Le Pacte d Atropos
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Le Pacte d'Atropos , livre ebook

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Description

Le commissaire Jordan ne se doutait pas que l’arrestation de Philippe Humbert, assassin très atypique, serait le prélude à l’affaire la plus extraordinaire de sa longue carrière. Le mobile, qui demeure obstinément mystérieux, est en fait d’une implacable logique. Le Pacte d’Atropos en dénoue une à une les étapes, menant le lecteur de la campagne d’Égypte menée par Bonaparte aux recherches biologiques actuelles sur l’apoptose — mort cellulaire programmée — et à une vaste réflexion sur l’indéfectible lien entre la vie et la mort. Un polar allégorique qui mêle suspense, science, histoire et mythologie. Serge Braun est directeur scientifique de l’AFM-Téléthon et membre de l’Académie nationale de pharmacie. Il a déjà publié Le Syndrome de Babel aux éditions Odile Jacob. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 juin 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738148421
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , JUIN  2019 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4842-1
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Composition numérique réalisée par Facompo
À mon père.
« Un âge s’en va, un autre vient, et la terre subsiste toujours. »
L’Ecclésiaste 1, 4.
23 avril 2019

« Alors, est-ce ainsi que tout cela doit finir ?
» Nos vies seraient-elles aussi prédéterminées que ce train qui m’emporte du centre de Paris vers ma banlieue, en ce soir de semaine ordinaire ? Ne sommes-nous programmés génétiquement que pour naître et mourir quelques décennies plus tard ? Subir le même destin qu’un moucheron, une bactérie, une plante verte ou une souris de laboratoire ?
» Que restera-t-il de nous lorsque la mémoire de notre mémoire sera effacée ?
» Ne serions-nous que des poussières d’étoiles, des assemblages d’atomes destinés à s’associer et se dissocier, pour s’apparier et se séparer à nouveau, régis par des lois physico-chimiques qui nous condamnent à voir le jour, vivre brièvement et disparaître ? Les dizaines de voyageurs, assis dans le wagon du RER avec moi, sont autant d’univers parallèles, secrets et indépendants, isolés en apparence mais emportés dans le même mouvement. »
Les pensées taciturnes gagnent François Jordan, blotti dans sa veste grise contre la fenêtre, près des marches de l’étage supérieur de la rame. Son regard aiguisé de policier toise les autres passagers : « Ces âmes égarées se pensent si distinctes, si uniques. Pourtant leur destin ultime n’est en nul aspect différent du mien, fait d’atomes en mouvement dirigés vers l’oubli. »
Dehors, d’autres voies ferrées défilent. Un peu plus loin, à un rythme lent, les maisons semblent s’éloigner dans un ballet plus gracieux et plus tranquille, interrompu par le surgissement alternatif des poteaux électriques et des arbres aux feuilles naissantes.
Progressivement, la banlieue commence à se clairsemer, découvrant un peu plus le paysage qui se déploie de l’autre côté de la vitre dégoulinante de pluie. La vitesse paraît rythmée par les bogies frappant en saccades lourdes les interstices des voies ferrées.
Alors, est-ce ainsi que tout cela doit finir ?
En cet instant où la phrase s’impose à François Jordan, il a conscience d’être engagé dans un processus inexorable qui le conduit vers la mort, et ce, depuis le premier jour de son existence ; ce que Léonard de Vinci résumait lucidement : « Alors que je croyais apprendre à vivre, j’apprenais à mourir. »
« Je vais donc voir ma vie défiler un jour dans un kaléidoscope de visages familiers ou oubliés, puis le tunnel, la lumière et toutes ces sornettes. »
Même à l’instant de sa mort, son esprit cartésien d’enquêteur lui fera toujours douter de l’immanence divine, à laquelle tant d’âmes impuissantes s’accrochent désespérément. Cette fraction de seconde que le cerveau interprète comme une alarme majeure, où toutes les fonctions vitales sont sur le point de s’effondrer, c’est l’instant critique où l’encéphale éteint tout. Sauf dans cette minuscule zone cérébrale dont l’activité peut perdurer quelques minutes, et qui déclenche le mirage du tunnel et de sa destination lumineuse.
Il sait aussi qu’à cet instant-là, comme dans les rêves, le temps n’ayant plus de prise, une seconde suffit à déployer le mirage d’une vie entière qui défile. Son esprit rationnel lui fera décidément refuser toutes les sensations subjectives, même l’illusion de rejoindre un monde meilleur gouverné par un être supérieur.
*
– François ! Je t’ai déjà dit mille fois que je ne veux pas que tu te promènes dans la maison avec ta tartine ! Tu laisses des miettes partout et c’est encore une fois maman qui devra passer derrière toi !
Le ton agacé de la jeune maman masque à peine la tendresse qu’elle voue à son garnement. François le sent bien, mais il s’exécute sans même un semblant de résistance, et retourne à la table de la cuisine. Et puis, à 9 ans, il ne fait pas le poids. Son père est, quant à lui, resté l’esprit absorbé dans le journal du matin ; les informations ne l’intéressent guère, si ce n’est la nouvelle de la disparition d’une icône.
– Brel est mort, annonce-t-il à sa femme dans un ton grave.
– Oui, répond-elle. Je l’ai entendu à la radio. C’est triste. Son dernier album est si beau et si nostalgique.
– Il savait la mort très proche.
– Papa, il avait quel âge ?
– Oh, il n’était pas vieux : 48 ans.
– Mais pourquoi est-ce qu’il est mort, alors ?
François posait invariablement la même question à chaque fois qu’une personne proche de lui ou mentionnée par son entourage disparaissait. La mort était une notion bizarre pour ce petit bonhomme. Il ne pouvait se résoudre à accepter que dans la vie réelle, sa vie de tous les jours, les humains ne fassent pas comme les personnages qui peuplent ses dessins animés. Il arrive qu’ils meurent certes. Mais par le miracle de leur créateur, ils se relèvent presque aussitôt ou réapparaissent à l’épisode suivant. La mort peut paraître désagréable, mais elle y est décrite comme une simple péripétie, un effet comique ou une petite respiration créatrice, aussi vivante, éphémère et superficielle que ses personnages préférés. Il conçoit ainsi une mort anodine et toujours surpassée par la vie débordante, distillée par les histoires qui parfument ses rêves.
Alors, pourquoi ceux qui défilent dans sa vie réelle meurent-ils définitivement ?
– C’est comme ça, c’est la vie, lui répondait-on. Nous sommes ainsi faits. Nous naissons, nous grandissons, nous vieillissons et un jour, nous disparaissons.
La réponse sibylline implacable et sans alternative ne satisfaisait pas le petit François. Elle engendrait mécaniquement une ribambelle d’autres questions. À commencer par l’âge du défunt. François tentait systématiquement de s’agripper à l’idée que, si l’on doit mourir un jour, c’est nécessairement après une très longue vie, lorsque la mort devient presque une délivrance.
D’où sa question récurrente : « Il avait quel âge ? »
Passé au moins 80 ans, c’était admissible. Toute précocité lui semblait illégitime. Or cette forme d’injustice était évacuée par son père dans un simple « c’est comme ça ».
Mais la mort ne devrait être que tardive pour les humains. Lui, François, ne pouvait accepter de se voir octroyer un passage dans l’existence à peine plus fugace que celui du papillon qui virevoltait de l’autre côté de la fenêtre de la cuisine, et qui ne serait probablement plus là le lendemain. Lui, François, ne pouvait pas mourir. Ou alors qu’après une très, très longue vie. Donc, tous ses semblables ne pouvaient vivre, eux aussi, que très, très vieux. Et toute disparition prématurée devait se justifier d’une explication acceptable, rassurante pour son jeune esprit angoissé et innocent. Devenir adulte n’était pas un jeu d’enfant.
*
Assis dans ce train de banlieue, François a maintenant dépassé l’âge de Brel. Il se souvient pourtant de cette journée de son enfance comme si c’était hier.
– Est-ce vraiment comme cela que tout doit finir ? Est-ce vraiment la fin ?
C’est en tous les cas ce que les yeux de l’homme qu’il a vu mourir aujourd’hui ont semblé lui dire, à cet instant précis où tout s’éteint.
C’était la conclusion de sa dernière enquête. Elle lui avait donné du fil à retordre : des années de tâtonnements qui n’ont dû leur résolution qu’à la compétence obstinée de François Jordan, lui, le commissaire rompu aux enquêtes les plus complexes et les plus tordues. Mais celle qu’il vient de boucler est la plus incroyable, la plus singulière, la plus éprouvante de sa longue carrière. Et le criminel, le plus exceptionnel qu’il lui ait été donné d’affronter. Tout a commencé il y a trois ans…
Trois ans plus tôt, l’étrange affaire

La nuit est tombée depuis longtemps sur les trente-trois hectares de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et ses cinquante bâtiments. Beaucoup d’entre eux portent quatre cents ans d’histoire de la médecine. C’est le berceau de la neurologie de Charcot au XIX e  siècle, et le premier groupe hospitalier en Europe à réaliser une greffe du cœur en 1968. Cet ensemble de bâtiments historiques, initialement un hospice et une prison pour femmes, avait été conçu d’abord pour les indigents, des mendiants, des infirmes, des folles, des prostituées ou des prisonnières de droit commun, que l’on entendait « sortir du paysage mais aussi éduquer ». Aujourd’hui, c’est un groupe hospitalier majeur où des bâtiments modernes cohabitent avec des pavillons classés.
Les lumières scintillantes de cette grande machine endormie témoignent çà et là de la présence humaine. Le temps qui s’est arrêté est venu prendre toute sa place dans les couloirs désertés, aux couleurs effacées par la demi-obscurité. L’impression de vie n’est perceptible que par les conversations feutrées des personnels soignants et les signaux sonores des appareils de contrôles vitaux. On se croirait dans les coursives d’un navire au long cours où chacun opère dans son îlot de travail au service de voyageurs occasionnels. Dans l’une des chambres individuelles est allongé un homme d’une cinquantaine d’années. Il aurait tout l’air d’un individu ordinairement plongé dans un profond sommeil à cette heure tardive, s’il n’était relié à une poche de perfusion suspendue à un trépied.
La porte s’ouvre lentement, sans un bruit, et une silhouette se glisse furtivement dans la pièce silencieuse. L’ombre, vêtue d’une blouse

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