Muriel broie du noir
144 pages
Français

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Description

« C’est une sensation horrible. Vous êtes en pleine mer, en train de nager, rien autour, à part au loin une île. Cette île, elle va vous sauver. Et vos yeux la scrutent, cette île, entre deux mouvements, elle est à la fois inaccessible et à votre portée. Elle est assez près pour pouvoir en détailler tous les contours, en humer tous les parfums, jusqu’à éprouver la sensation douce de l’atteindre enfin, un sentiment intense et profond, et vous ne pouvez la rejoindre, mais c’est comme si vous étiez déjà dessus. Vous nagez, vous nagez, vous n’en finissez pas de nager, vous poussez, vous avancez. Sauf que l’île est loin, très loin, et plus vous avancez, plus elle s’éloigne, et c’est un combat perdu d’avance. »
Plongée dans les remous d’une enquête, Muriel a le tournis : Comment combattre quand on est son propre ennemi ? Quand vos sentiments, vos émotions, vous entraînent vers des abysses sans retour ?
De quoi filer le bourdon, même à un Agis aguerri. Alors pour Muriel, sensible, au cœur tendre, aucune chance qu’elle en réchappe.
Et si, pour une fois, c’était ce qu’elle voulait ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312077826
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Muriel broie du noir
Pénélope Dugenou
Muriel broie du noir
Les Agis 2
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2020
ISBN : 978-2-312-07782-6
À écouter en lisant ce livre…
L’album « Back to black » d’Amy Winehouse
« Il est mort le soleil »
« Écrire est une thérapie, paraît-il… je dois être sacrément malade alors ! »
Moi-même
À Nadine . Mais pas que.
J’ai attendu, espéré, souffert. J’ai vécu l’enfer. Mais je n’ai pas perdu mon temps. Acceptez , cher ami, d’avoir été ma muse, et ce livre ma catharsis.
Immersion
« C’est mort et ça ne sait pas »
San Antonio
1
Je n’aime pas trop que mon protégé soit une femme, c’est toujours plus compliqué. D’autant plus si elle est morte.
Je n’avais pas eu le temps de passer au bureau, l’appel du Panthéon avait été urgent. Disons même, impérieux. J’avais dû instantanément dédoubler ma personnalité, et m’abandonner en partie en face de l’employé de l’ APEC chargé de m’aider à trouver du travail, et apparaître devant le corps sans vie de ma protégée.
Elle était étendue sur un canapé en tissu clair, bon marché, quoiqu’accueillant. Elle portait une longue robe de soirée noire, dont le tissu soyeux augurait une bonne qualité. Un décolleté plongeant révélait une poitrine mortellement généreuse. Sa tête penchait dangereusement en avant, encore que vu son état, le danger n’avait plus beaucoup de signification pour elle. Je ne captais rien, pas la plus petite trace d’aura autour d’elle. Je m’approchai le plus près possible, son corps était froid. Je frissonnai. Il faisait une chaleur étouffante dans ce petit appartement, et quelques mouches voletaient autour du cadavre. Je remuai les ailes, incommodée, plus psychologiquement qu’autre chose, la mort devait dater d’à peine une poignée d’heures.
Il y a longtemps maintenant que je ne me pose plus de questions sur les desseins de mon employeur direct, mais parfois les voies de l’Entité Suprême sont impénétrables. Pourquoi une morte, que restait-il à sauver ? Je parcourus la pièce où je m’étais matérialisée, autant dire que ce fut rapide, un salon d’une quinzaine de mètres carrés, équipé du minimum vital, un placard, un smartphone et deux tasses à thé posés sur une table basse, un ordinateur sur une console. Un tableau insignifiant au mur, une vue d’une calanque de Marseille , Sugiton , je pensais, au coucher du soleil, les couleurs noires et or, un pin en contre-jour, très japonisant. En face, la porte-fenêtre fermée, donnant sur un balcon suffisamment grand pour accueillir une chaise longue et une petite desserte. Je m’avançai, il était plutôt long, et sur la gauche je pouvais voir un petit coffre et un étendage vide. La vue était dégagée, et donnait sur l’arrière de l’hôtel de ville, et un coin du Vieux-Port.
Je regardai à nouveau la jeune femme étendue, ses longs cheveux noirs, son visage fin, ses bras musclés. Morte , elle était belle. Vivante , elle avait dû en donner des torticolis. Elle portait des escarpins à talons fins, mordorés, que le soleil faisait briller. J’aurais pu approcher mes mains de son corps, en déduire l’heure de sa mort, ce qu’elle avait mangé avant, si elle avait eu un rapport sexuel… non, cela me répugnait. Je m’éloignais un peu, gênée, quand mon regard fut attiré par un autre éclat à terre, sur le parquet. Un bouton de manchette. Je m’approchai, intriguée, jusqu’à loucher dessus. Sur le bouton doré était stylisé un aigle au-dessus d’un nid.
Comment était-elle morte ? Et pourquoi ?
Quelque chose m’attira, une tiède radiation, et j’approchai les mains des tasses de thé. Je ressentis de la chaleur se diffuser doucement sur mes mains, les enveloppant d’une douceur un peu âcre. Ma gorge me picota, j’avançai encore, mes doigts frôlant la céramique ornée d’un motif touristique comique. Oui, les tasses rayonnaient, du moins pour mes sens un peu particuliers. Une tasse était propre, dirais-je même bien nettoyée, ou inutilisée ? Non, je devinais que quelqu’un l’avait prise en main. Que voyais-je, en me concentrant ? Pas grand-chose, des images floues et rapides. L’autre tasse en revanche me racontait une bien plus longue histoire.
La voici ma protégée, dans sa grande robe noire. Et je fus assaillie par ses pensées.
« Je me tenais seule, de dos, contemplant l’imposante bâtisse de couleur ocre, l’esprit fuyant les mondanités, à mille lieues de l’effervescence générale. Mes pensées vagabondaient loin, vers les crêtes montagneuses, caressant la relative fraîcheur de l’alpage, embrassant une nature tranquille, un havre de paix.
Je sentais naître au fond de moi la sérénité triste de l’accomplissement, et la pointe sucrée de désir d’ailleurs. Une lame de fond inexorable, qui pousse de succès en défis, faite de soifs à assouvir et de satisfactions fugaces.
Toujours plus haut, plus vite, encore un tout petit peu plus loin.
Immobile je dédaignais la superficialité, aspirant à retrouver l’authenticité du contact humain, dénué d’arrière-pensée et de vernis social.
Et s’il fallait en passer par cette solitude physique, se perdre dans les majestueux sommets bleutés, laisser errer son regard sur le plateau herbeux ponctué de cabanes grises, qui semblaient posées là par la main capricieuse d’un architecte enfantin ?
Se passer de mots. Vivre le silence.
N’étais-je pas aussi prisonnière, coincée dans une bulle invisible, apercevant mon idéal, mais ne pouvant l’atteindre ? N’était-ce pas là la pire des cruautés, réussir dans mon monde et vouloir vivre dans un autre ? Prendre conscience de l’hermétique barrière telle une loi non écrite “tu ne franchiras point, tu garderas tes chaînes aussi douces et luxueuses soient-elles, et ne t’échapperas jamais.”
Et pourtant en une inspiration la verdeur forte de l’herbe coupée adoucie par la rondeur molle de la mousse des pâturages me parvenait. En tendant l’oreille, j’entendis le chuintement des ruisseaux, douce magie instillée autour des troupeaux polyphoniques. En ouvrant les yeux, l’immensité majestueuse des sommets alpins enveloppait ma poitrine plus efficacement qu’un manteau, et mon cœur se gonfla.
Douloureuse mélancolie m’arrachant un soupir de plus, je me résolus enfin, saisis le bas de ma robe en taffetas, inconsciente des brins d’herbe accrochés au tissu, dernier symbole de mes rêves de nature et de liberté. Et me mis à marcher d’un pas lent, puis de plus en plus assuré, vers le porche. »
Je reculais, saisie par la dualité des sentiments qu’elle éprouvait. Succès et contraintes. Désirs contrariés, et ambition dévorante. Pas de soif de vie, non, juste une hargne désespérée, comme un loup sauvage se cognant aux grilles d’une cage trop petite pour lui.
S’était-elle suicidée ? Possible, mais en compagnie de qui ?
À qui était ce bouton de manchette ? Je me baissai, me demandant si à tout hasard le dessous complice du canapé pourrait être d’une quelconque utilité. Oui , j’aperçus une écharpe, noire brodée de fils d’or. Un bel accessoire sur cette robe. Son sac, où était son sac ? J’en étais là de mes réflexions quand son smartphone vibra. Je regardai l’écran, une certaine Laura appelait. J’aurais pu le saisir, je ne le devais pas, ne pas laisser de traces. C’était irrésistible, il était si facile de deviner le code, en analysant finement la fine couche de graisse déposée en lignes explicites sur l’écran transparent. Si facile, et de glisser un doigt sur le rectangle coloré, un appel, il fallait répondre, non ? Mes doigts exploraient à une distance ridiculement petite l’appareil qui s’était tu. Il avait tant de secrets à me révéler. Pouvais -je en percer les rouages, sans le toucher ? J’avais certes de nombreux pouvoirs, et celui de réagencer les molécules en faisait partie, sauf que ce qui est possible sur un humain, pouvais-je le réaliser sur ce prolongement essentiel de nos personnalités ?
Je tentais une première approche, quand il vibra de nouveau, se déplaçant légèrement. J’en sursautai, manquant de le toucher de peu. Mon fluide le pénétra, d’un coup, et tout un flux de données me traversa aussi rapidement

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