La voyante de la rue Dauphine
186 pages
Français

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La voyante de la rue Dauphine , livre ebook

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Description

Des univers très différents pour ces sept nouvelles, courtes et moins courtes, où l'auteur nous fait voyager de Paris à Sydney ou Riga, dans un camion ou un avion en péril, sous un bombardement ou dans l'au-delà d'un peintre... Des aventures, des amours, des chagrins, des rêves, une voyante qui mène la danse et des personnages qui savent ce qu'ils veulent !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 octobre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334195676
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-19565-2

© Edilivre, 2016
I Jeune femme au balcon
Cet après-midi-là, Paris sentait l’Afrique.
C’était un de ces jours brûlants où une alchimie rare entre la chaleur du bitume, l’humidité d’un orage récent et la présence de senteurs de hasard, donne à Paris l’odeur de l’Afrique.
Ce parfum-là, pour tous ceux qui l’ont respiré, ne serait-ce qu’une seule fois du haut de la passerelle d’un avion à Lomé, Bamako, Douala ou ailleurs, est unique. Si chaud, si sensuel, si dense qu’on ne peut ni l’oublier ni refuser l’émotion incontournable qui surgit chaque fois qu’on le retrouve, tant son pouvoir d’évocation est violent et ses effets sur l’esprit et le corps difficiles à contrôler.
Cette odeur moite, entêtante, voluptueuse, qui m’accompagna tout au long de la traversée de la ville tandis que je conduisais mon petit camion de déménagement, m’apparut comme l’élément le plus significatif du voyage parce que sa rareté, son originalité et sa force étaient en cohérence absolue avec l’importance de ce que j’avais à accomplir ce jour-là.
Après plusieurs années d’errance dans des lieux de passage, je revenais enfin dans cette maison qui m’était si familière mais que j’avais cru longtemps, définitivement perdue pour moi.
Mi-maison provinciale, mi-immeuble parisien, je la connais bien, elle me plaît infiniment. J’y suis née, j’y ai vécu la plus belle période de mon enfance.
Étroite et profonde, elle est pourtant lumineuse parce que sa façade ouvre sur la Seine et que, derrière l’immeuble, un petit jardin secret, inimaginable depuis le quai, s’ouvre au soleil du soir et ajoute encore à son charme, s’il en était besoin. Construite en 1802 par un ancêtre architecte, habitée par plusieurs générations avant celle de mes grands-parents, elle est restée strictement familiale jusqu’à ce qu’un jour funeste des années soixante, le virus de l’indivision redistribue les surfaces et finisse par commettre l’irréparable : ouvrir à des étrangers à la famille, ce lieu unique et merveilleux.
Un anglais qui n’est jamais là, a acheté le premier étage. Le second, le plus beau, est le fief de ma tante Elisa ; le troisième a été scindé en deux et vendu à Henri, un vieux comédien et à Suzanne, arrivée là je ne sais comment, qui gère depuis vingt ans, les manèges du Jardin du Luxembourg.
J’ai souvent entendu parler d’eux mais ne les connais ni l’un ni l’autre.
Mon étage, dont je possède la moitié, est le quatrième. Mansardé, il est plus petit que les autres, très clair et surtout plus biscornu. S’il me plaît tant et que je m’y sens si bien, c’est qu’il ouvre – non, quand même pas sur une terrasse – mais sur un balcon carré assez vaste pour accueillir un guéridon en bois, deux fauteuils de square et un rosier.
Nous ne sommes donc maintenant qu’un trio de rescapés de la faillite immobilière familiale : ma tante, qui a largement contribué à mon retour ici, un vieux cousin qui tient, au rez-de-chaussée, une petite boutique de livres anciens et moi, qui les rejoins, cet après-midi même, dans mon camion plein de caisses.
La lumière ardente me brûle les yeux et je roule, enchantée, dans ce Paris torride.
Dans quelques jours, je vais faire la connaissance du vieil Henri et ne peux imaginer à cet instant que cette rencontre va m’entraîner dans l’aventure la plus étrange de toute ma vie…
Henri est mon voisin du dessous.
Le dimanche qui a suivi mon installation, je l’ai invité avec ma tante et Suzanne à boire un vin blanc frais sur mon balcon, histoire de faire connaissance. Ensemble, nous avons regardé les tours de Notre-Dame, plaisanté sur les bateaux-mouches chargés de touristes puis Suzanne nous a fait une revue des faits divers les plus extravagants du Jardin du Luxembourg et lui, très en forme, son numéro du comédien qui a été célèbre et a énormément plu aux femmes.
Le vieux monsieur m’amusa, je l’amusai aussi : nous nous séparâmes, enchantés l’un de l’autre.
Cette rencontre fut la première d’une très longue série et marqua le début d’une amitié qui devait durer jusqu’à la fin de sa vie, six ou sept ans plus tard.
Henri, qui habitait là depuis déjà longtemps, avait consacré l’essentiel de sa vie au théâtre et à côté de sa carrière d’acteur en avait mené une autre, très longue et très animée de séducteur, qui l’avait conduit pendant des années, de mariages en ruptures et de liaisons en aventures d’un jour !
Il commençait cependant à se fatiguer lorsque je l’ai connu et les quelques cinquante-cinq années qui nous séparaient furent un obstacle, qu’à mon grand soulagement, il n’envisagea jamais de franchir. Ce fut donc en toute tranquillité que je bénéficiai, pendant ces années, d’une amitié sans équivoque et de conversations alimentées de récits, d’anecdotes et de réflexions autour d’un sujet qui me plaisait depuis toujours : le théâtre.
Ma mère qui, à la fin des années cinquante, avait assidument fréquenté le T.N.P du Palais de Chaillot, m’avait dès l’enfance, raconté ses découvertes et ses émotions. Elle y avait vu tout le répertoire et connu de jeunes comédiens, plus tard célèbres, qui donnaient sous l’autorité de Jean Vilar, des spectacles purs, dépouillés, parfaits dont elle sortait bouleversée. Elle racontait bien, me donnait des textes à lire, bref, elle m’avait transmis, très tôt, son goût et sa curiosité pour le théâtre.
Avec Henri, qui avait tout connu de cette époque, nous en parlions interminablement. Parfois, il me rejouait une scène et c’était un bonheur.
Lorsqu’il se sentit en confiance, il me fit un jour un aveu surprenant : il croyait à la métempsycose et était persuadé d’être la réincarnation de Toulouse-Lautrec !
Le jour où il m’en parla pour la première fois, je commençai par rigoler et lui demandai de s’expliquer :
– Arrête de rire avant de savoir, pauvre innocente ! S’indigna-t-il. Il y a une dizaine d’années, j’ai tourné plusieurs scènes d’un film à Albi, tu le sais, je t’en ai déjà parlé. Dès mon arrivée, je me suis précipité au Musée Toulouse-Lautrec car, depuis toujours, je suis fasciné par sa peinture.
Là, j’ai eu une terrible impression de déjà-vu. Non, pas la vague impression ordinaire d’avoir déjà vécu cet instant là, mais celle de tout reconnaître… comme de l’intérieur… je ne sais pas comment t’expliquer… Ces tableaux, je les reconnaissais, j’aurais pu les classer dans l’ordre chronologique sans regarder les dates, je savais ce qu’il y avait au-delà du décor peint, je connaissais chaque personnage, chaque coup de pinceau ! Les affiches, c’était pareil… tout, tout, j’avais déjà tout vu…
– Mais, Henri, si tu aimes Toulouse-Lautrec, tu avais vu des expositions, lu des livres ?
– Evidemment, mais là, il se passait autre chose. Je circulais d’une toile à l’autre comme si c’était moi l’auteur… moi le peintre… je voyais tout, les situations dans lesquelles elles avaient été peintes, l’ambiance du cabaret, je sentais presque les odeurs, le goût de l’alcool… tout comme si j’y étais… tout, je te dis !
J’ai su que sa maison natale était encore habitée par un descendant de la famille. J’ai voulu y aller, voir l’intérieur, discuter avec celui qui y vivait. Toute la ville savait qu’on tournait un film, je n’ai eu aucun mal à être reçu.
– Et là ?
– Là ? Incroyable ! Je suis entré dans cet hôtel particulier et j’ai monté l’escalier avec l’impression de rentrer chez moi. Avec le neveu – finalement c’était un neveu qui habitait là – on a commencé à parler et à un moment, il a dû redescendre pour voir je ne sais quoi.
Je suis resté tout seul dans un petit salon et là, je n’ai pas pu résister. J’ai pris un couloir à droite en me disant tout bas ce qu’il y avait derrière chaque porte et jamais, je ne me suis trompé : une chambre, un débarras, un cabinet de toilette, une sorte de bureau, toutes les pièces dans l’ordre et à chaque fois si familières !
J’étais complètement retourné, mon cœur s’affolait, j’avais peur. Quand le neveu est remonté, j’ai posé des questions sur la vie, la personnalité de Toulouse-Lautrec ; il connaissait très bien le sujet et ses réponses m’ont rendu malade, j’avais l’impression qu’il me parlait de moi !
– Et depuis ?
– Depuis ? C’est de pire en pire… et je ne t’ai pas dit l’essentiel ! Je me suis aperçu, là-bas à Albi, que j’étais né dans la nuit qui a suivi sa mort. Tu te rends compte, il est mort le 9 septembre 1901 et je suis né le 10… le 10 septembre 1901, au petit matin ! De plus, regarde-moi, je suis plutôt petit, pas autant que lui et quand même mieux foutu…… mais vraiment pas très grand ! Autre chose : mes parents m’ont appelé Henri. Pourquoi ? Je te le demande, pourquoi ? Aucun Henri dans la famille avant moi !
– Tu n’as pas demandé ?
– Je n’ai pas pu. Mes parents étaient déjà morts depuis longtemps mais tu imagines… m’appeler Henri !… comme ça, pour rien !
– Tu n’as jamais peint ?
– Bien sûr que si ! Tout jeune, je n’arrêtais pas de dessiner, de peindre… j’ai même hésité un bon moment à faire les Beaux-Arts. Et en plus, regarde, Toulouse-Lautrec qui ne se plaisait qu’au spectacle : la Goulue, Jeanne Avril, Yvette Guilbert, la Fuller avec ses voiles, rien que des copines ! Et moi, qui suis-je sinon un homme de spectacle ? Toute ma vie, le spectacle !… Et ça continue !… Toulouse-Lautrec a habité dans un bordel pendant des mois et, moi, je l’avoue, j’ai toujours eu un faible pour les putes. Aujourd’hui encore, chaque fois que j’en vois une au bord du trottoir, je ne peux pas m’empêcher d’aller lui parler !…… C’est tous les jours que je me souviens de détails incroyables, des faits qui se recoupent. Et je ne te parle pas de Montmartre dont je connais chaque rue, je ne sais même pas pourquoi !
Tiens, il y a quelques j

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