La lecture à portée de main
52
pages
Français
Ebooks
Écrit par
Edward Brooker
Publié par
Oxymoron Éditions
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Publié par
Nombre de lectures
0
EAN13
9791070037102
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Mister NOBODY, le gentleman cambrioleur, poursuit ses « vacances » en compagnie de sa belle Évelyne, à Paris.
Un soir, dans une boîte de nuit, alors que Mister NOBODY s’est absenté quelques minutes, un monsieur galant aborde la jeune femme pour lui rendre son gant tombé par mégarde.
Évelyne se laisse séduire par celui qui se présente sous le nom de Victor Burthier et le retour de son compagnon ne semble pas rompre le charme.
Après le départ de l’importun, Mister NOBODY la prévient : « Cet homme me déplaît foncièrement, darling. Vous êtes libre d’agir à votre guise, bien entendu. Puissiez-vous, cependant, ne regretter jamais, un jour, d’avoir dédaigné mes sages conseils. »
Mais Évelyne, à son grand désespoir, va faire fi de la mise en garde !
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EAN13
9791070037102
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
LA FUGUE DE MONSIEUR VICTOR
Par
Edward BROOKER
CHAPITRE PREMIER
M. VICTOR BURTHIER
Cela débuta par un gant, un simple gant en chevreau, qu'Évelyne laissa tomber, par mégarde, alors qu'elle dégustait un délicieux café et croquait de savoureux gâteaux à la crème. Personne n'avait remarqué l'incident, même pas la jeune femme ; mais le hasard voulut qu'un monsieur, jeune encore et très élégant, vînt à passer. Il aperçut le gant à terre, et, en parfait galant homme, se hâta de le ramasser pour le rendre, avec le sourire le plus aimable, à sa propriétaire.
— Ceci vous appartient, sans doute, Madame, dit-il, avec une parfaite courtoisie, tout au moins je le suppose, car je viens de le trouver près de votre table.
Évelyne, un peu étonnée, regarda d'abord son gant, ensuite celui qui le lui tendait. Pour la deuxième fois de sa vie — la première fois, c'était lorsqu'elle avait fait la connaissance de ce beau Magyar, virtuose du violon qui, comme pas un, savait charmer les cœurs — elle ressentit quelque chose de semblable au coup de foudre. L'étranger lui remémorait, d'ailleurs, le tzigane au regard de feu, à la belle prestance. Son air de conquérant, du reste, ne pouvait manquer de faire impression sur n'importe quelle femme, Évelyne y compris.
La scène se passait au « Negresco », la boîte de nuit montmartroise, dont le renom n'est plus à faire. Mister Nobody et Évelyne s'y étaient donné rendez-vous, dans le but d'y passer une agréable soirée. L'aventurier, par malchance, se rendit aux lavabos, laissant sa compagne, seule ; or, on sait qu'il n'est jamais bon d'abandonner une belle femme, ne fût-ce qu'un instant, précepte dont le jeune homme devait se souvenir par la suite, en s'adressant des reproches amers, mais, hélas ! trop tardifs.
L'amie du gentleman-cambrioleur remercia, avec gentillesse, l'inconnu de sa complaisance, puis, ainsi qu'il arrive souvent, en pareil cas, un mot en amenant un autre, ils causèrent tous les deux de choses banales. Mister Nobody, ne revenant toujours pas, l'étranger le remplaça avantageusement, si avantageusement qu'avec la permission de la jeune femme, il s'assit près d'elle « juste pour une minute », prétendait-il. Cependant à cette minute succédèrent de multiples autres et la conversation devint plus intime.
Quel homme de bonne éducation tiendrait compagnie à une dame sans se faire connaître ? Le monsieur très bien se présenta et Évelyne apprit qu'il s'appelait Victor Burthier, était Français, possédait de grosses affaires, un peu partout, en particulier dans le midi de la France, où il se proposait de partir prochainement.
Fait assez curieux, M. Victor parlait l'anglais sans ombre d'accent étranger. Son interlocutrice ne manqua pas de s'en étonner ; il s'empressa de lui expliquer qu'il avait séjourné pendant longtemps en Grande-Bretagne.
Certes, Évelyne se rendait compte qu'elle agissait mal envers Mister Nobody, en acceptant, de façon si légère, les hommages de M. Victor, mais il était déjà trop tard pour y remédier, c'eût été au-dessus de ses forces de renvoyer le gentil garçon, dont les propos la charmaient. Pourquoi le nier, cet homme lui plaisait de plus en plus ; elle avait beau s'en défendre, son charme si prenant et particulier la captivait et elle aurait dû avoir un cœur de pierre pour renoncer à écouter ses belles paroles. Le plus ennuyeux de l'affaire serait le retour de l'aventurier, lequel goûterait fort mal la présence de son rival.
Justement, il revenait ; Évelyne sentit, malgré toute son assurance, son cœur battre à coups redoublés ; les hommes sont si bizarres et jaloux que l'on ne sait jamais sur quel pied danser.
En voyant sa place occupée par un inconnu, le gentleman-cambrioleur fronça les sourcils, se montra assez surpris. Évelyne, en le voyant, afficha son plus gracieux sourire.
— Vous permettez, chéri, que je vous présente monsieur Victor Burthier ? dit-elle, avec nonchalance ; il a eu, tout à l'heure, la complaisance de ramasser et de me rendre mon gant ; pour l'en remercier, j'ai cru bon de l'inviter...
Elle s'arrêta en apercevant la figure renfrognée de son ami, mais le Français ne paraissait pas se rendre compte qu'il était de trop. Se levant, il tendit la main au jeune homme comme s'ils se connaissaient de longue date.
— Vous ne m'en voudrez pas d'avoir tenu compagnie à madame durant votre absence, nous avons bavardé ensemble et, ma foi...
La politesse exigeait que Mister Nobody fît contre mauvaise fortune bon cœur ; d'un ton détaché, il échangea quelques banalités, invita le négociant à rester. Dès le premier coup d'œil, il lui déplut fortement ; la figure de gigolo de M. Victor, son élégance un peu trop voyante, ses cheveux pommadés, son allure de parvenu, tout cela choquait l'aventurier, lequel, cependant, se gardait bien de manifester par un geste ou un mot son vif mécontentement.
M. Victor ne semblait pas se douter de l'aversion de l'Anglais et, avec la volubilité qui caractérise les Méridionaux, continuait à raconter des histoires que le jeune homme ne trouvait pas drôles du tout. N'importe quel homme, fût-ce le moins observateur, aurait vite compris que sa présence était gênante et se serait retiré ; le Français ne semblait pas s'en douter et continuait, avec un toupet déconcertant, à courtiser Évelyne, laquelle, à la grande stupéfaction de son ami, écoutait avec plaisir ses fadaises.
L'orchestre entama un swing à la mode ; aussitôt M. Victor se leva, et, fort courtoisement, demanda à la jeune femme si elle ne lui accorderait pas cette danse. Elle accepta, après avoir sollicité, par un rapide coup d'œil, l'assentiment de Mister Nobody, que celui-ci ne pouvait refuser.
Le négociant entraîna sa belle partenaire sur la piste, l'enlaça tendrement. À son honneur, il faut dire qu'il était un excellent danseur et Évelyne éprouva une joie évidente à se trémousser dans ses bras. Cet homme exerçait sur elle une attirance inexplicable ; elle se sentait comme envoûtée par ses mots et l'attrait de son physique.
— Vous dansez à ravir, Madame, dit le fougueux Français, si vous saviez ce que je ressens en cette minute où je vous tiens serrée contre moi... Hélas ! ajouta-t-il, presque aussitôt, je crains que votre mari ne prenne ombrage de notre récente amitié...
— Ce n'est pas mon mari !
— Comment, s'étonna l'autre, vous n'êtes pas mariée avec ce monsieur que vous m'avez présenté ?
— Non.
— Eh bien ! j'aurais juré le contraire ! Comme on peut se tromper ! Qui est-ce donc ?
— Un ami.
— Un simple ami, alors...
Il n'acheva pas la phrase, mais Évelyne comprit fort bien l'insinuation. Pendant deux minutes, au plus, M. Victor se tut, ruminant sans doute un projet qu'il n'osait pas dévoiler. Prenant, enfin, son courage à deux mains...