Tropique de Belgique
252 pages
Français

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Description

« Ces fumées blanches sur fond de ciel bleu me font penser à des tirettes du paradis. J'adore cette expression. Adélaïde ne la comprend pas. Elle regarde cette scène mystique avec son body rouge, sans rien ressentir, ce ciel bleu unique et cette lune brumeuse qui maquille l'horizon ne la ferait pas du tout s'agenouiller devant tant de beauté. Même si je lui prouvais que dieu est là en train de remplir de bières les frigos sur la lune, elle hausserait les épaules comme maintenant. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 septembre 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342011647
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Tropique de Belgique
Stanley Nagel
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Tropique de Belgique
 
 
 
Le surréalisme c’est quand on pisse dans la bière du copain.
Et qu’il se trompe et l’avale.
Henry Miller. Aller Retour New York.
 
 
 
 
 
 
 
0 janvier 2000/Sainte Madame Pipi
Blanc et noir. Feuille blanche, lettres noires. Apparition lyrique fumiste. Chercher le meilleur début d’un roman, le clash dans les yeux d’un éditeur comme de dessiner une peinture vivante : le portrait de la pluie de sa pensée. Taper une phrase sans mot, effacer une idée sans but. La vie n’a pas de sens. Noir et blanc. Faire une photo du monde encerclée par la mort.
Salut, je m’appelle Auguste Nagel, je suis un poète belge de gauche nourri à crédit parmi la meute de martiens barakis nés sans savoir pourquoi. J’accuse rien du tout puisque tout le monde s’en fout. Je suis un spécimen athée, paresseux, assisté, profiteur et pourri, qui aime se reproduire comme des lapins. Je fais partie du Tiers-Con. Ma devise : Se lever pour une canette. Mon tatouage : Barbe Noire. Dents Jaunes. Nez Rouge.
Start. Que vois-je ? Dans le gris électrique de l’écran de mon ordinateur, j’aperçois une aube hallucinée, la mire télévisuelle. Première vision, première télévision, première description : la mire télévisuelle est sur ma première page. Ce n’est pas la fin du programme mais justement le commencement de ma nouvelle vie. Décrire le barakisme. Attendre que quelque chose se passe. Mythique mire noire et blanche, comme des mots croisés vides avec uniquement une ligne au milieu colorée de petits carrés jaune, turquoise, vert, rose, rouge et bleu, me plonge dans l’immobilité des premières années de la télévision, époque de ma naissance réelle. Quand il n’y avait pas de programme, c’était cette mire qui retransmettait le temps qui passe. Aujourd’hui, la mire station de ma vie anonyme va bientôt disparaître. Je vais être en direct. Antenne dans une page.
Je prends le risque incommensurable d’écrire ce que je pense. Je place mon index dans le vide. L’encre coule de source. Je réalise la chance d’être lucide à notre époque médiatique étroite. J’écris noir sur blanc : être fou. Je bronze ma pensée sous le lampadaire de mon bureau. Je suis prêt. Je suis capable du pire comme du meilleur, comme tout le monde. Descendre ou monter les marches de ma vie ? Je ne sais pas. Peu importe. Antenne dans une seconde ! Enlevez la mire !
Ce journal d’un baraki sera quelques minutes d’inspiration par jour, une flaque d’eau dans un océan pollué. Je lance déjà la pub de l’ennui. Je me lève pour une canette dans un livre engagé, absurde, belge, dérangé, banal, et comique. Je suis chaud. Mes sensations olympiennes entendent résonner un revolver fictif. Sprint au ralenti. Vais-je gagner ? Suis-je le dernier ? Je m’en fous. Inventer un drapeau à damier alcoolique. Tourner la caméra vers ma source secrète inspiratrice : se mettre à genoux devant la déesse Anaïs Nin, apparaissant dans ce paragraphe telle une vierge tzigane suceuse de bite sur ma deuxième page, tel un ectropion freudien grisé dans un calendrier d’artiste contemporain influencé par le dadaïsme. Victoire. Nous finirons tous à l’abattoir ! Cinquante ans après la publication du journal d’Anaïs Nin, le barakisme culte belge va connaître ses premières heures de gloire. Je me lance dans la bataille. Maintenant ou jamais. Prendre la plume, conjuguer sa vie au présent. Croix de bois, croix de bière, si je mens, je ne bois plus en enfer ! OK. Computer. Je suis une crucifixion absurde. Un Belge qui n’a peur de rien. Un clown punk forever.
1 er  janvier 2000/Saint Johnny
Auguste Nagel est une bulle dans un casier de bière. Je suis le cinquième rejeton du champion de Belgique du Streaking (courir tout nu lors des manifestations sportives) et d’une madame pipi catholique qui ne suçait pas de bite. Je suis né quelques années avant la fin d’un siècle puant le progrès dans une famille qui n’aurait jamais dû être si nombreuse. Bien entendu, comme je suis là, donc je suis.
Départ officiel. Aujourd’hui, le réveil n’a pas encore sonné. Jour férié sentimental. J’étais trop fatigué pour écrire le moindre mot. Aucune pensée en tête. Je me laisse aller. Je me laisse guider par les sursauts d’humeurs bizarres de ma femme Adélaïde qui décide délibérément malgré l’air glacial du dehors de faire notre première promenade du siècle dans notre village gris de War situé près de la petite ville électrique de Huy.
Sur les routes, nous n’avons croisé personne. Le vent secouait le silence. À midi, nous avons dévoré des tartines aux boudins au chou, suivi d’une digestion immédiate dans le divan dérangés par des maux de ventre désagréables dus à mes excès au champagne la veille, je faisais des pets pétillants dans mon slip Dim. Fallu changer la camisole intime après une douche rapide. Qu’est-ce que tu as ?
Le ciel couvert disparaît. Les phares sont allumés. Visite annuelle aux Cahottes pour les traditionnels bons vœux chez tante Irène et parrain Alphonse, membres de la famille de ma femme Adélaïde. Personnes simples et adorables. Une vie d’ouvrier à l’apéro. Respect total. Humour football les pieds sur un carrelage vétuste et un poêle à charbon surchauffé. Je me sens bien là-bas car ils sont toujours heureux de nous voir une fois par an. Adélaïde était leur petite princesse quand elle allait loger là-bas pendant les grandes vacances scolaires. Au menu, spaghetti belge, des litres de vins italiens et une montagne de gruyère suisse. Retour avec le brûlant vers 22 heures. J’étais épuisé à manger et à boire depuis deux jours. Bref, l’année commence normalement. La Belgique tourne en rond comme une partie du monde à se souhaiter mutuellement Bonne Année 2000 et surtout pas de guerre, pas de famine, pas de pauvreté, pas de mort. Mon cul ! Veux-tu une tasse de café ?
Couché dans le noir, chatouillait dans mon juke-box cérébral la chanson My sweet lord de George Harrison. À mon avis, gamin, quand mon père n’avait pas fait le zouave sur un terrain de football, mes parents écoutaient ce morceau-là en hiver avant de m’ordonner aller au lit après le feuilleton Les Galapiats .
2 janvier 2000/Sainte Jupiler
Il est 10 heures, l’heure de ma naissance, il y a de cela une trentaine d’années. À partir d’aujourd’hui, je vais vendre 30 millions de livres.
J’allume mon Yakumo Windows 98. Dois-je craindre le bogue informatique ? Mise en marche automatique. Aucun virus. Soulagé.
Bienvenue dans mon journal écrit avec un accent de baraki.
De suite, j’écris mon retard ci-dessus. Hier, j’avais pas la pêche, terriblement mal aux cheveux. Aucune inspiration. Je ne savais pas encore si j’allais commencer réellement ce journal d’une autopsie vivante d’un Belge proche du barakisme assaisonné d’un caractère à la mayonnaise, soit un peu mou mais onctueux, simple, sans haine, sans meurtre, sans actualité, sans Hollywood, dans un pays minuscule. Agenda de la banalité des choses.
Il était une fois… Je me laisse guider par l’imprudence. J’espère tenir mon carnet de bord quotidiennement. Même si je ne suis rien, même si je n’ai aucun point à mettre sur les i. Il m’arrive uniquement des trucs qui remplissent mes journées de Rien. Je m’en fous complètement. Libre. Rêveur. Écrire un roman. Écrire un roman belge, avec par exemple, tant que j’y suis, comme première activité à la quatrième page : le premier apéro du siècle.
Ainsi, ce dimanche midi, il était une fois, une fois, un Belge qui va boire son premier verre de l’an 2000 au Cerk, endroit idéal pour boire son premier verre du siècle avec ses amis. Mais, au Cerk, une fois qu’on y est rentré, il est difficile d’en ressortir vivant. J’avais promis à Adélaïde mon retour prévu vers je ne sais plus, pas trop tard, pour ne pas que le rôti rôtisse comme d’habitude quand je vais au Cerk me bourrer la gueule avec les soiffeurs célibataires du coin, spécimens locaux spécialisés dans l’abus de rasades de bières à la vitesse lumière. Comme c’était le premier apéro de l’année, je me certifiais avoir du caractère et me conduire dignement, tout en respectant mon engagement du dernier réveillon de Noël, je boirai moins après l’an 2000. Hélas, une fois ma bonne résolution un pied déposé dans ce guet-apens, avec ma main droite tendue vers les nombreux verres offerts par Pierre Paul et Jacques, tout le bonus théorique fit en sorte que mon retour prévu pas trop tard, pour ne pas que le rôti rôtisse, fut retardé plus ou moins très très tard, ce qui provoqua un sérieux froncement de sourcils féminin de la part de la mère de mes deux enfants adorés, vu mon allure clopin-clopant colorée d’une haleine aux cacahuètes trop salées et d’une odeur tabagique exagérée.
Il faisait noir, je crois, quand je suis rentré tout rouge pour dire que j’étais rentré et aussi pour dire que j’allais à côté, chez notre voisin beau-frère Fiesta, soit profiter d’une excuse pour continuer l’embuscade, car il invitait toute la bande de soiffeurs du Cerk à venir boire le verre de l’amitié dans son salon en ce début de siècle. Chez nous, chez les Belges fous heureux, il y a toujours une raison pour boire un verre même si on en a déjà bu vingt auparavant.
Donc, juste à côté de chez moi, je suis resté accroché avec toute la bande de dégénérés du Cerk de War qui était montée chez Fiesta. Nous avons bu un casier de bière en improvisant la première chaise musicale du siècle. Je suis tombé les quatre fers en l’air alors qu’il ne restait plus que quatre concurrents. Et, s

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