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Michel VAUDREUIL, un agent du contre-espionnage français, est chargé de retrouver les plans volés d’un avion révolutionnaire.
Les soupçons de son supérieur, le capitaine Lhomet, se portent sur un riche homme d’affaires étranger, Samuel Rodofir. D’après lui, le document doit se trouver en sa possession en attendant qu’il puisse, sans risque, le faire passer à une puissance ennemie.
La mission de Michel VAUDREUIL est de profiter de sa position dans le Grand Monde pour approcher Samuel Rodofir.
Le hasard ne tarde pas à mettre la belle Madame Rodofir sur sa route...
MICHEL VAUDREUIL
- 2 -
LE DOCUMENT INTROUVABLE
Récit d'espionnage
Claude ASCAIN
CHAPITRE PREMIER
À LA RECHERCHE DU DOCUMENT
Michel Vaudreuil écoutait parler le capitaine Lhomet.
— Une sacrée affaire, dit le chef du contre-espionnage. Il n'y a que vous, mon ami, qui puissiez en tirer quelque chose, avec vos relations dans le monde chic.
Le jeune homme eut un sourire rapide et ses grands yeux gris, ombrés de longs cils battirent un instant. C'était par amour du risque et pour rompre son désœuvrement de fils de famille qu'il avait accepté d'être enrôlé dans la phalange de ceux qui ont pour mission de lutter dans l'ombre pour la défense de nos secrets nationaux.
Depuis le début de la conversation, il avait marché de surprise en surprise.
D'après cette confidence, Samuel Rodofir était un agent à la solde d'une puissance étrangère. Ce brasseur d'affaires. Ce gros industriel dont les usines s'élevaient un peu partout à travers l'Europe, qui possédait une brillante écurie de courses, un château en Touraine, etc.
— Mais oui. Justement, insista Lhomet. Toujours en vertu du principe que ces sortes de gens sont insoupçonnables.
— Vous avez des preuves de sa culpabilité ? demanda Michel.
— Oui et non. En tout cas, nous nous gardons de lui laisser voir que nous savons quelque chose, sinon, se sentant brûlé, il changerait de système et nous ne pourrions plus surveiller sa correspondance ni rien. Voyez-vous, Vaudreuil, c'est l'un des principes fondamentaux du contre-espionnage que de ne rien changer à l'apparence extérieure des choses, dans un cas comme celui-là. Mais, sachant de quoi il retourne, nous pouvons suivre dès le départ toutes les informations communiquées par Rodofir et... les altérer, le cas échéant, pour les rendre inoffensives.
Le capitaine Lhomet alluma son cigare et tendit l'allumette à Vaudreuil qu'il traitait avec amitié.
— Seulement — reprit-il, entre deux bouffées — l'homme n'est pas un naïf, et quand il donne quelque renseignement très important, il s'arrange pour que cela passe autrement que par les voies ordinaires. Rien par la poste... Et nous sommes Gros-Jean...
Lhomet donna l'impression de sauter du coq à l'âne.
— Vous avez lu, dans les journaux, cette affaire d'un homme trouvé inanimé, le crâne fendu, à l'aube, dans la rue Monceau ?
— Heu... Oui, vaguement, fit Vaudreuil. Un fait divers, je pense. Pourquoi m'en parlez-vous, mon capitaine ?
— Parce que la rue Monceau est celle où habite Samuel Rodofir.
— Et alors ?... Il y aurait une corrélation entre...
Le capitaine tira une bouffée plus grosse et regarda fixement son interlocuteur.
— Parfaitement, dit-il d'une voix calme. Ce « fait-divers », comme vous dites, a été, par nos soins, réduit à sa plus simple expression. On a conclu, officiellement à une attaque nocturne. D'ailleurs, le blessé lui-même a confirmé le récit. Et l'affaire est classée. Mais, pas pour nous... Comprenez-vous, Vaudreuil ?
— Je crois deviner, mon capitaine.
— Le blessé est un de nos collaborateurs. Son nom a été travesti pour les journaux. C'est Marcel Villers...
— Marcel Villers !... Que lui était-il donc arrivé ?
— Il était à la recherche d'un plan dérobé à la section des inventions au ministère de la Guerre. Un nouvel avion. Quelque chose d'extraordinaire, Vaudreuil. Imaginez un appareil dont la structure peut être rendue complètement invisible à partir d'une certaine altitude. J'ignore évidemment les détails techniques. Mais vous vous rendez compte de l'importance de ce procédé ?
— Certes, mon capitaine ! Et... ce serait Rodofir, qui...
— Tout porte à le croire. En tout cas, Villers avait dirigé ses recherches de ce côté-là. Après avoir surveillé la maison pendant des semaines, il est arrivé à la conviction que Rodofir devait posséder le document.
« Il s'est assuré qu'on ne l'avait pas encore fait passer à l'étranger. Vous pensez que tous les services sont en alerte. On a tout passé au crible, on a fouillé les bagages de tous ceux qui, de près ou de loin, touchent à notre bonhomme.
« Bref, une nuit, alors que Rodofir était absent, ainsi que tout son personnel, après avoir acquis la certitude que la maison était complètement vide, Villers a réussi à s'introduire dans la place et s'est attaqué au coffre-fort.
« Il n'y avait pas un quart d'heure qu'il travaillait quand la chose lui est arrivée. Un coup de matraque sur la tête et il s'est réveillé à l'hôpital.
— Pas possible !... Il y avait donc tout de même quelqu'un là-bas ?
— Villers affirme que non. Et c'est cela qui me trouble. Je le connais, il a de l'expérience, il est trop prudent pour se risquer à l'aveuglette. S'il déclare qu'il n'y avait personne, c'est qu'il n'y avait personne, je ne sors pas de là.
Lhomet rumina comme pour lui-même :
— Après l'avoir assommé, on l'a transporté dans la rue et on l'a laissé dans le ruisseau. Ni vu ni connu...
Michel Vaudreuil garda le silence. Il essayait de se rendre compte de la scène qui avait dû se dérouler.
— Et maintenant ? fit-il. Je suppose que c'est à mon tour d'essayer ?
Lhomet le regarda avec sympathie. Il aimait beaucoup ce grand et beau garçon que rien, sinon son goût des aventures, avait amené à lui.
— Si le but doit être le même, c'est-à-dire retrouver le plan secret, je ne pense pas qu'il faille adopter la même tactique que Villers. Ce Samuel Rodofir doit, plus que jamais, se tenir sur ses gardes. J'ai l'impression très nette qu'il sait que nous le soupçonnons...
— Mais alors, il va fuir !
— Pas du tout, Vaudreuil. Car il serait infailliblement cueilli à la frontière sous un prétexte quelconque — nous n'en manquons pas, spécifia le capitaine avec un sourire redoutable — et cela nous fournirait une raison pour le surveiller plus ouvertement.
— Le jeu des deux escrimeurs, murmura Michel. Le premier qui se découvrira sera touché.
— Exactement. C'est pourquoi je continue à penser que le document est toujours en France. Je dirai même, toujours à Paris. Rodofir attend le moment favorable. Depuis l'affaire Villers, il ne donne aucune prise à la critique. Rien de suspect. Aucune allée ni venue suspecte, chez lui ou autour de lui.
— Il y a un mystère dans cette agression de mon collègue, dit brusquement Michel. J'ai l'impression que, si on pouvait le résoudre, il y aurait un grand pas de fait.
— Évidemment. Mais la police piétine. Il y a quinze jours que Villers a été attaqué et l'on ne sait toujours rien.
— Avez-vous un plan de l'immeuble ?
— De l'immeuble, non. Mais nous en avons un de l'appartement de Rodofir. Tenez...
Le capitaine tendit une feuille de papier que Vaudreuil étudia avec attention. Lhomet lui désigna quelques points.
— Ici, l'entrée... Ici, un corridor... Deux salons se faisant suite. La chambre à coucher de M me Rodofir. Celle du mari. Le cabinet de travail. La cuisine, l'office, le...
Mais Michel n'écoutait plus. Il s'attardait sur le cabinet de travail. On voyait la disposition du bureau, des fauteuils, du coffre-fort.
— C'est Villers qui avait réussi à se le procurer avant son expédition, expliqua Lhomet. Il voulait être sûr de son terrain.
Vaudreuil ne répondit pas, toujours absorbé.
— Cette fenêtre, ici, donne sur une cour ?
— Oui... Les autres sont sur la rue...
— Il a choisi la pièce la plus sombre pour y travailler, remarqua Michel.
— Bah ! Sans doute est-ce aussi la plus tranquille... Pas de klaxons d'auto, pas de bruits de circulation de voitures.
— C'est juste, admit le jeune homme.
Et, malgré tout, il trouvait ce choix bizarre. Rodofir aurait pu prendre, par exemple, l'un ou l'autre des deux salons. Il n'en avait rien fait. L'argument du capitaine, pour aussi logique qu'il fût, ne le convainquait pas.
— Moi-même, dans un cas pareil, j'aurais préféré une pièce... tenez... comme celle-ci, avec une porte-fenêtre sur un balcon. C'est tout de même plus gai que cette vue sur une cour...
— Ce n'est qu'un détail, Vaudreuil, articula le chef.
Il ajouta :
— En tout cas, vous avez carte blanche... Mais agissez vite, hein !
— Le plus vite possible, mon capitaine.
On était à fin avril. Le printemps s'annonçait dans les arbres. Des bourgeons gonflés de sève ne demandaient qu'à éclater. Le ciel paraissait décidé à se débarrasser de ses nuages grisâtres et à étendre les coins bleutés qui se faufilaient joyeusement entre deux ondées.
Samuel Rodofir se trouvait toujours absent de la capitale, mais on savait où il avait élu domicile. Là-bas, sur la Côte d'Azur, des émissaires épiaient ses promenades, ses soirées, ses parties de baccarat.
Il ne donnait pas l'impression de savoir que quelque chose s'était passé à son domicile parisien. La réaction naturelle, dans un cas semblable, eût été de revenir aussitôt. Mais le fin matois s'en était gardé.
C'eût été avouer à ceux dont il continuait à déjouer les plans qu'il était pour quelque chose dans l'attaque de Villers. Tel que, il avait parfaitement le droit de dire qu'il était absolument innocent des soupçons dont on l'accablait — mais que l'on se serait gardé de lui révéler — et qu'il n'attachait aucune importance à la leçon donnée à un « cambrioleur » surpris par son gardien.
Bien joué...
Mais il existait cette certitude de Marcel Villers qui continuait à déclarer formellement :
— Il n'y avait aucun gardien dans l'appartement... Du reste, j'ai pu y pénétrer en toute liberté. Ce n'est qu'après un certain laps de temps que j'ai été attaqué... Je n'ai entendu aucun bruit suspect. J'avais soigneusement verrouillé la porte d'entrée et j'aurais bien entendu quiconque y aurait touché...
Michel Vaudreuil emporta le plan chez lui et le scruta de nouveau avec assiduité.
— Une cachette ? Peu probable... L'agresseur aurait dû alors s'y tenir constamment dissimulé, jour et nuit, jusqu'à l'arrivée de Villers qu'il ne pouvait d'ailleurs prévoir pour une date fixée à l'avance...
Et puis, comment ce gardien aurait-il pu se ravitailler sans attirer l'attention ?... Ne manger que des conserves ?... Oui, mais jusqu'à quand ? Et au retour de Samuel Rodofir, comment