort ? Allait-il essayer de le lire, ou plutôt le brûler dans la cheminée ?
Il y avait déjà un certain temps que Philippe avait emménagé dans cet appartement d’un immeuble haussmannien en haut du boulevard Saint-Michel. Tout de suite, il s’était senti bien dedans, comme s’il l’avait toujours habité. De ses fenêtres, il voyait en face le jardin de l’Observatoire et la fontaine de Carpeau. Plus à gauche, lorsqu’en automne, les feuilles des arbres tombaient, il pouvait distinguer la statue du maréchal Ney, prince de Moskova, à l’endroit où, après les Cent Jours, il avait été fusillé.
Philippe, assis dans son salon, même avec les fenêtres fermées, pouvait entendre confusément l’animation du boulevard et les gazouillis des étudiants attablés aux cafés voisins. Décidément, il était content de son appartement. Son déménagement terminé, il était en train de donner, par quelques tableaux, par des photos et autres souvenirs, une note personnelle à son nouveau domicile. Mais jusqu’à il y a deux jours, lorsqu’il avait voulu y ranger des valises vides, il n’avait jamais eu l’occasion de descendre dans sa cave. C’était un endroit sous les voûtes, sombre et humide, difficilement accessible, en bas d’un escalier en pierre glissant et presque vertical.
Parmi les vieilleries poussiéreuses abandonnées là depuis des lustres par les locataires successifs et qu’il devait repousser pour pouvoir avancer, il y avait un escabeau bancal, une chaise cassée, des vieux rideaux, des ustensiles hors d’usage, quelques pièces de vaisselle ébréchée et une pendule définitivement arrêtée. Tout au fond, presque collée au mur, une petite malle qui s’ouvrit lorsque Philippe voulut la déplacer. À l’intérieur de la malle, jetés pêle-mêle, il y avait des livres, principalement des recettes de cuisine et des romans policiers. Sous le tas, un gros dossier fermé avec des cordelettes attira son attention. Par curiosité, il le sortit de la malle. Que pouvait-il contenir ? Des vieux contrats de vente de l’appartement ? Le règlement de copropriété ? Ou tout simplement la correspondance d’un des locataires antérieurs ? Il ne se sentait pas à l’aise, debout dans la pénombre, pour chercher davantage. Il monta l’escalier vertical en emportant le dossier sous son bras. Il le mit dans un tiroir avec l’intention de l’examiner ultérieurement.
Maintenant, il hésitait sur la suite à donner à sa trouvaille. Il pensait que le plus probable serait qu’il s’agisse du journal intime d’un inconnu. Un de ces journaux que les adolescents ou les retraités remplissent avec des récits sans intérêt, juste pour faire passer le temps.
Philippe était sûr que, comme les graffitis sur les murs des toilettes publiques, ces élucubrations ne pourraient en aucun cas être d’un quelconque intérêt.
Il se préparait à refermer le dossier lorsque son attention fut attirée par une feuille, une des premières du paquet qui accompagnait le cahier d’écolier et sur laquelle était écrite, avec des grosses lettres calligraphiées, une phrase sibylline : « Personne ne m’a jamais aidé ».
Philippe fut surpris. Cette confidence inattendue lui parut comme une voix lointaine partie du passé et qui lui était destinée. Était-ce une bouteille à la mer ? Une hésitante demande à l’aide ? Qui pouvait être l’auteur de cette phrase, et à quel moment de sa vie avait-il formulé ce constat désabusé ? La phrase mystérieuse resta un moment suspendue dans son cerveau.
L’image de lui-même lorsque, très jeune, il avait quitté la maison et qu’il s’était trouvé sans aide, ni conseil dans la grande ville, traversa comme un éclair son esprit. C’était une histoire ancienne, censée être oubliée, mais qui revenait de temps à autre inopinément en surface.
D’autres avaient-ils aussi manqué d’encouragement ou d’affection à l’aube de leur vie ?
Philippe plaça précautionneusement le dossier sur le bureau ; sa curiosité était stimulée. Plus question de s’en débarrasser avant d’avoir compris le sens caché de cette phrase. Il se décida à lire au moins le début du manuscrit. S’il s’avérait être nul, comme il le pensait, il serait toujours temps de le brûler.
Depuis son déménagement, Philippe s’occupait à renouer avec son quartier, qu’il avait connu il y a déjà longtemps, lorsqu’il était étudiant. Beaucoup moins encombré et plus aéré que la plupart des quartiers de Paris, il se prêtait à la flânerie. Lorsqu’il était libre et le temps beau, il partait à la recherche des endroits qu’il avait connus auparavant. Un itinéraire qu’il affectionnait était de partir de chez lui en direction du sud et, en arrivant à la hauteur du boulevard du Montparnasse, de tourner à droite et de suivre le boulevard. Une fois dépassée la statue du prince de Moskova sur son piédestal, chargeant l’ennemi sabre au clair, le boulevard le conduisait droit à l’animation du carrefour Vavin. Sur le chemin, il croisait le bureau de poste, la boîte « New Jimmy’s » et la rue Campagne Première, petite rue tranquille où existait encore, pour quelque temps, le bistrot « Chez Rosalie ». Ici, avant la dernière guerre, Modigliani se restaurait quand il le pouvait, payant parfois avec un tableau. S’il lui arrivait de prendre la direction du nord-ouest, légèrement différente, Philippe empruntait la rue d’Assas. Laissant à sa droite l’hôpital Tarnier et un peu plus bas à gauche la faculté de droit, il rejoignait, au bout, le boulevard Raspail et la place Boucicaut.
D’autres directions, vers le nord, aboutissaient l’une, à travers le jardin du Luxembourg, à Saint-Germain-des-Prés et la place Fürstenberg, l’autre, par le boulevard Saint-Michel, à la fontaine du même nom. Enfin, s’il lui arrivait de prendre la rue du Val de Grâce, perpendiculaire au boulevard Saint-Michel, il rejoignait soit la Montagne Sainte-Geneviève à gauche, ou la rue Mouffetard et la place de la Contrescarpe. Ces flâneries réveillaient d’anciens souvenirs lorsque, étudiant, jeune et impécunieux, il traversait les mêmes rues à la découverte de Paris et, accessoirement, de certains restaurants bon marché correspondant à ses possibilités financières de l’époque. Ces pérégrinations d’alors l’avaient amené à connaître et à aimer ces quartiers, dont même les noms des rues lui paraissaient mythiques : rue de l’Abbé de l’Épée, rue de l’Estrapade, rue de l’Ancienne Comédie. Maintenant, il avait l’impression que tous ces endroits familiers, parcourus maintes fois par le passé, avaient soudainement changé.
En réalité, le paysage était toujours le même, et c’était plutôt son regard sur les choses qui avait changé. Le temps non plus n’était pas resté inerte. Depuis un moment, il avait pris la fâcheuse habitude d’accélérer son rythme.
Philippe avait dépassé le cap de la cinquantaine et il n’arrivait pas à comprendre de quelle façon une grande partie de sa vie était passée derrière lui sans en avoir eu conscience. Il sentait confusément qu’il était aussi passé subrepticement de l’état où il pouvait tout faire, mais il ne le savait pas encore, à celui où il commençait à le savoir, mais ne pouvait plus tout faire. Tous ces bouleversements nouveaux se répercutaient sur son comportement en général et même dans sa relation avec Laurence, qu’il connaissait depuis peu. Dans son désir de la séduire, il essayait de lui présenter ses meilleurs côtés, parfois même artificiellement améliorés. Simultanément, il était conscient que s’il la faisait trop rêver, il allait vite se trouver en porte-à-faux. Un besoin d’assurance et de stabilité le rendait anxieux chaque fois qu’il y avait un changement dans sa vie. Sa rencontre avec Laurence, et plus encore son déménagement dans son nouvel appartement, étaient pour lui des changements importants, et il ressentait le besoin de trouver des repères et de se rassurer. Lorsque, avec une pointe de fierté, il invitait Laurence au restaurant et voulait, avec les gestes d’un vrai maître des lieux, lui montrer « son quartier », il avait l’impression que les établissements aussi ne correspondaient plus exactement à ceux de se

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