Le coup de Trafalgar
37 pages
Français

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Description

Fini le temps des arnaques pour Sam Higgins ! Multirécidiviste, il a été incarcéré de nombreuses années.


Alors, Sam Higgins a décidé, depuis sa sortie de prison, d’être honnête... Il est devenu « tipster », un donneur de tuyaux pour des courses hippiques. Sa très bonne réputation est due à une technique toute personnelle.


À tel point que Lord Ronald, qui grâce au pronostiqueur a gagné une grosse somme à Epsom, pour le remercier veut l’embaucher pour jouer son rôle.


Le riche oncle du notable menace de le déshériter s’il refuse l’invitation de la comtesse Fleury de Valoiseau à passer une quinzaine dans son manoir en Bretagne. Pas de doute, le tonton cherche à le marier avec cette dame qu’il ne connaît pas et qu’il ne désire pas rencontrer, ayant prévu de plonger dans les bras d’une belle danseuse de ses relations.


Sam Higgins finit par accepter de rendre service à Lord Ronald sans se douter que cet événement va l’inciter à renouer avec son passé bien plus qu’il ne l’aurait pensé...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3
EAN13 9791070031780
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le coup de Trafalgar
Récit d'aventures

par Charles RICHEBOURG
CHAPITRE PREMIER
 
Il faut avoir été à Epsom, un jour de derby, pour réaliser pleinement la signification du mot « cohue ». Depuis 1779 la célèbre réunion hippique a lieu le mercredi avant la Pentecôte, et dès le lever du jour une foule innombrable déferle, par vagues successives, dans les rues archaïques de la petite ville du Surrey.
Toutes les dix minutes, des trains spéciaux déversent des flots humains dans les trois stations provinciales, où les chefs de gare subissent stoïquement leur seul coup de feu de l'année. Quant aux routes d'accès, elles sont tellement encombrées que les plus rapides voitures automobiles y parcourent cinq cents mètres à l'heure au prix d'innombrables difficultés.
Les breaks conduits par des cochers vêtus de tuniques écarlates, et les mail-coaches à quatre chevaux attelés par paires contribuent généreusement à cet embouteillage grandiose ; mais au fond personne ne s'en plaint, car le spectacle bigarré de ce tohu-bohu assourdissant mérite d'être observé par le détail.
Les fanfares de cors de chasse dominent le fracas des klaxons ; les pétarades des motocyclettes couvrent le ronronnement des huit cylindres ; de vieilles Ford datant de l'époque héroïque fraternisent avec des Jaguars et des Talbot du dernier modèle, tandis que les piétons s'écrasent sur les trottoirs, à grand renfort de rires, d'excuses ou de jurons.
L'ale blonde, le stout et le porter coulent à flots dans les tavernes qui retentissent du tintement musical des pintes d'étain. Le cœur de la vieille Angleterre bat plus vite que de coutume, et, dans sa tombe, Lord Derby tressaille d'allégresse, car il est le promoteur de cette joie contagieuse et de toute cette animation.
En cette journée mémorable, les habitants d'Epsom, pourtant célèbre par ses eaux minérales, ne boivent que la bière, du gin ou du whisky. La petite cité vit dans une atmosphère bruyante de kermesse ; sa population a centuplé en deux heures de temps ; Londres s'est vidée à son profit ; et si elle ne se hausse pas à la dignité de capitale du Royaume Uni, du moins devient-elle, pour un jour, la Métropole du Turf !
Les collines qui avoisinent le champ de courses sont noires de spectateurs, et dans les enceintes réservées, les habitués des réunions hippiques, les jolies femmes et les membres de l'aristocratie se coudoient gaiement, se saluent au passage, papotent, établissent de savants pronostics sur le papier, et quêtent le tuyau qui leur permettra de déclarer, en rentrant à leur hôtel de Mayfair ou de Bayswater  : « J'ai touché le gagnant du derby ! »
Au départ de la première course, le coup d'œil était enchanteur : les bannières bleues, jaunes, vertes et rouges des bookmakers jetaient des taches vives sur le fond émeraude des prairies où le blanc immaculé des barrières traçait des lignes parallèles. Le défilé des chevaux, les casaques de soie des jockeys — des blouses neuves comme il se doit, sortant en droite ligne de l'atelier des plus célèbres tailleurs londoniens — tout contribuait à faire de cette manifestation éminemment sportive le plus féerique des spectacles.
Cette avalanche de couleurs s'accompagnait d'une symphonie étrange, tissée de sons et de bruits qui se confondaient pour former un tout homogène : tintement des cloches, cris, fanfare bruyante des trompes de chasse, éclats de voix, jappements de chiens, appels... Et l'on prétend que l'Anglais est froid, silencieux et flegmatique ! C'est fort possible, après tout ; mais pas à Epsom, un jour de Derby...
Sam Higgins s'était installé provisoirement au paddock, dans le but louable de renifler d'où veinait le vent. Grâce à sa petite taille, il passait facilement pour un jockey ou un premier lad ; sa mince figure chiffonnée, couronnée de cheveux jaunâtres, lui conférait un certain aspect de dignité, et les quarante années d'avatars qu'il avait traversés avec philosophie lui apportaient l'expérience indispensable à l'exercice de sa nouvelle profession. Il était au surplus vêtu avec décence, d'un complet gris clair, portant en bandoulière une superbe paire de jumelles prismatiques.
Depuis sa sortie du pénitencier de Dartmoor , trois mois auparavant, l'ingénieux Sam avait radicalement changé son fusil d'épaule : il vivait présentement du turf et avait trouvé le moyen d'y gagner honnêtement sa vie, sans risquer un sou ni courir le moindre aléa. Son système était d'ailleurs aussi enfantin que le coup jadis réalisé par Christophe Colomb avec son œuf, mais les procédés les plus simples sont ceux qui durent le plus longtemps.
En quatre-vingt-dix jours, Higgins s'était déjà taillé une solide réputation de « tipster » , c'est-à-dire de « donneur de tuyaux ». Le métier est d'un excellent rapport en Angleterre, où le bon peuple est enclin à parier sur les événements les plus anodins de la vie quotidienne. Il est vrai que la réussite de l'ancien repris de justice était due surtout à son bon sens, et à sa connaissance approfondie de la psychologie humaine.
Partant du principe que les joueurs parlent volontiers de leurs gains sans jamais faire allusion à leurs pertes, l'astucieux bonhomme désignait comme gagnant certain tous les chevaux d'une même course, les uns après les autres, à des clients différents bien entendu, et sous le sceau du secret.
Il était donc assuré d'indiquer le vainqueur de chaque épreuve ; mais les malchanceux se gardaient bien de répandre le bruit de leur déconfiture, tandis que les autres, tout au contraire, ne tarissaient pas d'éloges et proclamaient hautement les mérites de leur informateur.
Au surplus, Sam avait mis le comble à sa popularité en travaillant sans contrepartie : ce singulier marchand de tuyaux ne vendait rien du tout, et il se proclamait fièrement « Informateur bénévole et à titre gratuit » . Cette philanthropie faisait partie du système dont il était l'inventeur, mais elle n'était qu'apparente, comme bien l'on pense.
L'habile Sam ne mit guère longtemps à se convaincre que le climat était excellent ; de nombreux turfistes venaient se renseigner, au paddock, sur les dernières performances réalisées à l'entraînement ; et sans perdre...

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