Oxalis et vieilles querelles
185 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Oxalis et vieilles querelles , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
185 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'été s'achève à la Croix-Fry. Les randonneurs, vététistes et autres amoureux de ce col haut-savoyard ont fait place aux ramasseurs de champignons. Paul Mermillod est de ceux-là. Il vient tout juste de quitter Paris pour s'installer de façon définitive dans le chalet hérité de ses parents, quand il s'élance à l'assaut des pentes et des coins à cèpes. Un autre rendez-vous l'y attend, face au plateau des Glières qui n'a rien perdu de son pouvoir évocateur. Les maquisards, les parachutages, la Résistance à l'ennemi, le combat pour la vie... Paul n'a pas le temps de combattre. Sa vie lui échappe, en même temps que le contenu de son panier. L'enquête débute deux jours plus tard. Aux gendarmes se joignent un journaliste venu interviewer Marc Veyrat et la compagne parisienne de Paul Mermillod. Quelles querelles vont-ils découvrir ? De quel(s) monstre(s) les montagnes de la Croix-Fry vont-elles accoucher ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 septembre 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414487325
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194, avenue du Président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-48731-8

© Edilivre, 2020
Dédicace

À tous les amoureux de la Croix-Fry.
Manigod, le 9 septembre 2019
La demie de sept heures sonna au clocher de l’église, à l’instant où Paul Mermillod franchit le seuil de La Manigodine, sa casquette à la main.
Par ce terme de manigodine, on désignait le commerce le plus ancien de Manigod, en Haute-Savoie, mais aussi la baguette qui s’y cuisait au feu de bois depuis plusieurs générations, ce qui forçait le respect.
Les derniers arrivés avaient mis les bouchées doubles pour résister à la concurrence des grandes surfaces du canton de Thônes. Ils avaient accru leur offre, créé un service de presse et un autre de livraison à destination des stations d’altitude, de sorte qu’en période de vacances scolaires, le boulanger de Manigod prenait d’assaut les cols de la Croix-Fry et de Merdassier où ses manigodines se vendaient comme des petits pains, au propre comme au figuré. Au village, son affaire tournait d’autant mieux qu’il était secondé par une épouse qui remportait tous les suffrages, à commencer par celui de Paul Mermillod.
Ce matin-là, bien qu’occupée à mettre en place le contenu d’une panière, tout juste sorti du four, la boulangère eut tôt fait de reconnaître son premier client de la semaine.
— Bonjour, monsieur Mermillod ! Vous voilà donc revenu ?… Et matinal avec ça !!
— Bonjour, Louise. Je ne suis là que depuis hier après-midi, mais mes voisins m’ont dit qu’il y avait des champignons à ne plus savoir qu’en faire, alors je me dépêche de monter à Beauregard.
Louise s’approcha du comptoir en frottant sur son tablier blanc ses mains enfarinées.
— Vous avez raison, il faut battre le fer pendant qu’il est chaud ! Et qu’est-ce que je vous sers ?
— Une manigodine, s’il te plaît.
— Bien cuite ou pas trop ?
— Comme d’habitude, ma belle, pas trop. Rien de nouveau, ici ?
La jeune femme tourna les talons qu’elle avait plats et vifs, pendant que son client, caressant du regard les rangées de gâteaux, protégeait à nouveau son crâne dégarni de son couvre-chef aux couleurs de Manigod.
— Non, rien d’important, assura l’accorte brunette, le nez dans la panière. Et à Tournance ? enchaîna-t-elle, un exemplaire de la spécialité locale à la main.
Paul sursauta :
— À Tournance ? Mais c’est le branle-bas de combat, tu penses bien ! Avec les troupeaux qui sont sur le point de rentrer…
— Déjà ! Comme le temps passe vite !… Est-ce qu’il vous faut autre chose, monsieur Mermillod ?
— Rien d’autre, ma fille. Tes tartelettes aux myrtilles me feraient bien envie, mais, comme disait l’un de mes anciens collègues, c’est pas bon pour qu’est-ce que j’ai !
— Et qu’est-ce que vous avez, sans indiscrétion ? Rien de trop grave, j’espère !
— Un peu de plusieurs choses… Un peu de rhumatismes, un peu de cholestérol, un peu de diabète…
— J’ai ce qu’il vous faut ! assura Louise.
Elle fit un pas de côté pour saisir sur l’étagère dite de dépannage, un paquet de gâteaux secs qu’elle lui mit sous les yeux.
— Des gâteaux de régime qui viennent d’arriver, précisa-t-elle, malicieuse.
Paul sourit à son tour :
— Tu sais y faire, toi ! Et je te dois combien, plaisanterie mise à part ?
— Deux euros pour les gâteaux et un pour la manigodine, ça n’a pas changé.
— On ne sait jamais, tout augmente si vite !
— Pensez aux champignons que vous allez trouver ! Tous gratuits !!
— Encore heureux ! Mais ça ne va peut-être pas durer… Ils seraient bien capables de nous les taxer !
— Ne vous en faites pas, monsieur Mermillod, et bonne cueillette !
Paul s’inclina à la façon d’un gentleman, ni une tenue de randonneur, ni les chaussures assorties n’empêchant les bonnes manières.
— Merci, Louise ! À demain.
— À demain ! Si les sangliers ne vous mangent pas…
— Et si je ne tombe pas dans un ravin !
— Ne tentons pas le diable, se reprit la boulangère. Et si vous avez trop de champignons, n’hésitez pas à m’en déposer quelques-uns à votre retour !
— Je n’y manquerai pas.
— À tout à l’heure alors…
— J’espère bien !
Avant de regagner son véhicule, Paul Mermillod observa le ciel. Laurent Cabrol avait vu juste : la brume se dissipait, asséchée par un soleil de plus en plus franc. Une heure de ce régime et l’on n’y verrait plus que du bleu.
Il s’avança jusqu’au parking de la Poste où les soixante-sept chevaux de son vieux pick-up se montrèrent assez vaillants pour amorcer sans renâcler les cinq kilomètres restants de leur ascension du col de la Croix-Fry. Pourtant, ils s’arrêtèrent à mi-chemin, sur un terre-plein prévu à cet effet.
Paul mit pied à terre. De la table de pique-nique apparue depuis son dernier passage, il se servit comme d’un appui pour parcourir à distance ce panorama si cher à son cœur.
Le massif de la Tournette, la montagne de Sulens, le mont Charvin, l’Aiguille de Manigod, le massif de l’Étale, tous répondirent présents, fiers et inchangés depuis toutes ces années passées à les observer. Que lui réservaient leurs pentes, pics et pointes, maintenant qu’il n’allait plus les quitter ? Joies ou peines ? Bonheurs ou malheurs ? De tout un peu, là encore, car il savait la vie ainsi faite.
Il se remit au volant et fit ronfler le moteur. Il s’apprêtait à déboîter quand un coup de klaxon le stoppa net dans son élan. « Encore des Suisses qui montent chez Veyrat ! » se dit-il, suivant du regard leur voiture de sport. Ils roulaient si vite que leur plaque minéralogique avait failli lui échapper. « Pourquoi se dépêcher à ce point ? se demanda-t-il. Ils vont trouver porte close. »
Il leur emboîta la roue à un rythme nettement plus pépère, car il prit le temps de jeter un œil aux derniers chalets construits. Année après année, la vallée de Manigod se remplissait de constructions neuves, plus vastes et sophistiquées les unes que les autres. Lui qui avait grandi dans un chalet tout simple, avec l’étable pour voisine, ne cessait de se demander comment ces nouveaux habitants finançaient leurs fastueuses demeures. Sans doute s’endettaient-ils à vie.
Le restaurant-hôtel de feue Marie-Ange Veyrat fut bientôt en vue. Paul Mermillod avait bien connu la sœur de Marc Veyrat. Très investie dans la vie locale, elle avait été conseillère municipale jusqu’à son décès en décembre 2009, à l’âge de soixante-sept ans. « Sa fille, Isabelle, et son fils, Éric, s’employaient désormais à préserver l’âme rustique-chic des lieux. » Paul avait lu cela sur un site en ligne et la formule lui convenait assez.
Arrivé au sommet du col, il longea l’hôtel-restaurant des Sapins, obliqua à gauche, entre le parking du magasin Veyrat-Sports et le parking public où il prit place à la suite d’un Haut-Savoyard et d’un Varois encore plus matinaux que lui. Deux camping-cars stationnaient plus loin, fermés à double tour. Probablement une paire d’amis finistériens puisqu’ils affichaient la même Bigoudène autocollante, assortie du même numéro 29.
Tout était calme, où que Paul Mermillod portât son regard. Le Centre de vacances de La Ruche avait dû voir partir ses derniers pensionnaires, vu qu’aucun bus n’y stationnait. L’hôtel-restaurant des Rosières, à l’opposé de celui des Sapins, semblait pareillement désert. L’été touchant à sa fin, la Croix-Fry ne retrouverait son activité qu’en décembre.
Paul aimait bien savoir où il mettait les pieds. Ce besoin lui venait pour partie de ses origines paysannes et, pour une autre, de ses années passées à Paris, à distribuer le courrier dans des quartiers parfois risqués.
Son tour d’horizon effectué, il enfourna ses achats dans son sac, le déposa au sol, avec son bâton et son panier. Il ferma sa voiture, rangea les clefs dans la poche avant de son sac, le cala sur son dos. Son bâton d’un côté, son panier de l’autre, il passa derrière le magasin de sports. Le sentier conduisant aux cèpes démarrait un peu plus loin, dans l’angle d’un virage qu’on pouvait qualifier de droit.
Paul adorait ce sentier. On y entrait comme dans un sanctuaire, sous les sapins formant coupole. Entre les troncs se dessinait sur la gauche un tableau qu’il eut plaisir à retrouver, bien qu’il en connût parfaitement les différentes composantes : les derniers lacets du col, les premiers chalets de la station, la Tête de Cabeau avec ses pentes abruptes et ses installations au repos, les sommets pelés de l’Étale et de Merdassier juste au-dessus. Quelques jours encore et les vaches ayant passé la belle saison sous les remonte-pentes et les télésièges, regagneraient leur étable. Quelques semaines tout au plus et l’on verrait tomber les premiers flocons.
À droite s’élançaient à l’assaut du ciel les contreforts du plateau de Beauregard. La copropriété des Maisons des Bois s’y était installée dans les années quatre-vingt ; la Maison des Bois de Marc Veyrat plus récemment. Les terrains correspondants avaient appartenu à la famille du cuisinier étoilé. Lui-même avait développé son nouveau bébé autour d’un chalet dont il ne restait quasiment rien, suite à un incendie provoqué par un court-circuit.
Paul Mermillod avait suivi de loin les transformations de cette partie du col, ainsi que d’autres projets restés sans suite. Le plus retentissant remontait à 2003. Xavier Flactif, promoteur immobilier du Grand-Bornand, avait mis sur pied un nouvel aménagement de la Croix-Fry quand son voisin et locataire, David Hotyat, l’avait assassiné par jalousie. Ce dernier avait éliminé pareillement l’épouse et les trois enfants du promoteur. Les corps, il les avait brûlés dans les bois de Thônes. Cette sanglante « affaire Flactif » avait coupé court au réaménagement envisagé ; n’en avait subsisté, des mois durant, que le panneau de mise en vente d’appartements.
Quelques myrtilles oubliées

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents