Sang et volupté
82 pages
Français

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Description

Le détective Georges Garnier reçoit, une nuit, un appel téléphonique de Madeleine – sans doute l’unique femme sur terre avec qui ce volage impénitent pourrait s’imaginer vivre une idylle, – lui demandant expressément de venir à son domicile, car elle attend une redoutable visite.


Sur place, Jo découvre le cadavre encore chaud de sa belle, le crâne fracassé...


Soudain, un individu surgit derrière lui et le menace d’un revolver...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782373476989
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES DESSOUS DE L'AGENCE GARNIER
- 5 -
SANG & VOLUPTÉ
de
J.A. FLANIGHAM
I
Georges Garnier allongea paresseusement le bras pou r arrêter le pick-up. Il bâilla fermement, et après avoir louché en directio n de la pendulette Empire, décida qu'il était peut-être temps d'aller se couch er.
Le tintement du téléphone le laissa quelques second es, la jambe gauche à l'horizontale au-dessus de l'accoudoir du divan, et il roula des yeux furibonds, pour se demander quel était l'enfant de cochon qui se permettait de venir déranger une parfaite soirée de célibataire sage. R épondrait-il ?
Il haussa les épaules et se dirigea, toujours maugr éant, vers la table basse, décrocha en questionnant, agressif :
— Oui... ?
— Georges... Oh !... Georges, vous êtes là...
L'expression de mécontentement s'atténua pour faire place à un sourire rêveur, presque attendri. La voix douce et souple d e Madeleine...
— Vous êtes seul, Georges ?
Il se jeta un coup d'œil dans la glace biseautée, s e sourit, convenant, à part lui, que les tons éteints de sa robe de chambre de cachemire, convenaient particulièrement bien à son teint bronzé par une ré cente cure aux sports d'hiver.
— Bien sûr, mon petit... je viens de me régaler en m'offrant un récital Brahms, pour moi tout seul... Qu'est-ce que vous dites de ça ?
— Georges... ?
Elle avait une voix un peu différente, comme voilée , assourdie... légèrement haletante.
— Georges, répéta-t-elle, je suis désolée... je vou drais vous voir...
— Mais, mon petit...
Il se sourit plus victorieusement, se reprocha sa fatuité, et enchaîna :
— Vous vous ennuyez ?
— J'ai besoin de vous, Jo... C'est grave... Enfin, c'est sérieux. Je viens de recevoir un coup de fil... important... j'attends u ne visite... j'ai peur de cette visite... pouvez-vous venir chez moi, ce soir... Je sais qu'il est tard, minuit bientôt, mais c'est très important...
— J'arrive tout de suite, dit-il.
Son visage s'était transformé.
Il ne souriait plus. Était-ce dû à ce
fléchissement qu'il avait noté dans la voix de Made leine lorsqu'elle avait insisté sur le très important...
— Je crois que vous êtes nerveuse, dit-il encore.
Il y eut un bruit indéfinissable à l'appareil, puis la voix de Madeleine, plus assourdie :
— Je vous attends, Georges...
— À tout de suite, mon petit.
Il raccrocha.
Il fut prêt en tout juste cinq minutes, sans cesser de penser à Madeleine, à cet affolement assourdi dont elle avait fait preuve . Tout en elle interdisait a priori l'idée de panique, de nervosité inutile, d'accès de féminités intempestives dans le comportement.
Il grimpa dans sa voiture qu'il garait à deux cents mètres de chez lui, en continuant de penser à la jeune femme. Il fut stupé fait de réaliser à quel point, en moins de deux mois, elle avait pris à son insu u ne place dans sa vie. Il n'était pas amoureux de Madeleine, elle l'intéressait, il l 'avait placée dans une catégorie toute spéciale parmi les femmes qui jouai ent un certain rôle dans son existence.
Madeleine, grave et sobre, un peu triste, Madeleine , parfaite secrétaire de son ami Verrier, qui élevait parfaitement bien une fillette de 7 ans, qu'un garçon lui avait laissée en souvenir quelques années plus tôt...
Est-ce que Madeleine était le genre de fille qu'il épouse... ?
aurait aimé comme
Il freina brusquement à un feu rouge, stupéfait de cette question. Oui. Il se rendait compte, tout à coup, que ce qu'il avait tou jours obscurément souhaité, sans jamais se l'affirmer à lui-même : c'était une femme comme elle, intuitive, intelligente, souple et grave...
Il haussa les épaules pour se traiter d'imbécile. R ien de tout ce qu'il pensait sans y penser, tout en y attachant un reflet d'impo rtance n'aurait jamais lieu. Madeleine lui avait-elle jamais, laissé entendre qu 'il lui plaisait ? Il y avait entre eux une belle amitié naissante, et rien de plus. Il n'y aurait jamais rien d'autre.
Il constata, de plus en plus étonné de se poser tan t de questions sur elle, qu'à sa manière, Madeleine l'intimidait, qu'il lui portait une sorte de respect, et que c'était bien la première fois qu'une femme tena it ce rôle à part, presque privilégié, dans la vie de l'impénitent coureur d'a mourettes qu'il était.
Une heure après son départ de l'appartement parisie n, il stoppa devant le petit pavillon de banlieue dont Madeleine sous-loua it le rez-de-chaussée, où elle venait se reposer à chaque fin de semaine.
Dans un sourire heureux, il nota la lumière douce q ui filtrait au travers des lourds doubles-rideaux. Il aimait l'intimité de la salle de séjour que la jeune femme avait su aménager simplement, mais avec un go ût parfait. Il avait eu l'occasion de l'accompagner à plusieurs reprises, e t c'est dans cette pièce-là qu'ils avaient appris à se connaître, en bavardant devant un apéritif.
Il poussa la porte de bois, sourit à la rangée d'ir is dont les pétales luisaient doucement sous un éclat de lune attardé, et n'eut q u'à pousser la porte d'entrée que Madeleine avait laissée entrouverte.
Il se surprit à murmurer :
— Jamais plus... jamais plus...
***
Les yeux encore teintés d'appréhension, penché sur le corps allongé aux pieds de la table de bridge, il fixait le beau visa ge éternellement crispé dans cette expression de stupeur folle.
Bon Dieu, comme elle avait dû avoir peur avant de m ourir... Est-ce qu'elle avait eu mal ?
Il prit sa belle tête à deux mains et ses traits se figèrent dans une expression de dégoût. Le crâne avait éclaté et la masse des lo ngs cheveux bruns était poisseuse de sang et de matière cervicale.
Il ferma les yeux, essayant de se souvenir de l'exp ression de sa voix, de cette façon qu'elle avait pour sourire un peu trist ement, en penchant légèrement la tête en arrière.
— Jamais plus...
Elle avait dû mourir un quart d'heure après l'avoir appelé.
Il la reposa doucement sur le tapis. Il ne pouvait pas penser très clairement. Il lui était déjà arrivé d'être follement ému, seco ué, ébranlé, par une douleur, par une peine trop grande, et cela, il le savait, arrêtait momentanément sa lucidité.
Comment avait-elle été tuée ?
Il la regarda mieux, puis ses yeux avisèrent le lou rd, le curieux bibelot de bronze qui avait roulé sous le fauteuil. Par derriè re, ce coup, coup terrible, furieux, par derrière et sous la violence du choc, le crâne avait éclaté. On l'avait posée là sur le sol...
Il ferma les yeux, se sentit la gorge horriblement sèche, décida d'allumer une cigarette et se releva lentement. C'est alors q u'il eut conscience d'une
présence derrière lui. La voix impersonnelle dit :
— Bouge pas, vieux !
Il entendit le déclic du revolver, dont on ôtait le cran d'arrêt...
Et la colère furieuse, amère, un vrai raz de marée, passa sur lui, déferla, puissante, énorme, monstrueuse.
— Espèce de patate, gronda-t-il, t'as déjà vu qu'on peut menacer, comme ça, stupidement, un gars de mon espèce ?
Il fit un demi-tour sur lui-même, son pied et son p oing, simultanément, partirent. Le revolver alla échouer, dans un angle de la pièce, et l'agresseur inconnu se trouva sous lui, aux trois quarts groggy par la violence du coup de poing. Georges se pencha et, de toutes ses forces, lui asséna un uppercut dans u n« han »grands yeuxLa face de l'autre, un voyou pâle aux  douloureux. tristes, eut une moue étonnée, et il s'écroula pour le compte.
Georges se releva lentement, se frottant des phalan ges droites dans une grimace douloureuse. Il réfléchissait éperdument...
... À des tas de choses infiniment pénibles, et qui n'avaient aucun rapport avec le mystère présent...
... Est-ce que Madeleine avait pensé à Brigitte, av ant de sombrer définitivement dans cette mort crapuleuse ?
Il revit le sourire mutin, les cheveux courts et bo uclés de Brigitte, la petite fille de 7 ans qui n'avait pas eu de père, et dont la maman venait de mourir. Il avait gros cœur, il aurait pleuré comme un gosse...
Il jeta un regard absent au gars écroulé. Un type a vec une gueule pareille ne pouvait avoir aucun rapport avec une fille comme Ma deleine. Aucun.
Il tira enfin la cigarette de sa poche, l'alluma, é vitant de regarder le cadavre de Madeleine.
... C'est alors qu'il sentit la présence de quelqu'un derrière lui. Il n'eut pas le temps de réfléchir à la façon dont il allait se dét ourner, éviter le coup terrible qui, déjà, le jetait à terre, rugissant de douleur. Il s e sentit tomber dans un puits noir, profond comme toutes les nuits du monde, et s'écrou la en grognant, comme une bête.
II
Georges sor'ébrouant. Iltit de l'abrutissement comme on sort de l'eau, en s eut un long frisson, et grimaça un sourire à l'inte ntion des deux agents qui le regardaient avec une expression concentrée, et part iculièrement dénuée de tendresse.
Dans un angle de la pièce, reniflant des sanglots, la petite vieille, propriétaire du pavillon, fixait le détective privé comme s'il s'agissait d'un monstre redoutable.
Les yeux de Jo se détournèrent lentement pour aller chercher le corps de Madeleine. Elle était toujours là... Des souvenirs affluaient rapidement en lui, au fur et à mesure que sa respiration redevenait norma le, et qu'un semblant de lucidité revenait faire vibrer son crâne.
— Je le reconnais, dit la vieille.
— Bonjour, madame Masson, dit Georges dans un souri re absent.
— Il... il est venu l'accompagner trois ou quatre fois... Il...
Elle éclata en sanglots, car ses yeux, malgré elle, étaient venus de nouveau courir sur le cadavre de Madeleine.
— C'est atroce... Atroce...
Elle eut un sourire tremblotant et s'évanouit, fléc hissant brusquement sur ses jambes avec la souplesse molle d'un joujou arti culé.
— Où est le type qui m'a assommé ? grogna Jo.
Puis, il dit :
— J'ai soif.
Les flics continuaient de le fixer avec ce regard l ointain, vide d'expression.
Il sourit :
— Je fumerais bien une cigarette. Je peux ?
Ils approuvèrent tous deux, après s'être concertés du regard, dans un grognement approbatif, et Jo porta la main à sa poc he.
Il ne fallait pas, pour le moment, penser trop à la mort de Madeleine, à la présence de deux hommes au rez-de-chaussée dans le pavillon, mais au grotesque de la situation. Visiblement, la propriét aire, qu'un des agents s'efforçait de ranimer, avait entendu du bruit, éta it descendue, avait découvert le cadavre et Jo évanoui. Le voyou qu'il avait assommé avait dû être pris en charge en vitesse par son agresseur. Pour les agent s, que la vieille dame
Masson affolée avait dû prévenir en tremblant de pe ur au téléphone, pour me M Masson elle-même, Garnier avait trempé dans l'assa ssinat. Il était sans doute l'assassin lui-même. Ils imaginaient peut-êtr e qu'il s'était assommé tout seul ?
Le commissaire, les sbires de l'Identité Judiciaire allaient, d'un moment à l'autre, envahir le pavillon.
Georges bâilla, un petit pinçon l'étreignit désagré ablement au plexus solaire. Madeleine... Le problème que représentait l'assassi nat de Madeleine...
Il jeta un regard coulissé vers Madame Masson qui r evenait à elle en gémissant, et il reconnut dans un frisson désagréab le le bruit des moteurs qui annonçaient l'arrivée de ces messieurs...
Dans une vie déjà lourde en péripéties multiples, c 'était bien la première fois qu'il allait faire figure sinon d'accusé, du moins de complice. Le quiproquo serait de courte durée, on retrouverait trace de l'appel t éléphonique de Madeleine, on parviendrait aisément à...
Les pensées de Georges tournèrent court, il se soul eva pour accueillir dans un sourire mélancolique le commissaire Durteil, qu' il avait eu l'occasion de rencontrer à deux ou trois reprises au Quai des Orfèvres.
— J'ignorais votre affectation dans cette ville ! d it-il.
Durteil eut un sourire réticent. On venait vraisemb lablement de l'arracher à un sommeil puissant. Il avait encore les yeux gonfl és. Georges nota l'élégance raffinée, délicate. Bien qu'éveillé en sursaut, Dur teil n'avait pas omis de planter une épingle de cravate ni de plonger une pochette d iscrète dans son tailleur bleu de nuit :
— J'ignorais que nous aurions la surprise de nous r encontrer dans des circonstances pénibles, répondit-il.
Il jeta un regard amer au cadavre, ses yeux revinre nt à Garnier, il ne put réfréner un bâillement, puis se tourna pour donner, des ordres.
III
Garnier, l'œil furieux, posa brutalement son stylo, et après un long soupir :
— Mon petit Verrier, je crois t'avoir déjà expliqué que j'étais claqué... Je suis sorti de mes entretiens très spéciaux avec les sbir es de Meaux sur le coup de 4 heures du matin. J'ai reçu un coup de poing qui me laisse encore un cuisant souvenir... Moi aussi j'ai énormément de peine. J'a imais Madeleine... Enfin, je l'aimais bien... Tâche de répondre correctement aux questions posées... Tu ne savais rien d'autre sur elle ?
Verrier haussa les épaules. Il avait une pauvre gue ule défaite, et il était possible qu'il ait pleuré, pensa Garnier. La suppos ition creusa en lui de curieux cheminements. Il se sentait à la fois ému et perple xe. Verrier le dur, l'érudit, le businessman, celui qui avait révolutionné l'Édition policière en France, Verrier amoureux de Madeleine... ? Pourquoi pas, après tout...
— Je ne peux rien te dire de plus que ce que je t'a i déjà dit, fit l'éditeur d'une voix absente. À la suite d'une annonce, elle est en trée au standard il y a six mois. J'ai constaté qu'elle valait mieux que ce tra vail-là à la suite d'un remplacement. Elle est devenue sténodactylo pour le comité de lecture, puis ma secrétaire il y a trois mois. Elle était très culti vée, bien que nantie seulement du brevet commercial. Elle devait avoir eu de furieux coups durs. Je ne lui ai jamais posé de questions superflues, il y avait en elle un e réserve qui interdisait certaines choses.
Garnier réfléchissait, tête penchée. Depuis ce mati n — il n'avait pas dormi, se contentant de prendre une douche, de se changer et de se précipiter au bureau — il avait essayé de drainer tous les rensei gnements possibles sur Madeleine Fillon. Bernoux, son coéquipier, était da ns la nature, et Christiane elle-même était partie au volant du cabriolet quest ionner, mine de rien, la femme qui gardait...
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