Moi, L., pilote et dépressif , livre ebook

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Un jeune rêve son avenir de pilote et le voit s'écrouler ; une famille heureuse est détruite : Kévin change de vie après le drame, où sa femme enceinte et sa fille ont trouvé la mort... Suite à un crash aérien, des vies, des histoires s'entrecroisent, malheur et bonheur, vie et mort se côtoient. Des victimes se rejoignent dans l'existence faite d'espoirs, bonheurs, souffrances, déceptions et fins inévitables. Des valeurs s'opposent : liberté, courage, pureté et illusions, confusion, perte de repères. Des différentes sortes d'amour apparaissent, des personnalités et des situations emblématiques sont ainsi mises en évidence, voire interrogées. Vie et mort, nature et ville, créativité individuelle et banalité du quotidien, sens et non-sens se trouvent face à face et se révèlent d'autant plus qu'ils s'opposent. D'autres horizons s'ouvrent... et la fin peut être belle... pour certains. Une histoire d'actualité, un fait divers tragique, est aussi une histoire universelle et éternelle : voilà le double contexte de ce roman qui s'inspire du crash récent d'un A320 pour resituer les événements dans un sens plus large, symbolique de problématiques sous-jacentes. C'est une question de compréhension, de connaissances, de profondeur, de philosophie de la vie qu'aborde avant tout l'auteur : car il ne suffit plus de cellule psychologique, il faut un sens. Audacieux et troublant.

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Date de parution

09 octobre 2015

Nombre de lectures

0

EAN13

9782342042917

Langue

Français

Moi, L., pilote et dépressif
Maria T Carlevaris
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Moi, L., pilote et dépressif
 
 
 
 
Chapitre I. Pilote et enragé
 
 
 
Je cours. Je cours pour échapper à mes démons. Je cours parce que mon psychiatre m’a dit que c’est bon pour mon moral (« ça fait secréter des endorphines, a-t-il dit, les hormones du bonheur »). La sueur coule dans mes yeux : ça pique. Je ne sens pas l’effet des endorphines. Ah, si, il paraît que ça vient après.
Je cours. Lèvres serrées, poings serrés, car je n’aime pas courir. Je le fais pour m’entretenir, pour fuir mes pensées. Et pourtant elles me poursuivent. Mes yeux ne voient rien autour de moi : je regarde et je ne vois pas mon avenir. Je pense : « Quand je serai commandant pilote long courrier… » et puis tout s’évanouit.
Je ne vois pas clair, je ne vois pas mon avenir Pour le moment je lutte contre cette sensation de vide, d’absurde, d’incapacité. Pourtant je suis capable, tout le monde l’a dit. Pourquoi suis-je le seul à ne pas avoir assez de confiance en moi ? C’est mon défi : je dois le réussir ou je meurs.
C’est ça. Trop de pression. Je me mets trop de pression Mon rêve est tellement vital pour moi qu’il me paraît inatteignable. J’aime mes parents : depuis petit je leur ai dit que je veux devenir pilote commandant de bord long courrier : je ne veux pas les décevoir. Mais surtout moi, ne pas me décevoir, ou rien ne vaudra plus. Rien. Même pas le bébé qui pointe dans le ventre de sa mère, mon bébé. Je ne ressens rien pour lui. Trop immatériel encore. Et puis, je ne veux pas d’un bébé qui n’ait pas un père admirable. Voilà. Admirable. J’ai tout fait pour l’être. Je savais piloter dès l’adolescence. Je connais tout, tout de la technique. Pourquoi n’ai-je pas confiance en moi ? Qu’est-ce qui me ronge ?
 
J’en ai parlé à mon psy : « Trop de pression » m’a-t-il dit « Vous vous mettez trop de pression. Lâchez prise ! » On a tenté la sophrologie : rien. Je fais du yoga, de la relaxation, mais mon cerveau continue à travailler autour de mon projet. Je n’arrive pas à « lâcher-prise ». Je ne veux pas, probablement. C’est MA vie, la seule, unique que je puisse envisager. Tout le reste m’est égal.
Katrin l’avait compris : elle aussi m’était égale. Amour, passion… : je ne connais que l’envie d’une présence consolatrice, rassurante à mes côtés, que la pulsion érotique naturelle.
Je n’ai qu’une vraie passion, une seule. Piloter un long courrier, être commandant de bord.
Depuis longtemps je fais des crises de panique : je me recroqueville dans mon lit, tremblant : le mal au ventre marque le début de la crise. Je cours aux toilettes, je me vide, replié sur moi-même. J’avale un anti-diarrhéique, un antispasmodique pour les intestins et je retourne me coucher, gelé. J’ai froid. Je tremble. Quand ça commence, ça dure quelques jours et je ne peux plus sortir, je souffre d’agoraphobie. Je voudrais que personne ne me voie dans cet état et en même temps je voudrais une présence consolatrice, rassurante, qui me réchauffe.
Je cache tout cela à mes parents : ils s’inquiéteraient trop. Je suis un homme maintenant, j’ai mon appartement, j’ai une copine. Fini papa-maman. Pourtant je voudrais ma mère, la seule qui pourrait me rassurer, me consoler, me soigner. Elle ne me juge pas. Déjà adolescent, j’avais des idées suicidaires. Qu’est-ce qui se passe dans le cerveau d’une personne qui a de telles pensées ? Les neurones ne fonctionnent pas correctement, c’est clair.
Katrin se pose des questions, quel homme suis-je ? Suis-je assez fiable pour construire une famille ? qu’en pense-t-elle ? On ne peut pas s’appuyer sur moi. C’est moi qui ai besoin d’appui.
Maria, mon ex, me disait que je faisais des cauchemars et que je criais en sueurs : « On tombe, on tombe ! ». Ça la perturbait. Elle avait peur à chaque fois que je partais.
Je m’en souviens. C’est un rêve récurrent : je tombe dans le vide, je tombe à l’infini, c’est flippant. Je n’ai rien qui me soutient, rien à quoi m’agripper.
Katrin aussi est préoccupée par mes rêves, par mes cauchemars, mais elle s’y est habituée : je parle souvent à voix haute dans mon sommeil, dans une langue incompréhensible, mais toujours avec une expression angoissée de combat, les traits tirés, enragés (dit-elle), la sueur coulant sur le visage et la poitrine. Je me réveille trempé. Parfois je me débats contre un ennemi invisible et je hurle : « Non, non ! ». Je tremble. J’ai peur. Je stresse Katrin. C’est pour ça qu’elle a quitté l’appartement pour « quelques temps » car, disait-elle, il y avait trop de tension avec moi. Elle avait besoin de repos. De nuits calmes. De toute façon elle n’est pas importante. Rien ne l’est en fait, avant la réalisation de mon rêve.
Le décor de notre appartement est banal, standard : meubles noirs, bibliothèque semi-vide, quelques bibelots de Katrin, insignifiants, du parquet moderne, un salon en cuir noir, une télé…
Je ne l’aime pas. On est allé au plus simple, au plus courant. Aucune originalité. Aucune chaleur.
Il est pratique, minimaliste. Une chambre est vide : pour les invités ou un futur enfant.
J’ai mis aux murs quelques tableaux d’avions.
Maintenant Katrin attend un bébé. Ça fait moins d’un an qu’on habite ensemble, même si l’on se connaît depuis le lycée. Le bébé est venu par hasard et on l’a gardé. Ça me met encore plus la pression. Je n’étais pas prêt à devenir père. Je voulais régler mes problèmes avant.
 
Elle, en revanche, est comme dans un nuage : elle se caresse le ventre, contente. Je n’aime pas ça. Je fuis. Je vais courir. Quel père aurait-il ? Un dépressif, un lâche, un assistant pilote d’une compagnie low-cost ? Ce n’est pas comme ça que je veux que mon fils ou ma fille me considère. Il ou elle doit m’admirer. C’est trop tôt pour un bébé. Mais elle n’a pas voulu avorter, elle était choquée de mon idée. Je lui ai dit que nous n’étions pas prêts à être parents.
— Pourquoi ? m’a-t-elle demandé étonnée.
Les femmes sont toujours partantes pour ce genre d’événement : c’est à cause de leurs hormones qui se propagent à l’occasion d’une grossesse et les font sentir « accomplies », heureuses, et de leur programmation génétique vouée à la perpétuation de l’espèce. Ce qui n’était pas mon cas. Je suis lucide, sans illusions.
— Tu n’es pas prêt, peut-être, mais moi, si.
Ses grands yeux bleus égrainés sur moi étaient une accusation :
— N’es-tu pas un homme, à 28 ans ? Incapable d’être père ?
Voilà les grands mots. Banales, normalisés, prévisibles.
Elle, était toute prévisible. Ça m’agaçait. Toutes les personnes prévisibles m’agacent.
Je n’ai pas répondu. J’ai baissé mon regard. Il n’y avait rien à dire. Nous étions trop éloignés l’un de l’autre, trop différents.
Elle ne sait pas comment je souffre de ne pas me sentir à la hauteur de mes ambitions, de manquer d’estime et de confiance en moi. Pourquoi ne suis-je pas comme tout le monde ? Simple, sans trop d’ambition ? de toute façon, ce n’est pas ce que je désire.
 
Katrin est maîtresse d’école. Ça lui convient. Elle dit qu’ainsi elle a du temps libre, plus de vacances. Pour quoi faire ? Pour s’occuper du bébé. Moi, non. Nous n’avons pas la même vision des choses. Tout ce qui compte dans mon univers est le travail acharné pour réaliser un rêve que je nourris depuis l’enfance. La vie m’est égale. Je n’y trouve aucun plaisir. Quel rêve a Katrin ? Aller en vacances, se promener au parc, au restaurant… : c’est quoi, ça, si non une fuite, une perte de temps ? Moi, je ne sens pas le goût des aliments, je m’en fous ; je déteste les gens étendus au soleil à rien foutre, ces promeneurs qui vagabondent sans but… Je les regarde avec étonnement. Je ne les comprends pas. Sont-ils désespérés ou stupides ? Il est compté, le temps, pour tous, pour moi : je dois faire vite, vite !
 
Je cours, je fais du sport parce qu’à la visite médicale annuelle – qui aura lieu en juin – on doit être en forme pour continuer à exercer. C’est utile. Mais tout ce qui n’est pas utile, qui n’a pas un sens, m’ennuie profondément et provoque en moi de la culpabilité.
«  Ripeness is all  » : je me rappelle ce vers de Keats. La maturité, le fait de se ‘sentir prêt’, est l’essentiel. Je ne suis pas mûr pour une vie de famille.
— Tu sais, me dit un jour Katrin, personne n’est jamais vraiment prêt…
… Prêt à quoi ?…
D’où tient-elle ça ? Bien sûr que si, il faut se sentir prêt. Moi je dois me sentir prêt. Alors la tension monte. Dans quatre mois je vais être prêt… quatre mois ! Ce n’est pas possible. Je n’y arriverai jamais, à mon rêve, en quatre mois !
 
Je ne vois pas mon avenir. Je n’arrive pas à me l’imaginer, avec ce bébé, avec cette fille, normale, trop normale pour moi. Un couple anodin, une vie banale : non, surtout pas ça !
Katrin a une importance toute relative, dans ma vie, comme le reste. Elle ne m’enthousiasme pas.
 
 
J’ai l’impression, quand je cours, que je vois trouble . Je me dis : c’est l’effort et la sueur qui coule dans les yeux. Je cours. Je cours contre. Je cours vers. Mais je n’y arrive pas. Je me mets en colère. J’ai envie de tout casser : pourquoi ? On dit que les maladies reflètent nos pensées… nos états d’âme…
Katrin me relate mes cauchemars de peur et colère. Il m’arrive de me réveiller en tremblant ; alors je me blottis contre elle : elle me rassure en ces moments-là. C’est sa seule fonction. Pour lui faire plaisir je passe mes mains sur son ventre qui devrait contenir une partie de moi : en fait je ne sens rien, cela m’indiffère, pire, me dépla

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