Récit d'un croque-mort

Mabrouk Ikhlef

Description

Courir après son destin, aller jusqu'au bout de ses intentions, vivre dans l'incertitude, l'angoisse et la douleur de la perte des personnes qu'on a aimées, souffrir en silence de leur absence, tel était le lot quotidien de Ben le vieux fossoyeur, qui s'est vu malgré son âge, obligé d'entreprendre un très long voyage, pour essayer d'élucider la mort mystérieuse de son fils Adam, décédé à son retour de l'étranger.

Sujets

• Thrillers
• Roman policier
• Suspense
• Fiction
• Littérature

Informations

• Publié par: Edilivre
• Date de parution: 19 avril 2019
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782414339822
• Langue: Français

Extrait

Mabrouk Ikhlef

Récit d’un croquemort

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Courir après son destin, aller jusqu’au bout de ses intentions, vivre dans l’incertitude, l’angoisse et la douleur de la perte des personnes qu’on a aimées, souffrir en silence de leur absence, tel était le lot quotidien de Ben le vieux fossoyeur, qui s’est vu malgré son âge, obligé d’entreprendre un très long voyage, pour essayer d élucider la mort mystérieuse de son fils Adam, décédé à son retour de l’étranger.

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Avantpropos

E reinté et démoralisé, suant abondamment, Ben le fossoyeur laissa choir nonchalamment sa pelle sur l’amoncellement de terre, qu’il venait de soustraire de la tombe, à côté d’une pioche élimée par le temps et l’usure et s’assit sur le rebord du fossé. Ben enleva la casquette basque qu’il porte à longueur de journée, fouilla nerveusement dans les poches de sa salopette et en sortit un paquet de cigarettes, tout déformé à force de manipulations, s’empara fébrilement d’une cigarette qu’il alluma à la hâte, en envoyant la fumée au dessus de sa tête. Contrairement aux autres journées, celle d’aujourd’hui lui parut la plus longue et la plus triste. Même le temps à cet instant précis, semblait partager avec lui sa mélancolie, car une pluie fine tombait légèrement ce matin là, arrosant superficiellement le fond de la tombe, en se mêlant à la sueur qui ruisselait du visage renfrogné de cet homme, qui n’arrivait pas à admettre que la tombe qu’il était en train de creuser était destinée à ensevelir la dépouille de son fils Adam, décédé la veille. Mais cette pluie automnale ne gênait nullement Ben,

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qui mit son pardessus sur sa tête, pour éviter d’être trempé, tout en crachotant, donnant ainsi l’impression de rejeter l’arrière-goût de tabac du mégot, qui entrait et ressortait machinalement de sa bouche édentée. Ben ne se reposait jamais avant d’avoir achevé complètement le travail qu’il avait entamé, lorsque son moral était à son top. Ce ne fut malheureusement pas le cas pour aujourd’hui où sa vie avait complètement basculé, suite à la mort d’Adam, ce fils qu’il a toujours aimé. En dépit du choc de la perte subite de son fils unique, le fossoyeur ne cessait de se poser des tas de questions qui le taraudaient, au sujet du retour inattendu du défunt, trois jours seulement avant la date de son décès. L’apparition subite de ce fils prodige, en de pareilles circonstances laisse sous-entendre qu’il y a anguille sous roche, marmonna Ben, le cœur serré par l’angoisse et la tristesse. D’autant plus que l’ingénuité, l’intelligence et la sagesse dont le défunt a toujours fait preuve de son vivant, étaye sans l’ombre d’un doute, la déduction de Ben. Mais le plus curieux dans cette tragédie, ce sont les mystérieux objets trouvés parmi les effets personnels du défunt, un billet aller-retour à destination de Londres au nom de Ben lui-même, une carte de visite au nom de Lise, infirmière à Liverpool, ainsi qu’un médaillon en or portant le sigle « L.W ».

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Chapitre I Funérailles

a pluie avait cessé soudain de tomber, cédant la les L dernières retouches. Tout autour de lui, des sépultures place à une éclaircie. Après une pause de quelques minutes, Ben reprit son travail, il avait hâte de finir éparpillées ça et là, à l’image d’une mosaïque, rappellent aux visiteurs de ce lieu, l’histoire de chaque disparu, tout en les exhortant à la méditation et au recueillement à la mémoire de leurs morts. D’habitude, Ben passait moins de temps dans l’excavation d’une tombe, mais ce n’était pas le cas pour aujourd’hui où il se languissait sans comprendre ce qui lui arrivait. Il était conscient que son moral était au plus bas, mais ça ne justifiait pas cette nonchalance qui paralysait progressivement ses membres engourdis par ce froid matinal, depuis qu’il avait débuté son travail. Mais en dépit de ce malaise passager, Ben redoubla d’effort et put contrecarrer difficilement ce handicap passager. Il regretta amèrement d’avoir cédé facilement à la faiblesse qui avait trompé sournoisement sa vigilance.

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Heureusement qu’il s’est ressaisi à temps, en terminant aussi rapidement qu’il le pouvait le creusement du caveau, devant accueillir l’être cher qui a compté le plus dans sa vie. Une blessure, c’est ce que ressentait Ben au fond de ses entrailles, ce jour là. Un mal abstrait qui le rongeait de l’intérieur, à l’image de l’eau érodant une roche. Rien n’est plus dur que la disparition des êtres qui nous sont chers dans ce monde. Ni le temps, ni le chagrin, ne peut nous délivrer de leur hantise, c’est ce que Ben ne cessait de ressasser dans sa mémoire saturée par les évènements de ces derniers jours. Que d’âmes reposent dans cette nécropole construite par les premiers habitants de cette ville antique. Nombreux sont les gens qui viennent de toutes parts pour se recueillir sur les tombes de leurs proches, plus particulièrement les jours fériés. Cette ville cosmopolite avait accueilli de nombreuses familles venues des quatre coins du pays, durant le siècle dernier. Certains de leurs petits-enfants résident à ce jour dans cette localité. Ben et sa famille font partie de ceux qui ont opté pour l’exode vers cette ville minière, pour travailler dans les différents secteurs d’activités, tout en respectant les us et les coutumes de leur patelin d’origine. L’interculturalité de la population de cette commune a contribué indubitablement à la formation d’une élite culturelle, sportive et même artistique, dont la renommée s’est propagée au-delà des limites territoriales de la région. Le cimetière qui jadis était l’endroit préféré de Ben devint à ses yeux un endroit lugubre et détestable, lui qui dans ses moments de solitude se réfugiait dans cette nécropole, pour meubler le vide qui le pourchassait ou

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vice-versa, dans le cas où il s’isolait du monde extérieur pour être seul. Cette virevolte est survenue depuis le jour fatidique qu’il n’oubliera jamais et qui restera gravé pour toujours dans sa mémoire. Cette nécropole qui avait pourtant partagé pendant longtemps sa joie et ses malheurs, semblait soudainement hostile à son environnement intime, suite à l’évènement tragique qui venait de frapper Ben et les membres de sa famille. A penser qu’un vent violent venait de balayer cette fragile complicité tissée au fil des jours et des ans, entre Ben et son milieu professionnel, mettant ainsi un point final à son épilogue.

Ben vivait paisiblement dans cette ville qui l’avait vu naître et grandir. Malgré la rudesse du métier qu’il exerce, Ben supporte et respecte au mieux qu’il le peut ce lieu sacré, qui reçoit pratiquement tous les jours les dépouilles mortelles de ceux ou celles qui, en trépassant, ont clôturé de facto leur passage sur cette terre, laissant derrière eux le vide incommensurable, que ni le temps, ni les larmes versées par leurs proches, n’arrivent à combler. Le calme et la sérénité qui règnent dans ce lieu, ont fini au fil des années, par assagir le tempérament tumultueux de Ben. Ben qui d’habitude prenait toujours les choses du bon côté était à court de ressources devant l’évènement tragique qui venait de ravir Adam de ce bas monde. Lui qui avec ardeur et détermination, avait creusé des milliers de tombes durant toute une décennie, sans jamais se plaindre de l’âpreté de son métier de fossoyeur, qu’il exerce avec zèle, depuis son retour d’Angleterre. Certains vieux amis de Ben de passage au cimetière pour se recueillir sur l’âme de leurs morts profitent de cette

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occasion pour voir Ben et discuter avec lui de la pluie et du beau temps, en abordant parfois des sujets ayant trait aux exploits de leur jeunesse. Ce témoignage d’amitié ne manque pas de toucher la sensibilité de Ben qui conclut toujours que rien ne peut surpasser une amitié d’enfance. Dans son enfance, Ben n’avait jamais mis les pieds dans un cimetière, il craignait tout ce qui s’apparentait à la mort. Cette appréhension faisait de lui la risée de ses petits copains, qui pour le taquiner, le traitaient sans ménagement de froussard. Ce qui ne manquait pas d’offusquer le pauvre gamin qui, touché dans son amour propre et afin d’arrêter les plaisanteries de ses camarades, avait décidé de leur lancer un défi. C’était l’été, il faisait très chaud cette journée là, Ben en prenant son courage à deux mains, leur dit d’un ton railleur « qui parmi vous se porterait volontaire pour passer avec moi cette nuit au cimetière, à la belle étoile ? ». Personne n’osa relever le défi lancé par Ben. A partir de ce jour là, Ben fut traité avec tous les égards par ses petits amis. Lui-même s’était débarrassé de cette phobie. Le lendemain matin suivi de ses amis, il entra en premier sans hésiter dans le cimetière tant redouté. A partir de ce jour là, Ben se lançait dans des aventures périlleuses pour montrer à ses petits copains son courage et sa détermination. Un excès de zèle qui avait poussé Ben même jusqu’à nager dans l’eau froide d’une rivière pour épater ses amis, qui l’encourageaient par leurs ovations. Mais cette mésaventure, lui avait coûté une pneumonie qui l’avait gardé au lit pendant une semaine. Son père qui avait appris les prouesses de son fils avait piqué une crise de nerfs, unique dans son genre et faillit corriger Ben, qui en entendant son père crier fit semblant de dormir.

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