La Mante Nue
224 pages
Français

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Description

Juliette, une mystérieuse joueuse d’échecs, se bat pour innocenter Gabriel, suspecté d’être le monstre ayant massacré une jeune Rochelaise, trois ans plus tôt. Intransigeante dans le jeu comme dans sa quête, elle n’a qu’une seule issue pour étouffer définitivement tout soupçon : identifier le véritable assassin.


Dans cette histoire contée à rebours, Juliette remontera le temps pour récolter les indices disséminés sur son chemin.


Mais elle devra se méfier, la réalité est rarement celle que l’on croit...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 octobre 2021
Nombre de lectures 2
EAN13 9782490630691
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’Auteur


 
 
 
 
 
 
 
 
Auteur au nom imprononçable, originaire du Sud de la France et vivant actuellement près de La Rochelle, Luca Tahtieazym est l’auteur de quinze romans parus à ce jour. Jonglant avec les genres et les styles, inspiré par Steinbeck, Ellroy, Dard ou Stephen King, il apporte un soin particulier aux intrigues de ses livres, s’efforçant de proposer des histoires originales et des personnages tourmentés et attachants. Luca Tahtieazym a remporté le concours des plumes francophones 2017 (plume des lecteurs) avec son titre VERSUS.
 
 
 
LUCA TAHTIEAZYM








LA MANTE NUE









 
Direction Éditoriale : Guillaume Lemoust de Lafosse
 
© Inceptio Éditions, 2021
 
ISBN : 978-2-490630-69-1
 
Inceptio Éditions
13 rue de l’Espérance
La Pouëze
49370 ERDRE EN ANJOU
 
www.inceptioeditions.com
 
« C’est normal que ça commence par la fin ? »
Vous
 
ÉPILOGUE


Lundi 12 mai 1986
La 205 trépide au rythme de ses hanches. Gabriel s’exécute avec fougue. Nous nous aimons toujours comme si c’était la dernière fois. La croûte de la banquette arrière sur laquelle je suis avachie me râpe les coudes, les lombaires, les fesses et la nuque. En me tortillant sous son poids, je cherche un peu plus de confort ; en vain. Puis je suis emportée par mes sens et je le serre de toutes mes forces pour qu’il ne m’échappe pas. Ses ahans se confondent avec les râles qu’il a l’habitude d’articuler dans l’acmé de son orgasme. Quelque chose d’humide atteint ma joue et coule vers mes lèvres, contourne ma bouche, glisse le long de mon menton pour venir s’étancher dans mon cou. Une larme.
— Gaby, ça va ?
Il tourne son visage taillé à coups de serpe pour que je ne le voie pas. Rien ne va dans ses traits sculptés à la hâte. Sa mâchoire est trop rectiligne, ses pommettes trop saillantes, son nez trop busqué. Pris indépendamment, chaque détail de sa face hagarde présente un défaut ; pourtant, l’assemblage du tout me chavire et me rend folle. Les vrais hommes beaux sont ainsi, faits de bric et de broc, et leur charme inné ne se façonne pas.
Gabriel s’écroule délicatement sur moi, éreinté. Il m’embrasse sur la tempe – sa bouche est chaude –, entortille avec indolence une mèche de mes cheveux entre son pouce et son index, comme s’il en jaugeait la texture. Puis il se dégage et s’extirpe de l’habitacle du véhicule. Il rajuste son pantalon, ferme le zip de sa braguette et discipline sa mise en calmant sa respiration.
— Ça va, Juliette ?
Je hoche la tête sans mot dire. Au-dessus de nous, le soleil a de la fièvre. Des nuages tanguent dans le ciel, intrépides, mais s’évitent au dernier moment. Depuis quelques jours, Gabriel parle vite. Les mots se bousculent, les pensées s’enchaînent et se torpillent avant d’avoir été toisées. Nos décisions récentes annoncent de grands bouleversements, et l’adrénaline qui sinue dans nos veines n’a jamais été si prégnante. Nous sommes tombés d’accord pour quitter cette ville et cette vie, pour tout recommencer, pour jeter un voile opaque sur nos histoires et tout remodeler à notre convenance.
À quelques pas, l’immense dalle de l’une des falaises complexes des Eaux Claires nous surplombe. Ce site d’escalade est le plus réputé de l’Ouest, mais il n’est que midi et les lieux sont déserts. Sur ma droite, l’une des voies me fait de l’œil – une 8c particulièrement ardue. Je l’indique du doigt à Gabriel.
— C’est ce qu’on va se taper.
Il contemple le bloc de granit, impressionné.
— T’es sûre ?
— Oui.
— T’es sûre, sûre ?
— Oui, oui.
— C’est pas dangereux ?
— Si.
— Bon. Alors, on y va. 
Avec des gestes experts, je vérifie l’attirail dont nous sommes harnachés. J’ai fait ça cent fois. Gabriel, lui, en novice, ne se préoccupe de rien. Il me fait confiance. Je lui explique une énième fois comment enfiler son baudrier. Puis je contrôle les nœuds, fixe les sacs à magnésie, ajuste les dégaines.
— On va monter ensemble, Gaby. On sera attachés l’un à l’autre. Je grimpe, je m’occupe des fixations, et une fois que c’est fait, tu me suis. On va s’assurer mutuellement.
— Je te laisse mener le truc. T’as qu’à me dire ce que je dois faire. T’es la patronne, mais vas-y mollo.
— J’aime quand tu me dis que je suis la patronne.
Gabriel lorgne l’accès qui mène à la falaise. Le plateau que nous empruntons avant de poser un premier pied sur la face verticale est couvert de roches. La voie s’ouvre sur un calcaire friable et de multiples fissures, mais au bout de trois mètres de grimpe, la paroi devient lisse et glissante. C’est un passage farouche, hostile, indompté. Ici, la nature te crache à la gueule qu’elle ne peut être domestiquée sans exiger un tribut. Le joug de l’homme cesse quand commencent les cimes, quand les vents violents vous versent vers les rivages sauvages, qu’ils deviennent puissants, quand on perd ses repères et qu’on s’en remet au hasard. Un peu plus loin, des chemins déjà équipés et sécurisés balisent le corridor, mais ils ne correspondent pas à ce dont nous avons besoin.
— Tu me suis, Gaby, et tout se passera bien. Tu as confiance ?
— Oui. Et puis, l’avantage des gens comme moi, les couillons qui croient en Dieu, c’est qu’ils s’en remettent au destin sans trop se poser de questions. Souviens-toi de ce qui est écrit sur mon bracelet. Souviens-toi que je suis « Property of Jésus Christ  ». Il ne peut rien m’arriver.
Je me lance et gravis les premiers mètres. Je cramponne mon mousqueton à une broche, puis lui jette la corde.
— Passe ça dans ton harnais, comme je t’ai montré, et ensuite, tu me rejoins. Je vais te soutenir, ça ne devrait pas être trop difficile.
Gabriel se hisse. Il lui faut environ trois minutes pour m’atteindre. Il est déjà luisant de transpiration. L’odeur de sa sueur me plonge dans la réalité. Il n’y a rien d’aussi tangible que d’être écarté de la froide occurrence des choses matérielles. Ici, aux quatre vents, dans le tourbillon, tout est vérité, flagrance, justesse. Bientôt, nous serons à près de vingt mètres de hauteur. Nous dominerons la vallée et serons aspirés par le vide.
— C’est bon pour toi, Gaby ?
— J’ai les genoux qui tremblent.
— Détends-toi. Tu ne risques rien.
Je poursuis la grimpe. Si je tombe, c’est le poids de Gabriel qui compensera la force de ma chute et m’empêchera de m’écraser au sol. L’assurage est question de rigueur. Si on évite les actes téméraires et les maladresses dues au manque de concentration, on ne court aucun danger.
Je contourne un méplat effilé comme la lame d’un rasoir. Pause. Je bade les chênes clairs et les pins sylvestres qui s’étendent sous moi, tachant le paysage de nuances violines qui se marient avec l’azur cérulé de ce ciel de printemps. Un peu plus loin, sur ma gauche, une couenne que j’ai déjà montée en moulinette m’attire, mais je vise plus haut et plus rude aujourd’hui. Je veux quelque chose d’épidermique, quelque chose de si tonitruant que j’en serai balayée comme une vétille.
Je me faufile ensuite dans une étroite chatière verticale qui me permet de soulager les articulations de mes épaules, soumises à rude épreuve. Mes vieilles douleurs au dos se réveillent. J’en fais fi. « Gaby, vas-y, à ton tour. » Gabriel monte. Il peine, rage et peste contre les éléments, mais ne renonce pas. Ses injures volettent vers les dieux. Je conseille du mieux que je peux l’homme que j’aime.
Il lui faut du temps pour se trouver à ma portée, mais je le congratule chaleureusement :
— On en est à la moitié.
— Dis-moi qu’on a fait le plus dur, je t’en supplie.
— Eh bien…
Je fixe le ressac de pacotille qui nous sert de toit et ne lui réponds pas. Puis je repars à l’assaut du bloc. Le calcaire présente maintes variations de brun et de gris, comme des ocelles indisciplinés qui maculeraient un vieux tapis antique ou une plaque de bois soumise aux intempéries. Mon œil valide cherche des prises, mais mes chaussons dérapent et ripent souvent contre des aspérités pas assez prononcées.
Quinze mètres de hauteur. Là-haut, rien n’est plus pareil.
— Gaby, à toi.
De là où je suis, j’entends résonner sa respiration rauque. Je me tiens en opposition dans une cavité oblique, coincée entre un dièdre et une brèche horizontale. Le décor est splendide et féroce. Chaque fois que je vole dans les cieux, bercée par les caresses d’un noroît ensorceleur, je me mets à croire que tout ce qui compte n’est pas forcément en bas. Il y a une solution ailleurs. Là-haut. C’est là-haut que ça se passe. C’est là-haut qu’on m’attend. J’ai tellement cru être invisible que je suis surprise de découvrir des réponses là où je ne les attendais pas.
Gabriel chute trois fois, faute de prises ou à cause de la fatigue. Je le retiens et lui permets de recouvrer son équilibre, mais cela l’épuise aussi bien physiquement que moralement. Enfin, il arrive à ma portée, exténué. Je lui demande de se décaler de deux mètres sur sa droite, en longeant une petite corniche de trois ou quatre centimètres de largeur à peine.
— Maintenant, je vais m’approcher de toi pour vérifier les attaches. Ne bouge pas.
Je fais un saut vers lui et m’agrippe à une fissure que j’ai repérée plus tôt. Pendant que ma main droite, couverte de magnésie, se cramponne à une pince, je farfouille dans sa dégaine et dégage sa corde. Quand il constate qu’il n’est plus assuré, il s’affole.
— Fais gaffe, Juliette ! T’as enlevé la corde. Bordel, y a plus rien qui me retient ! Fais vite.
Faire vite . Voilà une notion toute relative. J’ai toujours suivi le mouvement. Je me suis toujours hâtée vers une échappatoire dont je ne voulais pas. Et Dieu sait que les résultats n’ont pas été à la hauteur.
D’un jeté sur la droite, je m’éloigne de lui, retrouvant ma position d’origine. Gabriel est maintenant seul, à deux mètres de moi, pourtant au bout du monde, accroché à la paroi par la seule force de ses doigts et de ses pieds crispés. Plus d’assurage. Plus rien, si ce n’est le gaz qui l’entoure, le vide qui le menace.
— Juliette, qu’est-ce qui se passe ?
Il déglutit et se colle à la ro

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