Les FRUITS DU CRIME
132 pages
Français

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Description

Un homme est retrouvé pendu dans l’entrepôt nouvellement construit de son verger à Cap Saint-Ignace. Alors qu’elle se trouve à Rimouski à la suite d’un appel à l’aide de son ex-entraîneur de boxe, Marie est appelée d’urgence sur les lieux. Elle se retrouvera
alors plongée dans une enquête complexe où se mêleront les pommes du Québec et les avocats du Mexique, la distribution de médicaments contrefaits et les opérations de blanchiment d’argent, la lutte entre bandes criminelles rivales pour le contrôle des recettes des fruits du crime.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 juin 2023
Nombre de lectures 9
EAN13 9782898312885
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Prologue
Réginald Mathurin raccompagna les deux visiteurs jusqu’à la sortie. Il les regarda monter dans leur voiture puis s’éloigner. Il verrouilla la porte de son gym puis se dirigea vers son bureau et s’affaissa sur son siège.
La mort de la jeune fille, sa protégée, son plus bel espoir, sa future championne, l’avait dérouté. Elle l’avait plongé dans une profonde tristesse. Apprendre de la bouche des policiers qu’une surdose d’opiacé en était la cause l’avait choqué et bouleversé. Il n’arrivait pas à y croire. En fait, c’était impossible. Il la connaissait bien : sérieuse, studieuse, engagée, déterminée. Elle n’était pas une droguée, il en était convaincu. Il y avait autre chose, il fallait qu’il y ait autre chose. Il pensa à sa famille restée au Sénégal, elle lui en avait souvent parlé. Il s’imagina leur détresse, leur désespoir en apprenant la nouvelle.
Que les policiers venus le visiter aient pu penser, même un instant, qu’il soit impliqué dans un trafic de stupéfiants, qu’on le questionne sur le sujet, l’avait contrarié, choqué même. Jamais, au grand jamais, il n’avait toléré ne fut-ce que la mention de substances illicites dans son gym. Il avait toujours été propre, ses protégés devaient l’être eux aussi.
Les enquêteurs s’étaient montrés agressifs, arrogants même. Ils semblaient mettre en doute sa parole, sa bonne foi. Était-ce encore dû à la couleur de sa peau ? Depuis plus de soixante ans, il avait collectionné les remarques. Dès le primaire, il avait fait l’expérience des mots qui blessent. Plus tard, alors qu’il vivait dans la grande ville, aux premiers temps de sa carrière d’amateur, lui, un boxeur, avait souvent vécu des situations de profilage. Il ne comptait plus le nombre de fois où on l’avait interpelé sans raison, où on l’avait questionné, où on avait mis en doute sa parole. Il n’avait jamais pu s’y habituer, n’avait jamais accepté ce racisme insidieux et sournois, un feu couvant, un virus qu’on refusait de traiter, un bacille contre lequel aucun vaccin n’avait encore été développé. En soixante ans, les choses avaient finalement bien peu changé.
Il regarda l’appareil posé sur son bureau, un téléphone fixe comme on les appelait maintenant. Il n’avait jamais voulu d’un mobile. Il aimait trop la liberté pour s’embarrasser d’une laisse, même virtuelle. Il saisit le carnet d’adresses qui se trouvait sur son bureau, y chercha un numéro qu’il composa. Elle répondit. Il reconnut la voix, il était au bon endroit. Il hésita une fraction de seconde puis se résolut à formuler l’objet de son appel.
— Marie, j’ai besoin que tu m’aides, lui dit-il en ouverture.


Chapitre 1
Septembre, l’arrière-saison, le fond de l’air qui vire au frais, les jours qui raccourcissent, les récoltes qui s’achèvent : août mûrit les fruits, septembre les cueille.
Elle avait quitté Québec tôt le mardi matin. L’appel reçu la veille l’avait d’abord surprise. Réginald Mathurin, Reggie comme on l’appelait à l’époque, avait été son entraîneur de boxe lorsqu’elle était étudiante au programme de techniques policières au Cégep de Rimouski. Elle avait immédiatement reconnu sa voix. Elle n’avait pas eu de ses nouvelles depuis plusieurs années. Ils avaient pourtant été proches. À l’époque, il était devenu davantage qu’un entraîneur, il était devenu un ami. Ils s’étaient perdus de vue depuis qu’elle avait été promue sergente-détective. Elle non plus n’avait pas fait d’efforts pour garder contact. Elle se fit des reproches. Elle devrait davantage soigner ses amitiés, pensa-t-elle. Mais son travail l’occupait tant.
Elle prit la sortie 610 et emprunta le chemin Sainte-Odile en direction de Rimouski. Au loin, elle pouvait apercevoir le fleuve. Il était ici beaucoup plus large et imposant que chez elle, à Beauport. C’était le même cours d’eau, mais il était, à cette hauteur, devenu une presque-mer : le plus grand estuaire fluvial au monde, avait-elle lu quelque part. Revenir dans cette ville provoquait chez elle une sensation étrange. Elle n’y était pas retournée depuis son départ pour Nicolet. Y remettre aujourd’hui les pieds remuait les souvenirs.
Réginald avait guidé ses premiers pas dans sa carrière de boxe amateur. Il l’avait même conduit jusqu’aux Gants Dorés . Elle éprouvait toujours une grande affection et un énorme respect pour lui. Il ne lui en avait dit que très peu lorsqu’ils s’étaient parlé la veille. Une de ses jeunes protégées était décédée. Une surdose. On le soupçonnait, il n’y était pour rien, il craignait qu’on l’accuse. Il préférait la voir en face à face pour lui en parler en détail. Elle avait d’abord hésité. Les cas de mort par surdose n’étaient pas son champ d’intervention. Réginald avait insisté. L’idée de revoir Rimouski lui avait souri. Elle s’était un peu fait prier, mais elle avait fini par accepter.
Sa banque d’heures supplémentaires était généreusement garnie. Les enquêtes sur les crimes violents étaient parfois complexes et elles exigeaient un lourd investissement en énergie et en temps. Les enquêtes qu’on lui confiait envahissaient totalement sa vie : elles accaparaient tout son temps, consumaient toute son énergie. Elles devenaient des obsessions. Elle ne s’en libérait qu’une fois résolues, qu’une fois le ou les coupables épinglés. Elle ne comptait pas ses heures et ne réclamait pas toutes celles auxquelles elle aurait eu droit ; seulement quelques-unes, ce qui était tout de même considérable. Elle ne les reprenait que rarement. En conséquence, son solde d’heures accumulées était important, trop important aux yeux des patrons.
À la suite de l’appel, elle avait demandé deux jours de congé à son lieutenant. Il les lui avait accordés avec plaisir, avec soulagement même, avait-elle pensé. Le lieutenant, et surtout son commandant, détestaient tous deux les soldes d’heures en banque. Ils étaient maintenant plus gestionnaires que policiers. Ces soldes, s’ils étaient pris en bloc, privaient le service d’une ressource, disaient-ils. Ils pouvaient nécessiter l’ajout d’une personne supplémentaire en remplacement, causer d’interminables négociations avec les postes régionaux pour le déplacement d’un candidat ou entraîner une nomination en affectation temporaire et une charge salariale supplémentaire, grevant ainsi un budget qu’ils qualifiaient toujours d’insuffisant. Règle générale, les gradés n’aiment pas les problèmes, pensait-elle.
Elle écoutait le dernier Charlotte Cardin sur le baladeur branché au système de son RAV 4. Elle emprunta le boulevard de la Rivière puis le boulevard René-Lepage jusqu’à la rue Saint-Germain. Elle croisa l’avenue de la Cathédrale et passa outre l’édifice qui avait été, un temps, le chef-lieu du diocèse, un monument dont le devenir avait soulevé d’acerbes débats dans la communauté. Elle prit à droite sur la rue Sainte-Marie, puis à gauche sur l’avenue Saint-Louis. Elle arrêta la musique.
Rouler en ces lieux fit resurgir en elle le souvenir de ses séances de jogging matinal. Elle était, au tout début de sa formation, une jeune adulte un brin idéaliste, mais résolument déterminée. Elle était aujourd’hui toujours aussi déterminée, mais le temps avait un peu érodé ses idéaux. On ne voit pas le temps passer, songea-t-elle.
Elle aperçut la structure imposante du Cégep. Ses trois campaniles et sa loggia à l’italienne témoignaient de son origine. L’édifice avait abrité le Séminaire, puis le Petit Séminaire de Rimouski. Lorsqu’elle l’avait aperçu pour la première fois, la jeune Pacômienne avait été fortement impressionnée par l’immeuble. Il était, dans son esprit d’alors, beaucoup plus imposant que le Collège Sainte-Anne-de-la-Pocatière qu’elle connaissait bien. Elle avait alors eu, à l’époque, l’impression d’arriver dans une vraie ville et de commencer une nouvelle vie.
Elle pensa un instant se stationner et entrer dans cet édifice où elle avait passé une grande partie de ses journées pendant les trois années de sa formation technique. Mais, pensa-t-elle, les souvenirs déposent souvent une couche de vernis sur des lieux qui sont, en réalité, plutôt banals et ternes. Elle craignit d’être déçue. Elle ne s’arrêta pas.
Elle se retrouva sur la rue Saint-Germain. L’environnement lui était familier. Elle ralentit en passant devant le numéro 110. Le gymnase s’y trouvait toujours. Sur la rue, devant l’édifice, un espace de stationnement vide. Elle se gara, descendit de la voiture, se dirigea vers la porte et la sonda. Elle était déverrouillée, elle entra.
C’est d’abord l’odeur qui la ramena en arrière, une odeur subtile, à peine perceptible. Était-ce l’odeur de l’effort, l’odeur des coups donnés et reçus, celle de la joie et de la douleur, ou celle des produits de désinfection et de nettoyage ?
Visuellement, le décor n’avait pas changé. Le ring, surélevé, tout au centre, avec ses cordages tricolores. Les murs blancs, le plancher bleu, les sacs d’entraînement retenus au plafond par des systèmes de poulies, les chaises empilées dans un coin, l’éclairage cru, comme il y a plus de vingt ans.
Au fond de la pièce, un bureau. Une large fenêtre percée dans le mur permettait d’y apercevoir un homme, bonne carrure, cheveux blancs frisés et courts, peau foncée. Il semblait absorbé dans une lecture. Elle reconnut Réginald. Le temps était passé. Il avait vieilli. Pas étonnant, les années avaient également laissé quelques marques chez elle.
Sentant sans doute une présence étrangère ou ayant entendu un bruit, il leva la tête et regarda vers la salle par la fenêtre. À la vue de la visiteuse, son visage s’éclaira. Il se leva brusquement en affichant un large sourire, sortit prestement du bureau, se dirigea vers elle en tendant les bras et en répétant.
— St-Félix.
Il l’étreignit avec tendresse, la repoussa un peu en lui tenant les épaules et poursuivit.
— Merci d’avoir accepté, merci d’être venue.
Puis s’interrompant un instant pour la regarder de la tête aux pieds, il poursuivit.
— Tu n’as pas changé.
— Qua

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