Morceaux choisis
154 pages
Français

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Description

C'était la partie de son boulot qu'elle aimait le moins. Parfois, elle arrivait pourtant à en tirer un certain plaisir. Remplir des cases, écrire des rapports et organiser l'équipe donnaient l'impression d'avancer à peu de frais. Avancer. C'était ce dont avait besoin la commissaire Savignon. - Quand tu restes trop longtemps sur place, tu stagnes et quand tu stagnes, tu pues. Elle avait parlé à voix haute. Elle jeta un rapide coup d'œil vers la porte de son bureau. Elle l'avait laissée ouverte, elle avait besoin d'entendre les rumeurs du couloir, le fourmillement de son équipe. - Je vous emmerde ! vociféra-t-elle au cas où quelque collaborateur l'ait entendue. Claire Savignon, commissaire de police à Grenoble, aimerait certainement se contenter d'enquêtes classiques : meurtres liés à la mafia ou femmes victimes de maris jaloux. Mais le destin, éternellement joueur et cruel, en a décidé autrement. C'est ainsi que la vie professionnelle et la vie personnelle de Savignon se trouvent une nouvelle fois étroitement mêlées, pour le meilleur et pour le pire. Le lecteur, lui, oscille entre le déroulement de l'enquête et les errements de Savignon avec le même désir d'en connaître les dénouements.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 octobre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342056433
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Morceaux choisis
Véronique Copetti
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Morceaux choisis
 
Mardi 2 novembre
C’était les vacances et il faisait un délicieux temps d’automne.
La pluie se déversait sur la ville depuis trois jours, une pluie lancinante qui pénétrait les âmes des plus faibles pour y répandre un ennui tenace. Beaucoup d’entre elles traînaient devant la télévision à regarder de vieilles séries américaines ou des émissions de pseudo-téléréalité. Mais d’autres, n’en pouvant plus, repues jusqu’à la nausée de la promiscuité familiale, fuyaient leur appartement pour s’évader dans les centres commerciaux.
Celles-là, Audrey Jourdan, un sourire carnassier aux lèvres, les attendait en se frottant les mains car ces âmes nauséeuses dépensaient leur argent sans compter comme s’il leur fallait rattraper le temps qu’elles avaient perdu à se morfondre chez elles.
Le centre commercial fermait dans un quart d’heure et les acheteurs potentiels s’étaient nettement raréfiés depuis que la nuit était tombée. L’obscurité les faisait se carapater vers leur foyer avec la même rapidité que des cafards fuyant la lumière.
Audrey estima rapidement la recette de la journée ; sans surprise, les comptes s’annonçaient bons. Elle regarda sa montre, il était vingt heures. Elle se leva – elle était la seule à avoir le droit de s’asseoir et disposait d’un tabouret personnel rembourré et avec dossier – et défroissa sa jupe. Pour travailler, elle s’habillait avec des affaires du magasin, du prêt-à-porter bon marché et souvent de mauvais goût qui drainait pourtant une clientèle abondante.
Elle se dirigea vers l’entrée du magasin et descendit la grille de la vitrine. Puis elle s’adressa à ses employées d’un ton sec :
— Jennifer et Amandine, faites un tour du magasin pour vérifier que tout est en ordre. Vanessa, passe la serpillière, et quand tu auras fini, nettoie les toilettes.
Elle regagna ensuite le comptoir pour consulter en détail les données enregistrées par la caisse. Sa bouche se contracta en une grimace qui ressemblait plus à un rictus qu’à un sourire. Elle attendit que ses employées la rejoignent et elle les fit mariner en faisant une deuxième fois les comptes de la journée.
Elle était à peine plus âgée que les filles et cela la rendait dure, même méchante, de cette méchanceté presque gratuite qu’ont les gens de peu d’intelligence. Elle pensait que le mince écart entre leurs âges devait être compensé par une froideur excessive, que cela rétablissait ainsi l’indispensable distance qu’il devait y avoir entre patron et employés.
Sans lever les yeux de l’écran, elle dit : « Jennifer et Amandine, vous avez fait de bonnes ventes. » Elle laissa passer quelques secondes. « Je suis contente de votre travail. Par contre, Vanessa, tu es à peine à 20 %. »
Le visage inexpressif, elle fixa son employée.
— Tu as une explication à me donner ? demanda-t-elle d’une voix qu’elle essaya de garder neutre malgré son envie d’être cinglante.
La jeune fille baissa la tête, la bouche frémissante.
— Non, murmura-t-elle.
Audrey grimaça.
— Non… madame ! dit-elle en insistant sur le « madame ».
Mais son employée ne réagit pas. Audrey soupira.
— Allez, les filles, vous pouvez rentrer chez vous.
Elle attendit que la porte de service claque. Alors elle ouvrit le tiroir de la caisse enregistreuse. Il y avait peu d’argent. Les clients payaient majoritairement par carte bancaire. Elle le regrettait car, comme tout le monde, elle trompait le fisc et c’était plus facile de détourner des billets que de magouiller les comptes en faisant de fausses écritures. Elle n’était pas très bonne en math.
À l’aide d’un trombone, elle réunit les chèques et fourra le tout dans son sac à main puis elle éteignit la caisse.
La recette de la journée était vraiment bonne.
Elle se leva d’un bond léger et fredonna un vieil air des années 2000.
Ce magasin lui appartenait, ou presque. Elle longea les rayons, laissant sa main glisser sur les vêtements. En tout cas, c’était elle, la patronne, ici. Au deuxième couplet, elle rejoignit les toilettes. Elle marqua une pause et souleva du bout des doigts la lunette des w.-c. L’émail était propre. Pas un poil, pas une trace douteuse.
Elle reprit le morceau qu’elle avait abandonné au refrain et, penchée au-dessus du lavabo, elle vérifia son maquillage dans le miroir ébréché. Elle rajouta un peu de rouge sur ses lèvres. La chanson arrivait à sa fin, elle éteignit les lumières et sortit par la porte de service qu’elle referma à clé avec une pointe de nervosité.
Elle n’aimait pas les coursives en béton brut, mal éclairées et sales à cette heure-ci de la journée. Ces couloirs, réservés aux gens qui travaillaient dans le centre commercial, servaient surtout à acheminer les cartons de marchandises sur des chariots qui avaient toutes les peines à se croiser dans l’étroit passage. Des vigiles y patrouillaient et il fallait justifier de sa présence par un badge délivré par la société qui s’occupait de la sécurité.
Sess l’attendait devant le monte-charge. Elle enfourna dans sa grosse paluche les deux billets de cent. Le colosse se fendit d’un sourire éclatant. Audrey trouvait les dents en or ringard mais ce type devait bien avoir dépassé la cinquantaine, il appartenait à un autre siècle. Elle lui rendit son sourire. Les portes du monte-charge se refermaient et l’ascenseur poussif grinça. L’humidité et la fraîcheur la cueillirent en bas. Elle jeta un rapide coup d’œil autour d’elle et ne vit personne. Soulagée, elle sortit une cigarette de son sac et l’alluma. Elle en savoura le goût et fredonna cette fois-ci le tube en vogue jusqu’à sa voiture. Elle se coula derrière le volant, posa son sac sur le siège du passager avant et tourna la clé de contact. L’horloge sur le tableau de bord affichait 20 heures 34 minutes. À cette heure-ci, il lui fallait à peine dix minutes pour rentrer chez elle. Son regard glissa sur son sac à main et elle tira une longue bouffée de sa cigarette. Ses doigts pianotaient sur le volant. Brusquement elle enchaîna les vitesses et sortit du parking couvert.
La pluie s’abattit sur le pare-brise avec une violence soudaine qui la prit au dépourvu. Elle freina par réflexe, un coup d’œil au rétroviseur lui assura qu’il n’y avait personne derrière elle.
Même avec les essuie-glaces en action, la visibilité restait réduite. Des gerbes d’eau jaillissaient sous les roues des voitures qui traversaient les larges flaques formées aux creux des routes.
Elle roulait lentement, pourtant elle ne vit la gamine qu’au dernier moment. La gosse traversa en courant et elle eut juste le temps de freiner.
Sa voiture s’immobilisa. Son cœur battait à rompre.
*
On repérait leur appartement dès la montée d’escalier, au son de la télé. Allumée en permanence, bloquée sur la chaîne qui diffusait des séries en boucle, elle les suivait dans les trente-cinq mètres carrés de leur T2. Du salon aux toilettes, des toilettes à la salle de bains, de la salle de bains à la chambre, de la chambre à la cuisine, dans n’importe quel ordre, à n’importe quel moment de la journée et de la nuit car ils s’endormaient avec, la télévision distillait les répliques qu’ils connaissaient par cœur.
« Dans cette vie, désormais tu tues ou tu meurs… ou bien tu meurs puis tu tues. »
« Je suis l’agent fédéral Jack Bauer et aujourd’hui est la journée la plus longue de ma vie. »
« Le monde a besoin d’homme mauvais. Nous tenons les autres hommes mauvais à distance. »
Mickael assis sur le canapé, son ordinateur portable posé sur la table basse, ouvrit le carton graisseux que lui avait apporté le livreur quelques minutes plus tôt et s’empara d’une part de pizza. Il la plia en deux et en avala la moitié. Il disputait une partie de World of Warcraft , un épisode de Friends en fond sonore.
—  Dis-moi, je me trompe peut-être mais… j’ai l’impression que tu as un problème avec Janice, toi… articula-t-il en cliquant sur son écran.
Il hésitait entre un raid et un donjon.
—  La fille que je déteste ! Celle qui me rend dingue ! répondit-il à Joey.
Il réfléchissait avec qui il pourrait faire équipe.
—  Oui, je vois… mais je suis fou d’elle maintenant ! Et tu devrais commencer à graver ça en majuscule dans ta tête minuscule ! cria-t-il en refermant son ordinateur.
Il n’arrivait pas à se décider. Il se leva, prit le carton de pizza et le posa sur la table du coin cuisine. Il se servit un grand verre de coca pour faire passer les trois parts qu’il avait déjà englouties.
Il avait pensé aux fleurs. Il avait acheté un bouquet à Grand-Place après avoir déjeuné avec Audrey. Il n’avait commandé que des desserts, il venait de se lever et il n’avait pas très faim. Il avait eu l’impression qu’Audrey lui faisait la gueule. Elle n’avait pris qu’une salade avec un café qu’elle n’avait pas sucré. Ils ne s’étaient pas vus longtemps, elle était toujours pressée pendant sa pause, comme si le magasin ne pouvait pas tourner sans elle.
Il l’avait laissée devant la vitrine, ils ne s’étaient pas embrassés. « Pas là. Jamais », lui avait-elle dit dès la première fois.
Il avait ensuite flâné dans la galerie marchande et s’était acheté une paire de sneakers.
Les fleurs avaient pâti de leur après-midi passé au centre commercial mais Mickaël n’avait pas remarqué les tiges tombantes ni les pétales qui avaient commencé à flétrir.
Il s’approcha de la fenêtre. Il pleuvait toujours. Il hésita puis sortit finalement ses chaussures de la boîte. Il se regarda dans la glace et se trouva clas

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