Les tarots de la mort
46 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
46 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Un Pacte lie, depuis quarante ans, cinq membres éminents de la Société, chacun représenté par un des Arcanes majeurs du Tarot.


Lorsque leur chef les convie à passer les fêtes de fin d’années dans un chalet perdu dans les montagnes pyrénéennes, aucun ne se défausse.


Mais quand la tempête sévit et qu’ils se retrouvent bloqués dans la demeure, loin de tout secours possible, le jeu de cartes auquel ils doivent leur « nom » se transforme rapidement en pouilleux massacreur...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 12
EAN13 9791070033807
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES TAROTS DE LA MORT

Par
Jean d’AUFFARGIS
CHAPITRE PREMIER
L'Étoile, La Justice, Le Diable, Le Soleil, La Mort
 
L'ombre demeura quelques secondes immobile, comme si elle écoutait attentivement. L'obscurité était complète.
Du boulevard tranquille s'éleva l'appel d'un klaxon. Alors l'ombre repoussa doucement le battant de la porte et alluma une lampe électrique dont l'étroit faisceau blanchâtre fit le tour de la pièce. Dans la demi-obscurité, l'ombre avisa le cadre gris des fenêtres dont les doubles rideaux n'avaient pas été tirés. Elle éteignit sa torche aussitôt et se déplaça dans cette direction. Non sans avoir tâtonné, la main saisit une corde coulissante et, lentement, actionna la fermeture. La même opération se répéta deux fois. Assuré que rien ne pouvait désormais le trahir à l'extérieur, l'inconnu pressa du doigt le bouton d'une lampe à abat-jour dont il avait repéré la présence sur une sorte de tabouret vénitien et sa silhouette parut démesurément étirée par la lumière qui lui venait d'en bas. L'homme portait un manteau noir dont la coupe défiait toute critique, un foulard blanc, un feutre rabattu sur les yeux et des escarpins vernis. À un mouvement qu'il fit pour prendre dans sa poche un outil luisant, on eût pu voir apparaître le revers de soie d'un smoking. Cet énigmatique compagnon de la nuit sortait sans doute de quelque soirée. Ses mains étaient finement gantées, mais cela ne sembla pas le moins du monde le gêner pour se livrer à une inspection minutieuse des merveilles qu'un collectionneur fort riche et du goût le plus sûr, avait seul pu réunir dans ce musée.
Pas une des pièces, que caressait de ses mains gantées l'inconnu, qui n'eut près de quatre siècles d'âge et qui ne fut italienne, depuis la tapisserie florentine du fond jusqu'à cette armoire de Sabin placée entre deux fenêtres et sur laquelle deux bustes signés Donatello paraissaient narguer l'étrange visiteur. Et quels chefs-d'œuvre aussi que ces aiguières, ces reliquaires, ces crosses et cinquante bibelots artistement ouvragés qui se laissaient voir sous la vitrine du centre. Et ces deux plats émaillés par Palissy et cette armure unique, incrustée de pierreries que porta, dit-on, Cosme de Médicis, ces épées, ces statuettes, ces meubles milanais !...
L'homme allait et venait, attardant ses doigts sur une moulure patinée, ou bien les promenant sur le dessin d'une tapisserie. C'était, on le sentait, un connaisseur passionné de ces trésors. Cependant, tout en admirant, il ne se départait pas de sa vigilance et prenait bien garde de remettre chaque chose à sa place. L'outil nickelé que sa main n'avait pas lâché lui servait à ouvrir les vitrines. Il opérait prestement, avec une habileté qui dénotait une longue pratique.
Soudain, il parut apercevoir ce qu'il était venu chercher. Il se trouvait alors devant une espèce de lutrin tournant qui montrait sur ses faces une admirable série de cartes de tarot enluminées par un élève de Van Dyck pour le duc de Padoue.
Assurément, c'était une collection unique en son genre, bien que, hélas ! le jeu fut loin d'être complet – vingt-quatre cartes sur soixante-dix-huit. – L'artiste avait su rendre en peintures heureuses les arcanes majeurs de la magie sacerdotale : le Monde, le Jugement, le Soleil, la Lune, l' Étoile, la Foudre, le Diable…
Chose curieuse, mais l'homme n'accorda qu'une attention rapide à ces chefs-d'œuvre miniatures que la marque du temps avait respectés. Le lutrin l'intéressait davantage et même après l'avoir considéré sous tous ses aspects, il le déplaça découvrant ainsi un petit socle de bois ouvragé dont l'inconnu, après quelques essais infructueux, réussit à faire jouer une sorte de tirette. Une lueur brilla dans ses yeux lorsque sa main ramena un jeu de cartes épais et rectangulaire.
Dix minutes plus tard, toute trace de son passage effacée, l'homme en pardessus noir et en smoking montait dans une voiture en stationnement boulevard Saint-Germain.
— Vous avez réussi patron ? demanda familièrement le chauffeur.
Théodore Rouma sourit. Il venait de cambrioler l'hôtel du professeur Lamazure et, entre cent pièces de prix, son choix s'était porté sur un jeu de tarot qui valait bien deux louis et un vieux bouquin pris sur le rayon d'une bibliothèque.
 
* * *
 
Le conseiller d'État Herbert de Prévostel et Maître Jean Gosselin, remirent du même geste les deux cartons dans leur portefeuille.
Le train s'essoufflait sur une rude pente dans un paysage de neige.
— L' Étoile… dit le conseiller d'un air rêveur.
C'était un sexagénaire frileux, tout en os, le visage parcheminé.
— La Justice… fit comme en écho, Jean Gosselin, avocat à la Cour, sensiblement du même âge que son compagnon, mais la voix chaude et la tête ronde et tout auréolée de cheveux soyeux encore blonds qui dénotaient l'excellence de son foie.
— Près de quarante ans déjà, reprit-il dans un soupir d'homme heureux. Il faut convenir, mon cher Herbert, que la vie ne nous a pas trop mal traités et que les résultats obtenus de cette bizarre association, renouvelée de l' Histoire des Treize de Balzac, nous ont été profitables.
Ils se turent, tirant, dans le silence religieux du compartiment de première classe, des bouffées de leur cigare.
Le train approchait de Prades, où la voiture de Lamazure les attendait certainement. Dix-huit kilomètres avant d'atteindre la Zingara, perchée comme un nid d'aigle, face au Canigou.
— Ce pauvre Claude, émit doucement le conseiller, en étirant ses longues jambes. C'est extraordinaire ce culte que Lamazure, après tant d'hivers, a conservé à une amourette de ses vingt-cinq ans. Dieu sait cependant si elle lui « en fit porter » la sombre gitane ramassée je ne sais où en Italie, quand notre Claude, ayant brillamment passé sa thèse, prit là-bas quelques mois de repos.
— C'était, fichtre, un beau brin de fille, quoiqu'assez garce, la Zingara !
— Garce, c'est peut-être beaucoup dire, rectifia le conseiller, une lueur indéfinissable dans le regard. Mais comment n'aurait-elle pas réagi selon ses origines et son sang au tumulte de notre vie parisienne ? Cela ne fait rien, je n'ai jamais pu m'expliquer tout à fait ce suicide, une nuit de réveillon. Se jeter comme ça dans la Seine, brou !...
— Mélancolie, cafard… repartit avec insouciance l'avocat. Nostalgie...

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents