Laurier Palace
191 pages
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Description

Mais quel mauvais vent souffle sur Montréal en cet automne 1929? Deux ans après la mort de 77 enfants dans l’incendie du cinéma Laurier Palace, Thomas Larivière, comédien, dis- paraît. Au même moment, le cadavre d’un prêtre, professeur de Thomas, est repêché dans les eaux du port. Puis, c’est la débandade: acte de sabotage au théâtre St-Denis, attaque d’une comédienne au National, incendie criminel au Loews. Événements fortuits, indépendants les uns des autres ? Appelé à la rescousse, Gary Fournier, fougueux ami de Thomas, se lancera alors à corps perdu dans cette quête. Laurier Palace, une vaste machination dans laquelle les acteurs se multiplient, non sans heurts et dérobades. Laurier Palace, une plongée dans le milieu culturel du Montréal de 1929... avec, en coulisse, la « présence » de Dieu... ou serait-ce celle du diable ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782898311444
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À ma grande petite sœur Francine




LA TRAGÉDIE DU LAURIER-PALACE. LE BOURDON DE NOTRE-DAME SONNERA LA DOULEUR DE LA POPULATION… Il était un peu moins de 2 heures, hier après-midi, quand la première alarme fut sonnée. En un rien de temps, la nouvelle qu’un incendie dévorait le cinéma Laurier-Palace, 1683 et 1685 rue Sainte-Catherine Est, et que de nombreux enfants y avaient péri se répandit dans toute la ville. La Presse , 10 janvier 1927 — Extrait
SOIXANTE-DIX-SEPT ENFANTS S’ÉCRASENT À MORT DANS UN CINÉMA. Le feu se déclare dans une petite salle de l’Est de Montréal ; une panique s’ensuit ; une fillette trébuche dans un étroit escalier et une centaine d’enfants s’entassent derrière elle en une effroyable mêlée, d’où soixante-dix-sept ne sortent pas vivants. La Patrie , 10 janvier 1927 — Extrait
LES VICTIMES DU « LAURIER PALACE » SONT AU NOMBRE DE 77… Autre circonstance de temps qui marque bien l’évolution des mœurs : la représentation avait lieu un dimanche, à l’heure des vêpres dans nombre d’églises. L’heure des vêpres, c’était il y a vingt ans l’heure où la nef se remplissait de petites têtes blondes et brunes. Le cinéma a changé tout cela, surtout depuis qu’il fait illégalement, le dimanche, concurrence à la maison du Seigneur le jour du Seigneur, et qu’on y admet illégalement les enfants. Némo , Le Devoir , 10 janvier 1927 — Extrait


Prologue
Au retour de la messe, à bout d’arguments aux « Dis oui, p’pa ! »… « M’man, je vais faire la vaisselle toute la semaine ! », les parents Boisseau finirent par céder :
— Ça va ! Ça va ! Vous pouvez y aller aux vues !
Cris de joie dans le logement de la rue Joliette. La permission fut toutefois assortie d’un vigoureux avertissement à l’aînée :
— Germaine, tu vas prendre ben soin de ta petite sœur pis de ton petit frère !
Celle-ci acquiesça et entraîna Yvette sur le lit qu’elles partageaient : elle allait lui faire de jolies nattes et l’habiller de vêtements chauds — c’était parfois frisquet dans ces cinémas en hiver. Sous le regard impatient de son frère Roland, elle prit ensuite tout son temps pour choisir, parmi ses frusques, ce qui lui seyait le mieux et, qui sait, avoir l’air plus que ses 13 ans. Après un dîner pris en vitesse, heureux de ce bel après-midi qui s’annonçait, les trois jeunes Boisseau se rendirent, riant et se taquinant, vers cet antre du plaisir qu’était le Laurier Palace.
Lorsqu’ils arrivèrent en vue du cinéma surmonté d’une grosse affiche annonçant Get ‘Em Young , grande fut leur déception de s’apercevoir que bien d’autres enfants étaient arrivés avant eux et formaient une longue file d’attente.
— On aura peut-être pas des bonnes places, fit Germaine.
Roland se fit un malin plaisir de riposter :
— Tu as perdu plein de temps pour te faire belle… Pis ça rien donné pantoute !
Agrippant avec fermeté son frère par le col, non sans lui jeter un regard noir, et prenant la main de sa petite sœur, la jeune fille se mit en ligne. La ribambelle d’enfants se poussaient les uns les autres, impatients d’entrer dans la grande salle sombre. Lorsqu’arriva leur tour, les Boisseau n’eurent pas le choix de monter au balcon. Par un heureux hasard, ils se retrouvèrent assis près de leurs anciens voisins de palier, Ange-Aimée Levasseur et son petit frère Marcel. Ils se saluèrent timidement, sans grande emphase. Sauf pour Germaine et Ange-Aimée, qui s’étaient toujours bien entendues. Les deux adolescentes se mirent tout aussitôt à jaser entre elles.
— Hé ! Germaine, je suis contente de te voir ! Es-tu encore à l’école ?
— Ouais ! Mes parents veulent que je devienne maîtresse. Pis toi ?
— Je pense que ça va être ma dernière année. Je vais aller travailler à la biscuiterie Charbonneau en septembre. Mon père va me faire entrer.
— Chanceuse ! Tu vas pouvoir manger plein de biscuits gratis ! répondit Germaine, qui était gourmande.
Un sujet de conversation n’attendant pas l’autre, les deux amies ne virent pas le temps filer. D’un « Calme-toi, Marcel » ou « Ce sera pas long ma chouette », elles firent patienter frères et sœur. La petite Yvette eut tout à coup une envie pressante.
— Tu peux pas te retenir un peu ? lui demanda sa sœur, pas très contente qu’on interrompe sa conversation, d’autant qu’elles en étaient aux amours de l’une et de l’autre.
— Non, j’peux pas, dit-elle en se tortillant.
Germaine, après avoir jeté un regard en coin à Ange-Aimée, prit par la main sa petite sœur et la conduisit aux toilettes. Elles venaient tout juste de se rasseoir lorsqu’enfin les lumières s’éteignirent et que les premières images apparurent à l’écran.
Comme d’habitude, avant le film tant attendu, les enfants eurent droit aux actualités nationales et internationales de ce début d’année 1927. Nullement intéressés, ils se chamaillaient, s’époumonaient, couraient à droite et à gauche, sautaient à pieds joints sur les sièges. Les garçons tiraient les nattes des fillettes, celles-ci se défendaient à coups de cris, de pied et de claques bien senties. Un capharnaüm du diable sur lequel les employés de la salle n’avaient aucune prise. Germaine retint juste à temps son frère Roland qui allait, le poing en l’air, se précipiter sur un autre garçon.
Il fallut que les premières images du film apparaissent pour qu’un semblant de calme s’installe, ponctué ici et là de chuchotements et de petits cris. Un enfant se mit à pleurer. Un autre dit tout haut qu’il devait aller aux toilettes. Et bientôt, telle une vague déferlante, les rires envahirent tout l’espace. Rire à gorge déployée. Rire à en pleurer. Rire à s’en étouffer. En somme, rire dans toute sa liberté et sa candeur, haut et fort, dans un total abandon. Les employés de la salle respirèrent mieux. Ils se mirent à jaser entre eux. L’un proposa une joute de cartes : « Allez ! Un p’tit 500 ».
Il en était de même de Roland, Marcel et Yvette qui, rivés à l’écran, se délectaient des pitreries de Laurel. Germaine et Ange-Aimée, qui avaient déjà vu le film deux fois, penchées l’une vers l’autre, tout en chuchotements, préférèrent poursuivre leurs confidences, ponctuées de ricanements nerveux et de regards appuyés, parfois faussement scandalisés. Pour elles aussi, le plaisir était au comble.
Le film en était au tiers lorsque la petite Yvette tira la manche de sa sœur et fit mine qu’elle voulait lui parler.
— Faut pas que tu ailles encore faire pipi ? gronda gentiment Germaine.
— Non… mais ma gorge pis mes yeux piquent… ça pue la boucane aussi.
— Ben non, tu t’imagines des affaires. Regarde le film, là ! lui intima-t-elle.
La petite se renfonça dans son siège et fixa son regard sur l’écran.
— Y se passe quoi ? demanda Ange-Aimée.
— Rien, rien… ma petite sœur manque d’attention. Finalement, il s’est passé quoi avec Aurèle ? Tu l’as embrassé ?
— Es-tu folle! Jamais de la vie ! J’ai ma réputation !
Germaine allait lui répondre qu’elle comprenait, mais les mots lui restèrent pris dans la gorge… Elle venait d’apercevoir de la fumée dans la partie basse de la salle ! Et là, des flammes qui léchaient les murs ! Moment d’effroi qu’elle tenta de contrôler en attirant Yvette contre elle. Et c’est alors qu’un cri de terreur se fit entendre venant d’on ne sait où :
— Au feu ! Au feu ! Sortez tous !
D’un seul mouvement, les enfants se levèrent. Le film s’arrêta. Puis aussitôt une clameur envahit la salle. Le feu, le feu était là ! Des pleurs surgirent. Des cris de panique suivirent. Des petits figèrent de peur sur place. Les « grands » furent les premiers à réagir. Prenant les plus jeunes par la main, ils se précipitèrent vers la sortie, aidés par un employé qui les guidait et tentait de les calmer.
Du balcon, les enfants Boisseau et Levasseur avaient une vue plongeante sur cette ruée vers l’extérieur, espérant qu’on allait aussi venir à leur secours. Les yeux agrandis par la terreur, Yvette se serra contre Germaine. Celle-ci agrippa par le bras Roland, qui n’en menait pas large lui non plus. Ange-Aimée avait fait de même avec Marcel. Puis d’un commun accord, à toutes jambes, ils se dirigèrent tous à travers une bande d’enfants hurlant et pleurant vers l’escalier. Yvette leva les yeux vers sa sœur et cria :
— On va pas mourir, hein, Germaine ? J’ai peur, j’ai peur ! Je veux maman !
Ne sachant quoi répondre, guère plus rassurée que son frère et sa sœur, Germaine prit Yvette dans ses bras et hurla à Roland d’agripper sa jupe. Ange-Aimée et son frère se tenaient toujours à leur côté. Une fumée âcre avait envahi les lieux, les faisant tousser, éternuer et cracher. Ils approchaient de la première marche lorsque tout à coup Roland, prit d’une soudaine frayeur, se lança seul dans la mêlée, sa sœur à sa suite. La fumée devenant de plus en plus opaque, Germaine les perdit aussitôt de vue.
Dans un grand désordre, ils aboutirent enfin au sommet de l’escalier en paliers, n’y voyant toutefois goutte et à demi asphyxiés. Germaine tenant toujours fermement la petite Yvette dans ses bras, la menotte de Roland empoignant sa jupe, ils descendirent une première marche, puis une seconde. Mais soudain, pour on ne sait quelle raison, il y eut un vent de panique. Et, comme aspirés vers le bas, les enfants tombèrent les uns sur les autres. Étourdis par la douleur, peinant à respirer, aveuglés par la fumée, ils ne purent se relever.
Les uns écrasant et étouffant les autres, des dizaines d’enfants se retrouvèrent de la sorte comme chevillés les uns aux autres, dans un horrible amas de corps. Ils furent, par des secours arrivés trop tard, extirpés un à un de cet escalier maudit et transportés dehors. Faute d’espace, il fallut les étendre à même le trottoir, dans la froidure de janvier. Peu avaient survécu.
* * *
C’était le chaos à l’extérieur du cinéma. Policiers, pompiers, ambulanciers, médecins, infirmières et même chauffeurs de taxi appelés à la rescousse pour transporter les enfants à l

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