La vierge volée
48 pages
Français

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Description

Théodore ROUMA, le célèbre gentleman cambrioleur, que toutes les polices de l’hexagone recherchent depuis des années, s’est mis au vert ces derniers mois.


C’est sous l’identité du baron Lucien de Kergoual qu’il passe d’heureuses journées dans son domaine près de Saint-Malo.


Toujours proche de ses hommes de main, il organise l’évasion de Marcel, pincé lors d’un cambriolage à son compte.


Mais Marcel prend la tangente avec un compagnon de cellule, persuadé que l’histoire de ce dernier intéressera grandement son « patron ».


Il s’agit d’un ancien marin à même de retrouver la cargaison d’un voilier ayant fait naufrage en 1782, un chargement composé de tonnes d’or, de rubis et de diamants...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3
EAN13 9791070032008
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA VIERGE VOLÉE

Par
Jean d’AUFFARGIS
CHAPITRE PREMIER
LA RÉINCARNATION DE ROUMA
 
Le capitaine Yvon-Marie Nedellec passait tout son temps à rêver et à dormir, à dormir et à rêver.
Yvon-Marie Nedellec avait le titre de capitaine au long cours, c'est-à-dire qu'il pouvait commander des bâtiments sur toutes les mers du globe. En fait, il n'avait jamais gouverné, sur une seule mer, qu'un méchant cargo de quinze cents tonneaux. Mais quel cargo ! L'Aventure ! Et quelle mer ! Celle de Chine !
— Je vais aller prendre la mesure des longitudes entre Hongkong et Shanghaï.
Telle fut la réponse que s'attira Jeanne Nedellec lorsque, vingt ans plus tôt, elle voulut faire à Yvon-Marie une scène à tout casser parce qu'il avait tiré une bordée de trois jours.
— Emporte ton casse-croûte ! avait crié la Jeanne, croyant ironiser à bon compte et certaine que son grand pendard de mari réapparaîtrait bientôt, bourse légère et tête lourde, finie sa neuvaine.
On ne devait le revoir à Saint-Malo que vingt ans plus tard.
Il était parti comme ça, laissant la Jeanne grosse de ses œuvres. On le connaissait fort peu à Saint-Malo, sa ville natale. On savait seulement que, propriétaire d'un petit sabot, il bourlinguait à son compte entre la Rance et la côte anglaise. Sa santé était excellente, bien qu'en mer la caisse aux liqueurs demeurât constamment ouverte sur la table de sa cabine. À part cela, rude marin, actif et travailleur, épris d'indépendance, refusant de servir les compagnies.
Quarante-huit heures après sa brouille avec la Jeanne, Nedellec avait vendu son caboteur, une bicoque qu'il possédait du côté de Saint-Servan, des titres déposés chez Maître Saumatre, son notaire, et acheté un cargo, d'aspect pitoyable, vendu par autorité de justice. Le bâtiment paraissait bas sur eau et d'allure lente ; il se nommait Le Prudent. Yvon-Marie le baptisa L'Aventure, l'arma d'un équipage à toute épreuve, bien digne des desseins qu'il lui assignait, largua les amarres et mit cap au Sud.
Coup de tête ? Ah ! que non !... Cela faisait des années qu'il y pensait à ce départ à la corde, que, chaviré de visions étranges, le capitaine Nedellec rêvait de se lancer à la conquête d'horizons neufs, d'aller disputer sa chance sous des climats propices.
Il venait d'atteindre la quarantaine quand le dégoût de son va-et-vient entre l'embouchure de la Rance et la côte de Cornouailles le submergea d'un seul coup. Tout compte fait, il lui resta une vingtaine d'années pour mener une vie dépendante et large, et satisfaire ce goût du risque hérité des ancêtres malouins et que les sarcasmes de la Jeanne n'avaient fait que développer. Le démon de l'aventure le prit sur le tard, il ne l'en tint que mieux. Il est dans l'ordre que les mâles, aux approches de l'hiver, rêvent de printemps, que les vieux sédentaires secouent brusquement le manteau des habitudes immuables pour forcer l'entrée d'un monde interdit. Yvon-Marie rompit donc avec ses amarres, décidé à tout et au pire et surtout à ne reprendre le mouillage qu'après avoir épuisé ses réserves de forces et d'énergie.
Son baroud dans les mers de Chine fut tel qu'il l'avait souhaité : puissant, âcre, implacable, bien à la mesure de ce gros corps trapu, lourdement planté sur des jambes massives comme des fûts, surmonté d'une tête ronde et si dure qu'il ne fallut pas loger moins de trois projectiles pour la faire rouler sur le plancher du China-Bar de Shanghaï. Car les entreprises de L'Aventure n'étaient pas de celles qui s'inscrivent dans le train-train d'une navigation paisible ! D'ailleurs, les profits qu'en tirait son capitaine semblaient proportionnés aux périls encourus si l'on songe qu'à Saint-Malo, la Jeanne, pas tellement oubliée, faisait désormais figure de propriétaire cossue. L'ancienne maison des remparts avait été remplacée par une demeure étagée en plein centre avec tout le confort moderne et deux servantes. Thérèse, l'enfant née après le départ du capitaine, avait fait ses classes au lycée. C'était maintenant une grande belle fille sage à laquelle les prétendants manquaient d'autant moins qu'ils n'ignoraient pas qu'une dot confortable l'attendait chez Maître Saumatre, son parrain et notaire de la famille.
Il n'empêche cependant que la Jeanne n'avait pas désarmé pour autant. Les biens au soleil, les placements judicieux, voire l'espèce de notoriété qui avait fini par s'attacher au nom de Nedellec, à la suite d'échos, peut-être amplifiés, sur l'heureux résultat de ses rapines aux tropiques, n'avaient pas réussi à entamer son humeur vindicative. Nedellec avait voulu prendre une revanche sur la monotonie de son passé terne de petit patron caboteur. Il y avait réussi et avec quelle maîtrise ! La Jeanne, elle, estimait avoir une revanche à prendre sur Nedellec. Cette petite femme, comme un paquet d'os, au teint bilieux, mais fiévreuse et vive ainsi qu'une souris, se souvenait encore des chuchotements et des sourires ironiques dont l'avaient accablée les voisines lors de la fuite de son gros homme de capitaine. Une autre serait à la longue satisfaite des chèques, des soies, des ivoires et de cent bibelots de prix que Nedellec lui adressait plus ou moins régulièrement, mais toujours abondamment. Au contraire et en les acceptant, ces richesses entretenaient la Jeanne dans un état permanent de malignité prometteur de représailles sans merci. Aussi imagine-t-on la joie mauvaise qui lui fit battre le cœur à coups redoublés lorsqu'à cinquante-cinq ans, six mois après la rixe ou si l'on préfère, le règlement de comptes du China-Bar, quatre matelots de L'Aventure, à quai depuis le matin, lui ramenèrent son Yvon-Marie qu'elle n'avait pas revu depuis tantôt vingt années. Une loque, le capitaine Nedellec ! Une des trois balles qui l'avaient mis dans ce fâcheux état était restée logée sous le cervelet provoquant une paralysie générale. On le transporta dans une civière et on l'étendit sur son lit, grand corps amaigri, inerte, privé même de l'usage de la parole. Seul, le regard semblait vivre encore dans un visage recuit, tordu par de récentes souffrances et qu'aucune contraction n'animait plus.
Des spécialistes réputés avouèrent leur impuissance. Alors, la Jeanne triompha dans une guerre de harcèlement où l'adversaire ne pouvait réagir. Vendu le cargo, dispersé l'équipage, relégué dans une chambre à l'écart, sous les combles, le capitaine ! Interdiction de recevoir des visites, surtout celle de Barahué, le fidèle second, le confident et le témoin des longues années volées à la Jeanne. Porte close, ni courrier, ni journaux, ni lecture et, suprême raffinement, défense expresse à Thérèse de monter voir son père, un indésirable, un réprouvé, dont le retour au pays constituait à lui seul une menace pour l'avenir d'une jeune fille élevée dans l'honnêteté, la droiture, les « bons principes ».
Et c'est ainsi que la conspiration du silence s'organisa chez les Nedellec autour d'un paralytique qui passait son temps à ruminer on ne savait quelles amères pensées.
 
* * *
 
François attendait, immobile, aux aguets, les mains à plat sur le volant de la voiture. L'espèce de cul-de-sac au fond duquel il se trouvait n'était pas très éloigné de la prison.
Le « patron » avait recommandé :
— Ne te fais pas remarquer.
Aucune crainte de ce côté. L'impasse desservait quatre ou cinq bicoques abandonnées et si la rue sur quoi elle débouchait s'était un peu animée tout à l'heure, à la sortie de la messe, cela n'avait pas duré. Une horloge tinta un coup : ce devait être la demie de midi. Que cette attente silencieuse était donc énervante ! François porta une cigarette à ses lèvres, mais il n'eut pas le temps de l'allumer. Deux silhouettes venaient de tourner le coin de la rue. François embraya et doucement roula à leur rencontre.
— Heureux de te revoir ! fit joyeusement le plus petit des deux hommes, une main sur la poignée de la portière.
— Pas de casse, Marcel ? demanda François avec un regard dont le nommé Marcel saisit sans peine la signification.
— Jamais de bobo, tu le sais. Quant à celui-là, ajouta Marcel, je crois...

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