Madame Paterson aime le Silence , livre ebook

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Jim PATERSON alias « Mister Silence » et sa douce Betty rentrent en avion à New York, via Los Angeles.


Mais, en plein vol, les moteurs ont des ratés et l’appareil est obligé d’atterrir sur une petite île sur laquelle le couple est promptement accueilli par un Grec qui le conduit chez lui.


À peine installé devant un verre, le téléphone retentit : un correspondant demande Jim PATERSON pour lui proposer de le rejoindre non loin afin de lui expliquer comment et pour quelles raisons il a provoqué la panne du long-courrier.


Jim PATERSON se précipite à l’endroit indiqué et, sur place, constate que son interlocuteur n’est autre que celui qui l’avait enterré dans le désert pour qu’il y soit dévoré par les fourmis rouges...

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EAN13

9791070038420

Langue

Français

- 4 -

MADAME PATERSON
AIME LE SILENCE

Récit policier
CHAPITRE PREMIER
 
L'avion ronronnait bien tranquillement au-dessus du Pacifique et, dans la cabine, on entendait tout juste le lointain ronflement de l'hélice la plus proche, en berceuse. Il était dix-neuf heures et l'hôtesse de l'air commençait à servir les apéritifs de rigueur. Betty lisait un magazine, tandis que Jim fumait doucettement, bien allongé dans son fauteuil, la nuque appuyée sur les coussins du dossier, les yeux mi-clos. Il pensait à cette maison qu'il achèterait un jour en Californie pour faire l'élevage des poules.
Grill avait eu beau lui dire que c'était une blague, cette idée. Il n'en était pas tellement sûr (1) . Parce qu'il se persuadait qu'il finirait bien par en avoir assez de donner des coups et d'en recevoir. Il n'avait plus tellement envie de continuer, déjà.
Dans quelques heures, vers minuit, le clipper se poserait à Los Angeles et, de là, un autre avion décollerait pour New York, où il se poserait à l'aube. Le voyage serait terminé. Jim rendrait compte de son temps et de son emploi au F.B.I. et, cette fois, il y était bien décidé, demanderait un congé de deux ans, histoire de voir s'il réussirait dans la peau d'un rentier.
L'hôtesse de l'air était jolie comme un cœur et Jim lui sourit, candide. Betty aussi était jolie. Mais ça n'était pas la même chose. Betty, c'était un peu comme le bon Dieu lui-même, à son avis. Il n'est pas interdit de penser aux anges de temps à autre, même quand on aime le bon Dieu.
Paterson en était là dans ses réflexions quand on lui apporta le double dry Martini qu'il avait commandé. Il en but une gorgée et alluma un cigare.
Au fond, cette histoire à dormir debout qui avait failli tourner au vinaigre à Durban s'était bien terminée. Le F.B.I. serait content. Lui, il l'était déjà. Un peu comme lorsque l'on fait le point et que l'on se félicite de s'être tiré les pattes d'une sale combinaison (2) .
Betty vida la coupe de champagne qu'elle avait fait déposer devant elle et regarda Jim :
—  Hello, chéri... on rêve ?
— Oui !... grogna Paterson.
Il avait horreur d'être dérangé quand il méditait. Même par Betty.
— Je rêve que j'ai des ailes dans le dos et que c'est rudement plus sûr qu'un engin comme celui qui nous transporte ! reprit-il.
— Pressentiment fâcheux, Jim ?
Il fit une grimace et considéra sa femme, interdit :
— Dans le fond, c'est peut-être un peu ça. Tu ne trouves pas que tout va trop bien pour que ça dure, Bet ?
— Ma foi, je m'en trouve très bien ! Je ne demande pas un changement de programme !
Paterson liquida son verre et appela la barmaid d'un geste, pour qu'elle remît ça.
— À propos, Betty, murmura-t-il, est-ce que tu réalises que le Pacifique est une grande tasse, dont le fond est situé à près de six milles de la surface ? Et que nous volons à deux milles au-dessus de cette surface ? Ce qui revient à dire, qu'au cas où nous aurions envie de faire une balade à pied, il faudrait drôlement se manier pour toucher le fond !
Betty haussa les sourcils et ne répondit pas. Le rythme profond des moteurs venait de se modifier. Une résonnance nouvelle, qui prouvait que les moteurs ne tournaient plus de la même façon.
— Je te l'avais bien dit ! soupira Paterson, en se redressant doucement sur son siège. Voilà que ça se corse !
Il jeta un regard vers la mer. On survolait cette partie du Pacifique, assez moche en soi, située entre l'Équateur et le Tropique du Cancer, entre le 180° et le 150° degré de longitude ouest, ce qui signifie qu'il n'y avait pas tellement de terre à se baigner les rocs dans le secteur. Tout au plus apercevait-on déjà, vers l'avant de l'avion, la masse grisâtre des Hawaï, et encore il fallait bien regarder, avec les yeux en face des trous, très juste.
Paterson se laissa retomber dans son fauteuil et remercia la barmaid qui venait de déposer son deuxième Martini dry devant lui. La main de la petite tremblait un peu. Paterson fixa la jeune femme :
— Pépin ? dit-il à mi-voix.
— Oh... non... Monsieur ! balbutia-t-elle.
Elle était bien stylée et elle savait que, même quand tout le fourniment se déglingue dans l'atmosphère, il faut éviter d'en convenir, surtout devant les passagers.
Paterson haussa les épaules et ne répliqua pas. Question bagages, il ne perdrait rien dans l'aventure. Betty non plus. Mais il tenait à conserver l'emballage qu'il portait sur ses os depuis sa naissance. Il y tenait encore assez.
Il se leva et alla flâner du côté du poste de pilotage. Par la vitre de la porte, il vit les deux pilotes penchés en avant, discutant avec le chef mécanicien qui ressortait de l'aile droite, par la trappe ad hoc. Il faisait plutôt une tête de constipé, le gars, et manifestement, il n'était pas tellement rassuré.
Juste à ce moment, un moulin cessa tout net de tourner. L'avion parut s'alourdir à tribord et le premier pilote le redressa vivement d'un coup de manche bien appliqué. Paterson secoua la cendre de sa cigarette et se gratta le menton. Les autres lorgnaient les Hawaï à travers le pare-brise et il était évident qu'ils avaient une sacrée envie d'aller y faire un tour, s'ils en avaient le temps. Tout bien pesé, c'était possible, parce que, maintenant, le contour d'une île se détachait nettement sous les plans. Dans un petit quart d'heure, avec un peu de chance et si la carafe n'était pas trop rosse, on pourrait se poser plus ou moins bien sur ce mouchoir de poche.
L'avion vira doucement, à plat, et Paterson distingua sur le plateau volcanique de l'île, un terrain balisé, avec un grand cercle au milieu, barré d'un trait bleu. C'était un terrain de secours de la ligne ou quelque chose comme ça. C'était encore de la veine.
Jim revint près de Betty et lui expliqua en quelques mots ce qu'il en pensait. Betty ajusta tranquillement sa ceinture et lui sourit. Cette femme-là, elle se serait jetée au feu avec le sourire, pourvu que Jim passe devant en lui assurant que ça ne la rôtirait pas d'un poil !
Juste à ce moment, le haut-parleur du bord invita les passagers à se préparer à l'atterrissage, parce que l'appareil allait faire escale avant la nuit.
C'était bien dit et tout le monde encaissa le laïus sans broncher comme la chose la plus naturelle du monde. Il y en avait qui ne connaissaient pas le nom des escales et qui s'imaginaient que celle-là était prévue.
L'appareil fit un passage à faible altitude, et plouf, les moteurs calèrent avec un ensemble touchant, au moment où le pilote l'ayant remis en ligne prenait son terrain. Le gros engin s'enfonça lentement et quelque vingt secondes plus tard les roues du train touchaient le sol. Sans trop de mal. On roula sur la piste pour aller s'arrêter près d'un ancien hangar en tôles plutôt rouillées et absolument vide.
On sauta à terre et on se regarda. Le chef de bord précisa qu'il y avait eu un incident technique et qu'on passerait la nuit dans ce coin-là, pour repartir le lendemain quand on aurait trouvé ce qui n'allait pas. Probable qu'il y avait de l'eau dans le gaz et que personne ne s'en était aperçu, plutôt. Mais qu'il ne fallait pas s'inquiéter.
Il y avait déjà des voitures qui rappliquaient à toute vitesse et il y eut bientôt de la place pour tout le monde. On logerait chez l'habitant parce qu'il n'y avait pas d'hôtel dans le coin. On n'était pas à Honolulu, mais comme qui dirait dans une succursale où le confort n'était pas tellement en vogue.
L'hôtesse de l'air donna ces précisions vaseuses quand les passagers eurent fini de s'entasser dans les véhicules, en refermant gentiment les portières. Elle faisait une drôle de tête quand même, et Paterson se dit que le Clipper l'avait échappé belle, avec tous les passagers et les gars de l'équipage.
Il cessa d'y songer pour examiner le zèbre qui l'avait pris en charge avec Betty dans une vieille Ford qui datait au moins du premier des Rockefeller. C'était un gros bonhomme adipeux, avec des bajoues énormes et un cou de taureau. Le genre huileux qui fond au moindre mouvement et souffle comme un phoque.
— Je m'appelle Galapopoulos ! précisa le type en se retournant pour saluer aimablement.
Il faillit bigorner un poteau sur le côté de la route et redressa in extremis...

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