N accusez personne
128 pages
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Description

Le village de Pont-Abbat se prépare à fêter la Tréminou pour célébrer la fin de l’été.


Pour l’occasion, le « Grand Cirque Buffalo Bill » s’installe au centre de l’agglomération.


C’est donc dans l’effervescence que vivront les habitants pendant les prochains jours.


D’autant qu’en plus des réjouissances, deux suicides, ceux du dompteur de fauves récemment débarqué et de l’organiste vont exciter les craintes et les doutes de certains.


Mais, sont-ce réellement des suicides ?


Le commissaire MARS n’en est pas convaincu, intrigué par l’identique message que les suppliciés ont laissé derrière eux : « N’accusez personne »...


Or, le commissaire MARS fait fi des injonctions, même quand elles proviennent des morts...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782385010522
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

AVANT-PROPOS

Le polar terroir a le vent en poupe depuis quelques décennies.
Et, si de nombreuses régions sont concernées par le phénomène, certaines sont mises en avant par l'ampleur de leur production, la ferveur du public ou parce qu'elles ont été précurseurs en la matière.
Parmi celles-ci, comment ne pas penser à la Bretagne qui, l'une des premières, suscita à ce point l'engouement des lecteurs, des auteurs et des éditeurs, que le roman policier breton constituerait presque, désormais, un sous-genre à lui seul.
Mais, certains écrivains n'ont pas attendu cette « mode » pour clamer haut et fort, dans leurs intrigues, tout l'amour qu'ils portaient à leur Terre et à ceux qui la foulent.
Jean-Marie LE LEC (1902-1951) est indéniablement l'un de ceux-ci. Né le 11 octobre à Treffiagat dans le Finistère, Jean-Marie LE LEC a commencé très tôt à prendre la plume pour conter des histoires s'ancrant dans les villages qu'il connaissait et chérissait.
C'est au début des années 1940, sous l'influence de Edgar Allan Poe, Stanislas-André Steeman, Pierre Véry, Agatha Christie… qu'il décide de se lancer dans le roman policier sous le pseudonyme de Yann LE CŒUR.
En moins de trente mois, il en écrira une demi-douzaine, tous se déroulant dans les Cornouailles et tous mettant en scène Martial Le Venn alias Mars, inspecteur qui deviendra, par la suite, commissaire.
Yann LE CŒUR ne se contentera pas, dans ses histoires, de dépeindre les paysages l'entourant, il s'évertuera, également, au sein de ses intrigues, de faire des études de mœurs en proposant, à chaque fois, des portraits fouillés de Bretons et de Bretonnes. Il n'oubliera pas d'évoquer les coutumes et les folklores locaux et de parsemer ses textes d'expressions du cru…
Dès sa première tentative, avec « Treize dans l'île », il démontrera son amour de la Bretagne et des Bretons, et, surtout, ses inspirations, ses motivations et ses intentions…
Malheureusement, Jean-Marie LE LEC mourut avant d'atteindre ses cinquante ans, laissant la Bretagne orpheline d'un de ses plus ardents représentants.
Vous avez l'opportunité, maintenant, de découvrir le plus breton des écrivains bretons et ses romans qui ne sont pas que des romans policiers… qui sont plus que des romans policiers…
K.

I
LES TERMAJI
 
Lundi après-midi.
Dès que la première roulotte dévala la côte, au virage de la route de Kemper, et s'engagea dans le Bout-du-Pont, faubourg nord de la ville, ce fut une stupeur parmi les gosses.
On aurait pu croire que le film de la vie venait de se casser et que tous les acteurs du jeu s'étaient figés sur l'écran de la rue.
Comme par miracle, la petite guerre qui battait son plein s'arrêta net. Les filles qui jouaient à la marelle perdirent toute envie de monter au « ciel » et les garçons jouant aux « cinq trous » ramassèrent en un clin d'œil leurs billes sur le carré de sol dépoussiéré.
Puis, les dix secondes de stupeur écoulées, une clameur sauvage fusa dans l'air tel un slogan poussé par une tribu de Sioux ou de Comanches : « Les Termaji ! Voilà les Termaji ! »
Aussitôt, ce fut une ruée indescriptible au-devant du convoi des Romanichels dont le long serpent bariolé s'étirait jusqu'au sommet de la côte dominant la ville.
En moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, les sept roulottes du « Grand Cirque Buffalo Bill » se trouvèrent encadrées et escortées par une meute hurlante. Toute la marmaille des deux sexes était là et s'époumonait à qui mieux mieux : « Les Termaji ! Voilà les Termaji ! »
Le cri, lancé à plein gosier, se propagea d'une maison à l'autre, s'enfla et fondit sur la ville comme un raz de marée. De chaque pen-ty, ce fut une hémorragie de gamins de toute taille et de tout poil se déversant sur la route :
« Les Termaji ! Voilà les Termaji ! »
Ces cinq mots suffisaient à leur mettre le feu au derrière. Dès qu'ils avaient aperçu les roulottes, ils prenaient leurs sabots à la main, leurs jambes à leur cou, et filaient grossir l'escorte frénétique.
Le puissant tracteur qui tirait les voitures de tête jugea bon de ralentir l'allure pour souligner encore la solennité de cet accueil triomphal.
Les brodeuses accroupies en rang d'oignons le long des façades chaulées à neuf levèrent la tête, piquèrent leur aiguille sur l'ouvrage interrompu et sourirent de toutes leurs dents aux gars musclés qui conduisaient les tracteurs en faisant valoir leurs biceps et leur torse nu de centaures.
La grande fièvre de la Tréminou était déclenchée.
Le triomphe des Termaji allait éclipser quinze jours durant toute l'activité de Pont-Abbat où le plaisir, un fois l'an, est roi et tyran.
Il convient, en effet, d'expliquer que la Tréminou, grande fête de la capitale bigoudenn, exerce sur tout le canton une sorte de fascination collective à laquelle, nul, jeune ou vieux, pauvre ou riche, paysan ou citadin, n'échappe tout à fait. Il y a bien, à ce délire profane, un prétexte religieux, mais ce n'est exactement qu'un prétexte.
La Tréminou emprunte son nom à une vieille chapelle oubliée sous les hêtres et les châtaigniers, à une demi-lieue de la ville. N.-D. de la Tréminou y est fêtée, les troisièmes samedi et dimanche de septembre, par un petit troupeau de pieuses gens. Mais, le centre du « pardon » se trouve déporté en pleine cité, sur cette place de la Madeleine où se déroulent traditionnellement les fastes locaux et notamment la tapageuse, la trépidante Tréminou qui révèle si bien le caractère explosif et primesautier de la population bigoudenn.
Puisque nous en sommes aux explications, peut-être pourrions-nous aussi mettre notre grain de sel dans la querelle du mot « Termaji » qui trouble, paraît-il, certains philologues en mal d'étymologie.
Ce terme, qui désigne si expressivement les Romanichels, à Pont-Abbat et ailleurs, serait, selon les vieilles qui ont bonne mémoire, la contraction argotique de « lanterne magique ». Il faut se souvenir, qu'en effet, les premiers bohémiens qui parcoururent jadis la Bretagne, de pardon en pardon, étaient principalement des montreurs d'ours et de lanterne magique. D'où l'expression Termaji qui fut bientôt adoptée par le langage du clan pour désigner les bohémiens, les romanichels et en général les forains circulant en roulottes.
Les Termaji sont tout à la fois craints et admirés, aimés et méprisés. Allez donc expliquer cela ! Il existe entre les races des fossés impossibles à combler. Mais, l'attrait du plaisir a tôt fait de jeter un pont sur les fossés les plus profonds. L'exemple des Termaji est typique à cet égard.
Mais, revenons à nos roulottes.
Arrivé au pied du château, le convoi des Termaji s'engagea dans la Voie Romaine et rampa le long de l'étang vers La Madeleine qui devait être désormais le territoire de leur éphémère, mais totale royauté.
 
* * *
 
Comme la quatrième roulotte jaune atteignait le raidillon qui accède à la place de la Madeleine, près des Halles Neuves, Cécilia Pavée, l'organiste de N.-D. des Carmes, sortait de chez le docteur Gentric où elle venait de donner une leçon de piano aux deux filles du médecin.
— Les Termaji ! murmura-t-elle avec une sorte d'effroi, en apercevant le cortège des roulottes.
— Eh bien, quoi ? fit une voix derrière elle. Vous avez peur des Termaji, à votre âge, mademoiselle Cécilia ? Après tout, ce sont des artistes... comme vous.
La jeune fille se retourna et reconnut le notaire, M. Tromeur.
— Oui, peut-être, monsieur Tromeur, répondit-elle, mais que voulez-vous, ça ne se commande pas. Les Termaji me font peur.
— Allons donc, reprit le notaire, vous n'êtes pourtant pas une poule mouillée ! Et si j'en juge par votre façon de taper sur les orgues à l'église, vous avez même une sacrée poigne. Ce n'est pas vrai ?
— Si... non... je ne sais pas, répondit la jeune fille, troublée.
— Vous descendez jusqu'à l'église, peut-être ?
— Oui, je vais répéter aux Carmes la grand-messe du pardon.
— Alors, je vous accompagne, car je vais justement sur le quai.
Ils firent ensemble une trentaine de pas, mais n'allèrent pas plus loin, car le cortège encombrait encore la chaussée.
— Attendons qu'ils soient passés, monsieur Tromeur.
— Comme vous voulez, Cécilia.
Une luxueuse roulotte, l'habitation des propriétaires du cirque, vraisemblablement, suivait les lourdes voitures de matériel et parvint bientôt à leur hauteur. Sur la carrosserie sang-de-bœuf, le mot « Direction » éclatait en lettres d'or.
Par les fenêtres ouvertes, ils purent apercevoir l'intérieur scintillant de glaces et de cuivres sous le rayon de soleil qui jouait sur tout ce luxe clinquant si particulier aux forains cossus.
— Hein ! croyez-vous ! murmura M. Tromeur, quelle richesse ! On se demande où passe l'argent des moissons. Eh bien, regardez : il est là-dedans.
Mais, Cécilia Pavée n'eut pas l'air d'entendre ces paroles. Elle venait d'entrevoir, dans la voiture suivante, infiniment plus modeste, et même assez misérable, deux yeux de diamant noir qui se fixèrent sur elle, tel le regard d'un aigle sur le lièvre qu'il guette.
Cela n'avait duré qu'un instant, mais le choc avait été si rude et tellement inattendu que Cécilia se sentit défaillir et dut s'asseoir sur le muretin bordant l'étang.
Le notaire, à cet instant, se retourna vers elle et fut frappé de sa pâleur.
— Mais... fit-il... qu'avez-vous, mademoiselle Cécilia ? Ça ne va pas ?
Il fit un pas dans sa direction, mais déjà elle s'était ressaisie.
— Ce n'est rien ! balbutia-t-elle. La chaleur me monte à la tête. L'orage...
— C'est vrai qu'il fait un temps sacrément orageux. Ça ne m'étonnerait pas que nous ayons un feu d'artifice, cette nuit. Mais, il fera beau pour la Tréminou. C'est l'essentiel.
— Bien sûr ! murmura Cécilia, l'esprit ailleurs.
— La voie est libre, annonça le notaire en voyant au loin une nouvelle suite de roulottes s'engager sur le pont qui enjambe l'étang. Profitons-en pour passer.
La jeune fille se hâta de suivre son interlocuteur, mais sa démarche était vacillante et ses yeux demeuraient obstinément attachés au sol.
— Il y a bien long

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