La lecture à portée de main
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Description
La place du mort
Le narrateur fait le bilan de sa vie dans le Bistro du Poitou, tenu par le vieux Geronimo. Une jeune femme blonde vient s'asseoir non loin de lui...
Poulet rôti
Un homme vient de se faire plaquer par sa compagne. Il s'invente une méthode pour ne pas sombrer dans la dépression...
Une petite opération
Un coiffeur qui travaille pour la télévision décide d'avoir recours à la chirurgie esthétique...
Sujets
Informations
Publié par | 12-21 Editions |
Date de parution | 28 mars 2013 |
Nombre de lectures | 8 |
EAN13 | 9782823808209 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
La place du mort
Elle est entrée dans le bistro et m’a souri.
Elle n’a même pas eu besoin de pousser la porte. Geronimo l’a bloquée avec un bout de carton. Lui, il dit que c’est pour aérer. Nous, on sent bien les odeurs de camions remplir sa taverne. Quelle importance. Ici, on crève à grand renfort de clopes et de petit blanc, entre copains. Alors, que ça sente le gasoil ou autre chose, on s’en fout. D’ailleurs, qu’est-ce que ça changerait qu’on se préoccupe de notre santé ? Geronimo, lui, encore, il a de l’avenir. Dans six mois, il vendra son bistro. Il ira s’installer dans son chez-lui, à La Baule. Dans six mois. Je serais plus là pour agiter mon mouchoir avec les copains et lui souhaiter une retraite aussi digne que ses croque-madame – les meilleurs du quartier. Et elle, avec son sourire, ses jambes nues et ses petites sandales dorées, elle aura sûrement opté pour des pantalons et une parka.
Je me demande bien ce qu’elle est venue faire au Bistro du Poitou par un jeudi de printemps aussi radieux.
Pourquoi c’est à moi qu’elle a souri pendant deux secondes ?
D’accord, j’étais dans son champ de vision. D’accord, y a du soleil qui traverse la baie vitrée et ça donne un aspect sympathique à ce bistro minable, mais c’est pas une raison pour qu’une créature pareille vienne s’asseoir sur ma banquette. Geronimo le sait bien. Il a pris l’habitude de poser le verre de blanc sur la table en formica qui jouxte le flipper, à droite de la porte d’entrée, même quand je suis pas encore là. C’est ma place. « La place du mort », disent les copains. Ça les fait marrer. Les cons ! C’est pourtant la meilleure place pour aller droit en enfer.
Elle a commandé un jus d’abricot. C’est ravissant, un jus d’abricot. C’est assorti à son sac à main. Elle porte un petit quelque chose couleur lilas un peu décolleté. La jupe kaki s’arrête au-dessus des genoux. Elle est assise à ma droite, le regard tourné vers la baie vitrée. On dirait qu’elle attend quelque chose. Elle baisse les yeux sur sa montre. Geronimo lui a servi son jus de fruit, sans un mot. Il fait celui qui n’a pas vu le miracle, pour rassurer sa moitié – Patricia lit des magazines de l’autre côté du comptoir. Moi, je suis pas plus téméraire. À peine si j’ose tourner la tête vers ma voisine. Tout juste si je regarde la jambe qui dépasse sous la table, le sac à main posé à côté d’elle, la mèche de cheveux blonds qui descend sur l’épaule… Je n’en reviens pas ; nous partageons la même banquette en Skaï, celle qui colle aux fesses. Je peux même respirer son parfum. Elle farfouille dans son sac. Elle en sort un gros agenda, un téléphone qui ne sonne pas, un paquet de cigarettes et un briquet.