342
pages
Français
Ebooks
2016
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
342
pages
Français
Ebook
2016
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Publié par
Date de parution
27 avril 2016
Nombre de lectures
0
EAN13
9782334104784
Langue
Français
Laura a dix ans et demi ; c'est une petite fille précoce et intelligente, détestée de son père et adorée de sa mère. Elle est la petite dernière d'une famille de cinq filles. Sa mère, Marie-Louise, élève ses filles dignement, comme elle le peut. C'est une femme soumise dont la vie n'est consacrée qu'à l'éducation de ses enfants et au service d'un mari, Albert, répugnant, abject, vulgaire, violent et alcoolique. Marie-Louise et ses filles vivent des journées mouvementées et insupportables, dans la peur du lendemain, avec quelques rebondissements. Ils résident dans un petit village du Lot-et-Garonne : Sainte Bazeille, aux côtés de voisins qui n'ignorent pas ce qui se passe dans la maison de Laura...
Mais derrière cette vie de désolation se cache un secret de famille bien gardé par cette ordure de père..
Publié par
Date de parution
27 avril 2016
Nombre de lectures
0
EAN13
9782334104784
Langue
Français
Couverture
Copyright
Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
ISBN numérique : 978-2-334-10476-0
© Edilivre, 2016
Dédicace
* * *
Ce livre retrace certains faits réels de ma propre vie, les personnages sont fictifs.
Certains passages de ce livre peuvent heurter la sensibilité des plus fragiles.
Je dédie cette histoire à mon père décédé, à qui et malgré sa malveillance, j’ai réussi à pardonner… avec le temps.
* * *
Été
JUILLET – Flonflons.
C’était le samedi 14 juillet 1984 ; un grand jour, puisque celui de l’anniversaire de ce cher « Albert la Misère ».
Il fêtait ses 51 ans, enfin, peut-être… Il était né en 1933 et de toute manière, sa fille Laura s’en moquait totalement.
Ce soir-là, elles avaient toutes, son épouse et ses cinq filles, le « privilège » d’accompagner le père à la fête du village, suivie du feu d’artifice national.
À vingt heures, le repas était terminé. Le vieux ouvrit son cadeau et souffla ses bougies. Laura ne lui avait jamais offert de cadeau, car elle n’avait ni l’argent, ni le cœur, ni l’envie de lui offrir quoi que ce soit.
– Oh, encore un parfum ! – elle se demanda s’il en avait vraiment l’utilité, car son père empestait naturellement : aucun parfum digne de ce nom ne pouvait y changer grand-chose.
C’était le genre d’homme qui, examiné avec un regard de femme, ne laissait le choix que de déguerpir sans lui laisser le moindre espoir. On pouvait le dire ainsi : son charme naturel s’était perdu en chemin. Il devait mesurer en tout et pour tout un mètre soixante-dix pour quatre-vingt-dix kilos. Son crâne dégarni ne lui laissait qu’un collier de cheveux châtains légèrement bouclés qui s’entremêlaient dans tous les sens. Son visage porcin était marqué par des valises sous les yeux. Ses joues étaient rouges et saillantes. Son état rubicond lui donnait un air plus « con que rubis ». Un double menton flasque luisant de gras… Son corps lourd d’un ventre bien rond et rebondi laissait imaginer l’alcool en réserve qu’il contenait. À le voir déambuler de sa démarche boiteuse et pressée, on aurait pu croire qu’il était constamment pourchassé par une armée d’huissiers. Son visage reflétait un air toujours menaçant et pitoyable. Quant à ses tenues vestimentaires, elles étaient toujours les mêmes : jean bleu premier prix et chemisettes de toutes sortes : rayées, à carreaux, unies, et souvent très colorées. Été comme hiver : chemisettes ! Il paraît que le gras et l’alcool font office de chauffage corporel. En quelques mots plus crus, la Misère était un porc qui rotait, pétait et puait sans retenue.
Toute la famille était assise à la terrasse du grand café du village. La cinquantaine de tables en plastique de couleur verte étaient toutes occupées. L’ambiance était festive et bruyante. La foule parlait de tout et de rien, et l’on sentait une espèce d’excitation jaillir de la bouche de chaque individu. Assise entre ses sœurs Jo et Véro, Laura aspirait un verre de soda à la paille, tout en profitant du spectacle autour d’elle. Elle parvenait même à percevoir l’affection et la tendresse qui sourdaient de ces gens en terrasse.
Elle n’était pas vraiment envieuse de ces sentiments, même si elle aurait tellement voulu avoir un père aimant, affectueux, qui lui aurait chuchoté un petit « je t’aime » de temps en temps, un père qui se serait intéressé à elle, à ce qu’elle était, à ce qu’elle faisait. Alors, quand elle surprenait tous ces pères de famille autour d’elle, offrant autant d’amour à leurs enfants, elle ressentait autant de souffrance que de manque.
Quant à sa mère, elle aimait ses filles, elle le savait. Assise en face d’elle, Laura devinait la tristesse dans son regard, même si elle s’efforçait de leur faire croire qu’elle était ravie d’être là en compagnie de la Misère. À quarante-deux ans, elle en paraissait soixante. Son visage était marqué par la crainte perpétuelle et la peine. Ses longs cheveux ondulés accusaient un vieillissement prononcé, le gris commençant à dominer sa belle chevelure. Son regard vert ne pouvait cacher la rougeur de ses yeux qui retenaient sans cesse les larmes versées chaque jour. Elle n’avait même plus ce désir qu’ont toutes les femmes d’être coquette et fringante. La seule chose qui lui importait était le bien-être de ses filles ; qu’elles soient propres, belles, bien vêtues et polies. Laura savait que sa vie ne tenait qu’à elles, ses filles. Son unique préoccupation se résumait en deux mots : être mère.
Jo était assise à sa droite et la fixait. Elle comprit tout de suite que la colère lui montait à la tête. Elle était folle de rage de voir leur mère ainsi malheureuse. Jo demanda à leur père si elles pouvaient aller à la fête foraine, car elles avaient toutes terminé leur verre.
– Ok, mais à 22 heures 45, vous nous rejoignez à la voiture, il est 21 heures 15, ça vous laisse le temps de vous amuser !
Il sortit un billet de cent francs de son portefeuille et le tendit à Gabi, la sœur aînée.
– Tiens, prends les cent francs et occupes-toi de tes sœurs ! Compris ? dit-il d’un ton autoritaire, tout en ajoutant : à 22 heures 45 précises, je vous veux à la voiture, le feu d’artifice commence à 23 heures !
Le feu était lancé depuis le château, mais ce qui rendait Laura folle, c’est qu’alors il ne fallait marcher qu’à peine huit cents mètres de plus pour s’y rendre, elles devaient y aller en voiture ! Quelle aberration ! Leur père avait horreur de marcher et ne supportait pas ce qui pouvait user ses chaussures. Il préférait abîmer l’accélérateur de sa voiture.
Gabi avait dix-sept ans, et était responsable de ses sœurs lorsque leurs parents étaient absents. Plutôt que de leur servir de maman, elle aurait été plus à sa place en compagnie de ses amis du quartier pour danser au bal. Mais elle n’en avait pas le droit. Alors, elle passait son temps à acheter des glaces et des tickets d’auto-tamponneuses à ses sœurs, enfin, tout ce que l’on fait dans une fête foraine.
Gabi était la plus sérieuse et la plus mûre des cinq. Son regard était froid et avisé. Elle était réfléchie et très intelligente, contrairement à Laura qui était le clown de la famille. En l’observant, on devinait le boulet qu’elle traînait constamment derrière elle. Depuis sa chambre, quand les portes étaient entrouvertes, Laura la surprenait pleurant à chaudes larmes dans son lit. Elle avait hérité de la belle chevelure de leur mère. Sa peau était laiteuse et son regard marron-vert. Elle portait souvent des jupes laissant à peine entrevoir ses genoux, toujours chaussée du même style d’escarpins noirs. Elle était très mince comme toutes ses sœurs. Sa beauté naturelle et sa poitrine généreuse faisaient chavirer le cœur des garçons.
Elles étaient toutes soudées comme les maillons d’une chaîne, incassables. Laura la regardait souvent avec beaucoup de fierté et se sentait en sécurité avec elle.
À 22 heures, Laura lui suggéra d’aller danser et de rejoindre ses camarades, car le bal venait juste de commencer.
– Ne t’inquiètes pas Gabi, on va se débrouiller, va t’amuser ! Papa n’en saura rien, fais-moi confiance.
D’une voix hésitante, Gabi répondit à sa sœur qu’elle était folle, qu’elles allaient se faire tuer. Laura la rassura, arguant du fait qu’il en était sûrement à sa dixième bière, que de toute façon, il ne pouvait les voir de là où il était, et qu’il ne bougerait certainement pas son gros postérieur de la chaise. Elle lui fit comprendre au travers de sa morale hédoniste que l’on n’a qu’une seule vie sur cette terre et qu’elle devait s’amuser.
– Allez, file, emmène Véro avec toi !
– D’accord, mais pas de bêtises toutes les trois, ne vous faites pas remarquer du vieux et rendez-vous à 22 heures 40 devant ce manège.
– Cassez-vous vite, à tout à l’heure ! dit Jo en regardant partout autour d’elle de peur de voir surgir le monstre.
Marie, Jo et Laura étaient heureuses de les voir partir et se fondre dans la foule en direction du bal. Le temps était certes limité, mais elles en profiteraient tout de même un peu.
22 heures 40, toutes les trois attendaient devant le manège, au lieu du rendez-vous, et toujours personne à l’horizon. Marie et Jo commencèrent à s’agiter nerveusement, laissant paraître leurs craintes.
– Formidable, on va se faire massacrer si elles ne sont pas là dans trente secondes ! dit Marie.
Laura lui répondit qu’elle avait sûrement raison, mais qu’elles ne devraient pas être si égoïstes. Le bonheur de leurs deux sœurs était plus important qu’une grosse raclée, non ?
– Après tout, tu n’as pas tort, ma petite Lolo. Marie tenta de se rassurer.
– Tu vois Marie, ajouta Jo d’une voix très calme, Laura est la plus jeune de nous toutes et pourtant, elle a souvent raison. C’est notre guide, elle a toujours la bonne parole pour rassurer la tribu et nous faire avancer. N’oublie pas que c’est grâce à elle que l’on arrive à sourire. Elle est la plus petite et la moins trouillarde. C’est mon gadget, mon trésor !
Laura immobilisa son corps en se redressant, la tête haute et droite, afin de saluer Jo comme au temps des Rois, pour l’éloge ainsi fait d’elle. Elle lui répondit :
– Tu sais Jo, à force de se prendre des coups dans la figure, des insultes à n’en plus finir, des humiliations, j’en passe et des meilleures, on finit par se forger un caractère assez solide, une carapace, et on ne sent plus les coups ; ça devient une habitude. Seuls la haine et le dégoût grandissent en moi, et ça, c’est le plus terrible !
Jo et Marie étaient tout à fait d’accord avec son point de vue.
22 heures 43, toujours personne à l’horizon.
Après réflexion et d’un pas décidé, elles se dirigèrent vers l’entrée du bal en espérant retrouver leurs grandes sœurs. Sébastien, un voisin du quartier, se trouvait justement à l’entrée,