Le nœud de Saint-Jacques
136 pages
Français

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Le nœud de Saint-Jacques , livre ebook

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Description

Une menace de pandémie de grippe aviaire plane sur le monde. Des individus semblent vouloir propager le virus H5N1 en France. Malheur à qui voudra s’opposer à ce projet meurtrier. La mystérieuse Li s’y emploie, bientôt aidée par le colonel Laurent O’Neill, chef de la Direction régionale de la sécurité intérieure et ses amis Dennis et Emmy Bernich. A qui peut rapporter la propagation d’une telle maladie ? Un laboratoire de l’INERMA, propriété d’Axelle Ponset, est-il impliqué ? La traque est lancée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 juin 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312003818
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le nœud de Saint-Jacques

Les éditions du net 70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux
B. Coliner
Le nœud de Saint-Jacques
Le vent dispose de nos rêves
Et trace les cartes de la vie,
Ainsi notre voyage s’achève
Au port d’où nous étions partis.

Jean-Jacques BAUMAS.


© Les Éditions du Net, 2012 ISBN : 978-2-312-00367-2
I Jeudi 13 octobre 2005
Tous les jours, après son travail, elle allait sous la cascade tiède qui ne coulait que pendant les quelques mois qui suivaient la saison des pluies. La chaleur intense de la journée autant que la misère qu’elle côtoyait lui collaient à la peau. Longuement, elle se lavait pour en effacer les morsures. Elle aimait cet instant de solitude.
Quand elle regagnait sa case bâtie près du village de Gogoli, son repas était prêt. Fait, invariablement, de riz avec quelques boulettes de viande, elle le partageait avec une dizaine de gosses du village. Ses mômes, qu’elle avait pour la plupart aidés à naître, puis à survivre. Après cela, elle venait s’asseoir sur la pierre nue et laissait son regard dériver vers le soir qui déclinait. Les ombres s’étiraient comme une couverture pendant que le disque orangé s’inclinait lentement vers la dune avant de disparaître dans cet oreiller de sable chaud. Derrière, au loin, s’assoupissaient des villages oubliés, éparpillés jusqu’aux frontières du Burkina-Faso.
Alors s’opérait la magie. Des milliers de rayons argentés s’allumaient dans le ciel et ces petites lumières scintillantes dessinaient un nouveau monde. Du bas de la falaise jusqu’au fin fond de la brousse, un à un les djembés se mettaient à chanter, en écho avec la plainte du « renard pâle » dessinant de ses griffes dans la terre ocre les augures divins que, demain, le sage décrypterait.
Ainsi se transmettaient les peurs, les souffrances et les espoirs que seule la pudeur de la nuit permettait d’exprimer.
Ce soir, les enfants ne jouaient pas comme à l’accoutumée mais elle savait qu’ils étaient-là, assis derrière elle.
Tout n’était que silence.
– Tu me racontes l’histoire de mon nom ?
Ses doigts glissaient dans les cheveux crépus de la tête posée sur ses genoux. L’enfant reniflait doucement et elle sentait quelques larmes couler sur ses genoux.
Lui aussi était triste.

Plusieurs fois elle lui avait parlé de ce peuple arrivé dans l’est du Mali, vers le xiii e siècle au temps de l’Empire Songhaï. Après avoir été chassés d’Égypte – ou après avoir fui les crues dévastatrices du Nil –, les Dogons avaient pris la direction de l’ouest de l’Afrique. D’errances en batailles pour leur survie, à la recherche d’une terre d’asile, leur longue marche s’était achevée au bord de la grande falaise de Bandiagara, à quelques kilomètres de la frontière avec l’actuel Burkina. Comme si cette haute barrière de roche volcanique leur avait signifié le bout de leur voyage, ils s’étaient installés.
La cohabitation de ce peuple d’agriculteurs-éleveurs avec les Télems, chasseurs pygmées, ne fut pas aisée. Mais les Dogons subsistèrent et des Télems ne restent que leurs habitats troglodytiques utilisés dès lors pour enfouir les morts. Car pour un Dogon, enterrer un corps présenterait le risque de souiller la terre si l’âme du défunt était impure. Et la terre c’est la mère nourricière des vivants.
Ces grottes abritent également la vie monastique du Hogon, le chef spirituel du village et gardien de la tradition animiste de son peuple.
– C’est en mémoire de tes origines que t’a été donné le prénom d’Amon. C’était l’un des Dieux vénérés par les égyptiens. Le plus grand de tous puisqu’il est Rê, le soleil, le roi des Dieux.
Le silence retomba.
Elle s’allongea sur le dos, sans lâcher l’enfant qui se recroquevilla sur son ventre. Elle sentit sous son chemisier la tiédeur que la pierre conservait après son exposition à la brûlure du jour. Elle n’eût pas à chercher son repère préféré dans le ciel. La constellation de la Croix du Sud brillait dans ses yeux. Elle se laissa envahir par les odeurs colportées par une brise légère : le thé à la menthe préparé par les hommes, la bière de mil versée dans les calebasses autour d’un feu, la viande grillée et le parfum subtil des fleurs de baobab.
– Li, tu vas partir, n’est-ce pas ?
C’était ça qui le tourmentait et empêchait les autres enfants de rire et de jouer. Elle n’avait rien dit, mais ils savaient.
– Oui.
Il renifla à nouveau. Des murmures voletèrent avant de s’éteindre sur de nouveaux reniflements.
– C’est à cause de la lettre ?
– Oui.
Elle se plaisait à caresser ces boucles épaisses et, plus encore, elle aimait la sensation que lui procurait ce petit être. Parfois, comme en cet instant, il lui semblait qu’il n’était pas sur… mais en elle. À chaque fois, cela rouvrait des plaies jamais bien cicatrisées et ses yeux s’embuèrent.
Dans une autre vie, dans un autre monde elle avait été mère. Mais si peu…
– Tu reviendras, dis ?
– Je suis toujours revenue, non ?
– Tu promets ?
– Oui, je t’en fais le serment.

Le lendemain matin, elle ne verrait pas le soleil se lever au-dessus du petit village. Le taxi-brousse l’attendait déjà, pendant que l’aube peinait à gommer la nuit. Li ferma la porte de sa case faite de banco, mélange de terre et de paille séché. Il n’y avait pas de serrure mais cela n’avait pas d’importance. Quand elle avait hissé son sac sur ses épaules, il ne restait qu’un lit en bambou, une chaise à lanières de plastiques, une petite table et une calebasse qu’elle utilisait pour sa toilette. Elle regarda une fois encore les photos punaisées sur le dos de la porte, déposa un baiser sur ses doigts, caressa le visage figé sur le papier et sortit.
Li leva les yeux vers le plus haut rocher surplombant le village endormi. C’était-là que l’attendrait Amon, chaque jour, jusqu’à son retour.
II Mercredi 19 octobre 2005
Cela faisait près de douze heures que Gorg Vlaziski n’avait pas lâché le volant de son camion. Sans compter les deux heures passées la veille à charger les caisses. Il n’avait pas dormi plus de quatre heures. Et cela durait depuis une semaine.
Il ne sentait presque plus ses doigts et les muscles de ses bras étaient régulièrement secoués de spasmes nerveux. De plus en plus souvent, ces deux dernières heures.
Il fallait qu’il s’arrête pour dormir un peu. Il fallait qu’il mange autre chose que des tranches de pain et du poisson séché. Il fallait qu’il se lave. Il fallait…
Il fallait surtout qu’il arrive avant la fin de la nuit au poste frontière. Tous ceux qui, comme lui, faisaient ce voyage savaient qu’il est plus facile de passer la frontière quand les douaniers baissent la garde et rechignent à sortir de leur guérite pour effectuer le contrôle des marchandises. Il aurait le temps de se reposer en Slovénie, puis de bien manger une fois arrivé en Italie.
Les pneus mordirent l’herbe du bas-côté de la route, faisant hurler les essieux du camion. Gorg Vlaziski sortit de sa torpeur. Des gouttes de sueur lui piquaient les yeux. D’un revers de manche il s’essuya le visage puis, de sa main droite, chercha à tâtons la bouteille thermos tombée entre les deux sièges. La chuqua lui donna un coup de fouet quand le liquide se répandit dans son estomac pour s’infiltrer ensuite dans ses veines. L’alcool de prune enflamma toutes ses chairs, provoquant un nouvel assaut de gouttelettes salées dans ses yeux.
Il connaissait bien les signes de la fatigue et ceux de l’harassement extrême. Dans son village natal, près de Zadar, il avait vu son père s’épuiser au travail. C’était au temps de la Yougoslavie de Tito quand, pour nourrir une famille, il fallait trimer dur. Et chacun y parvenait. Ce n’était pourtant pas le travail qui l’avait tué mais les Serbes durant les combats de 1991.
Gorg Vlaziski avait dès lors dû apprendre à se débrouiller pour gagner l’argent des siens. Il n’avait que 17 ans à l’époque ; il lui semblait en avoir trente de plus aujourd’hui. La Croatie était indépendante et s’apprêtait à entrer dans l’Union Européenne, pourtant, rien n’avait réellement changé pour les gens de sa condition.
Sauf qu’il avait appris à se débrouiller.

Quand son corps se mit à trembler il prit peur. Jamais, auparavant, il n’avait éprouvé ces maux de tête qui percutaient ses tempes telles des vagues sur une digue par temps de tempête. Jamais il n’avait senti cette chaleur qui montait de ses entrailles pour finir par déverser sa lave humide par chacune de ses pores. À présent, sa vue faisait danser les phares sur le goudron tandis qu’un voile blanc s’épaississait devant lui.
Il écrasa la pédale du frein et plaqua ses mains sur son visage sans parvenir à maîtriser le déferlement de frissons qui le parc

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