Les Lilas Blancs
164 pages
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Les Lilas Blancs , livre ebook

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Description

C'est l'histoire d'une descente aux enfers où, paradoxalement, l'humour et la dérision l'emportent devant la férocité du récit.
C'est l'humain qui, déstabilisé par l'excès de sensibilité, sombre dans un tourbillon infernal. Tourbillon au terme duquel une illumination stupéfiante se produira et donnera naissance à une forme de compréhension commune à tous les hommes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 juillet 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332950536
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-95051-2

© Edilivre, 2015
Citation


Celui qui écrit une autobiographie n’est pas responsable de l’interprétation qu’il donne aux événements de son histoire, mais il lui incombe de restituer dans leur stricte vérité les faits tels qu’ils se sont produits, c’est le pur présent qu’il doit destiner au lecteur.
R. Perez
I Retraite du lac Léman
Je me rapproche du lac avec ma sacoche de mort, j’ai la toute-puissance accrochée à l’épaule, rien ni personne ne peut m’empêcher de livrer une nouvelle bataille, la dernière.
Elle finira la campagne commencée depuis vingt-six ans.
Je marche lentement le long de la jetée, je suis d’un calme olympien comme avant chaque combat, ma folie guerrière qui, tout à l’heure encore, me chauffait le sang, le portait à ébullition, transformant mon flot sanguin en coulée de lave, cette folie attisée et vénérée comme idole depuis des lustres, devenue un second moi-même, un jumeau fou qui me suit comme mon ombre, qui envahit mes pensées et boute le feu à ma raison, cette folie ardente s’évanouit brusquement devant l’étendue de mon futur champ de bataille, à la vue du lac.
Comme si l’eau des canards intimidait le brasier dans ma tête, se faisant pompier volontaire pour arroser mes neurones chauffés à blanc.
Mais je ne suis pas naïf, la nature ne fait pas d’ingérence dans les affaires intérieures des badauds, même les plus fous, elle ne fait pas dans l’humanitaire, elle se fout de l’un comme de l’autre.
Il n’en demeure pas moins que ma folie furieuse se dissipe d’un seul coup, elle tombe du haut de sa grandeur et se retrouve pleine de sagesse, allégée, c’est une divagation douce, inoffensive, elle se rassemble et reprend ses esprits à tel point qu’une suspension d’armes s’installe « de facto » sous mon crâne.
C’est tout le paradoxe de cette monomanie guerrière, elle relâche l’extrême tension au moment où je vais peut-être mourir au combat, c’est une folie qui retrouve sa raison à l’approche de la mort, je pourrai donc mourir sain d’esprit, dépouillé de mes maladies.
Ce brusque retour au calme de la pensée est un véritable délice, on a coupé le gaz sous la cocotte-minute.
Désormais je fais face à mes démons intimes, mais sans passion, sans peur, c’est un curieux face-à-face entre moi et moi, une étonnante et inédite sérénité.
Ma paranoïa et ma mégalomanie ont « fait la malle », la malédiction a retiré le couteau sous ma gorge, mon masochisme a « mis les bouts », mes vieux démons ont temporairement déserté mon intérieur, ils sont allés aiguiser leur baïonnette en coulisse.
Je le sais bien, ce calme étrange est des plus précaire mais c’est un répit dont je veux goûter au plus près les doux instants. Moments tragiques et ultimes mais incomparables.
Je m’assieds sur un banc, un peu à la manière d’un chef d’état-major, je pose mon sac rempli de munitions comme si c’était un sabre, entre mes jambes, avec solennité, je mets l’arme aux pieds.
Ce moment est pour moi l’occasion de fermer les yeux, de me tourner vers mon centre et y regarder mon âme. Cette âme qui, depuis un quart de siècle, est comme la toundra des steppes de l’Asie Centrale, froide, inhospitalière, austère, figée dans une espèce de nuit polaire désolée, immobile, funéraire, muette.
Aux confins de cette âme en haillons, tous les six mois déferle le vent de l’arctique, un blizzard suicidaire qui se déchaîne en mon sein pour me rappeler qu’en mon tréfonds la vie est encore présente et qu’il y a quelque chose à tuer, qu’il faut détruire le peu de vie qui demeure encore dans ce qui est presque mort.
Soudain, la musique divine du « Stabat Mater » de Pergolèse, que j’ai interprété avec mon ensemble de musique ancienne, m’emplit de partout, se répand dans l’espace libéré par mes démons.
Œuvre déchirante et magnifique, qui semble implorer ma mère, morte depuis vingt-six ans : « Vois Maman, vois le calvaire de ton fils et prends pitié de moi à l’image de la Vierge du Stabat Mater qui pleure l’Enfant Jésus ».
Puis, les harmonies poignantes de Pergolèse s’estompent et laissent place aux icônes sacrées de mes deux amours terrestres, ma femme et ma fille, douloureuse et terrible apparition en ces moments ultimes mais qui ne me fera pas reculer dans ma mission. La bataille aura bien lieu, c’est une guerre inexorable contre moi-même, une guerre totale qui ne s’achèvera que par ma destruction, c’est pour ce résultat que je dois souffrir encore et toujours.
Brusquement j’agrandis les yeux, quelque chose en moi a décrété la fin de la trêve, c’est le branle-bas de combat, le rassemblement ; on va battre la charge, ma fureur guerrière se rallume.
Je m’empare de mon sac et l’ouvre béant, mon arsenal est là, munitions patiemment collectées depuis des mois. J’ai de quoi me faire sauter la tête avec trois cents milligrammes d’anxiolytiques et une boîte de poison.
Je me jette sur les médicaments, j’avale goulûment les premiers cachets, je suis passé maître dans l’art de les décortiquer, je suis premier prix de virtuosité à cet exercice-là, des années de campagne m’ont fait passer vétéran.
J’engloutis une quantité astronomique de ces engins, enfin j’attaque le poison, mais là, problème, mon artillerie est inopérante. Le charbon mortel prend feu au moindre contact avec un liquide, le soda met le feu au poison, ça crépite dans ma bouche, je recrache le tout, l’odeur est totalement insoutenable mais je n’en suis pas surpris outre mesure, croit-on qu’un champ de bataille sente la rose ?
Quelques flâneurs qui déambulaient nonchalamment près de ma zone de combat en perdent leur béatitude innocente, ils font demi-tour à gauche toute et, la mine défaite, se replient en désordre.
Eux se souviendront longtemps de leur promenade au bord du lac.
Ils ne savaient pas que c’était la guerre.
J’avale toujours ma munition sans m’interrompre, il faut aller vite avant de perdre « la boule ». Tant que je garde ma conscience, j’engloutis, j’absorbe, j’ingère. Concentré, méticuleux, efficace, les doigts s’activent à la décortication des comprimés de leur gangue d’aluminium : petite pression, libération, récupération, ingestion.
J’avale dix pilules, c’est-à-dire une plaquette, en moins de quinze secondes.
Je suis un ouvrier zélé et un peu jongleur, je m’impressionne moi-même.
Au bout d’un moment, mon regard se brouille, mes mains tremblent, ma concentration s’effiloche, j’essaie toujours d’engloutir ma mitraille mais j’ai perdu ma science, je ne parviens même plus à avaler un cachet sans le casser d’abord, je lâche les plaquettes, je pétouille comme un vrai débutant.
On ne se rend pas compte à quel point il faut toute sa tête pour faire ce que je me fais.
La bataille se poursuit et entre dans sa seconde phase, ma conscience s’évapore au gré de la chimie ingérée.
Subitement, je regarde le lac et suis frappé par cette vision : « C’est la Bérézina ! Les canards, là, devant moi, ce sont des cosaques, et ces autres poules d’eau, des dragons à pied ».
Napoléon n’est pas loin, je sens son aura et il me commande de « charger à fond ».
Je me lève d’un bond et, sans un mot, me précipite dans l’eau froide de la Bérézina du lac Léman pour en découdre avec la soldatesque du maréchal Koutouzov.
L’effet de surprise est total. Je vois fuir d’épouvante les cosaques à col-vert et autres poules mouillées qui refluent à tire d’aile dans un grand vacarme, comme s’ils étaient poursuivis par un escadron de chasseurs.
Quant à moi, après ce fait d’armes héroïque, je reste immergé, ruisselant, telle une épave battue par les flots, un succédané humain qui dérive au gré du vent.
L’issue de ma bataille va se jouer ici. Tant que je conserve une once de conscience, je m’éloigne le plus possible de la berge car je n’oublie pas pourquoi je suis dans l’eau jusqu’au cou, c’est pour m’y noyer.
Mais plus le temps passe, plus les vapeurs chimiques médicamenteuses me gagnent le cerveau et plus elles expulsent « Manu militari » tout ce qu’il y a d’humain en moi, ma conscience. Je ne peux plus dire : « Je pense donc je suis », puisque justement je ne pense plus, j’ai perdu ce qu’il y a de plus mystérieux dans l’homme, me voilà ravalé au rang d’animal guidé par son instinct de survie, espèce « d’homo Erectus » débarqué en l’an 2000. Et tout le paradoxe est là, ce sont les médicaments qui en définitive me sauvent la vie, chassant de mon cerveau l’homme suicidaire pour me réduire à mon seul instinct.
« L’Homo Sapiens » veut partir au large, mais la bête, elle, ne veut certainement pas mourir.
Saisi par une peur subite, je me débats contre l’élément liquide qui veut m’engloutir, mais la partie est loin d’être gagnée car je suis transi, engoncé dans mes vêtements et en plus je nage comme un boulet de canon. Ma situation est critique mais il ne faut surtout pas sous-estimer l’instinct de survie, jamais !
En dépit de mon état, ou peut-être grâce à lui, je déploie une énergie colossale pour me rapprocher de la rive, je patauge frénétiquement pour maintenir ma tête hors de l’eau et gagner quelques décimètres de plus. Je suis haletant, les yeux « fous » braqués sur la berge, je redouble d’efforts malgré la fatigue qui me gagne et, dans un ultime sursaut, je parviens à regagner le bord, je m’agrippe à un rocher, je suis anéanti par l’effort, je tremble de partout, mais enfin l’animal chevillé en moi est toujours en vie, ou presque.
J’entame à ce moment la dernière phase de ma bataille, mêlée perdue puisque je ne suis pas mort, dernière étape effroyable qui m’attend, celle de la retraite.
Je m’éloigne de ma Bérézina, chancelant, vaincu.
J’ai encore le réflexe de me saisir de mon sac de guerre, symbole de ma toute-puissance.

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