Un monsieur de Vichy
132 pages
Français

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Un monsieur de Vichy , livre ebook

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Description

Juin 1940 !


Les troupes allemandes progressent en France, provoquant un exode de la population.


Une foule hétéroclite tente de quitter le pays par tous les moyens.


Gonza, Sud-Américain de naissance, récemment naturalisé français, cherche, comme les autres, à fuir l’avancée de l’armée ennemie, emportant avec lui sa fortune édifiée sans peine ni scrupules.


À Hendaye, face à la masse grouillante s’agglutinant à l’entrée du pont pour franchir la Bidassoa, Gonza se gare à l’écart afin de réfléchir.


Un homme l’aborde et lui propose de l’aider à traverser la frontière contre quelques billets.


Devant la mine patibulaire de l’individu et le fait qu’il semble bien renseigné sur ce qu’il transporte avec lui, Gonza refuse et se rend à Biarritz.


Il y croise à nouveau la même personne.


Apeuré, Gonza reprend la route pour Vichy, ville dans laquelle va siéger le tout nouveau gouvernement français.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9791070035061
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Inspecteur Sive
UN MONSIEUR DE VICHY
UN MONSIEUR
DE VICHY
Roman policier

par H.-J. MAGOG

D'après la version publiée en feuilleton sous le titre « Un monsieur de Vichy » dans le journal « Le Matin » en 1941.
CHAPITRE PREMIER
En pleine panique

En vue du pont d'Hendaye — les premières feuilles de la seconde semaine de juin 1940 s'effeuillaient des calendriers — le gros Gonza arrêta sa voiture, une belle auto de marque étrangère, qu'il n'avait évidemment pas achetée d'occasion.
Il regarda la foule : une fuite de rats dérangés dans leur festin et rivalisant de vitesse pour atteindre le trou sauveur et y disparaître. Gonza était naturellement du nombre.
À cause des yeux charbonneux, fendus en amande, à la fois rusés et naïfs, inquiets pour l'instant, on pouvait le penser natif de Buenos Aires ou de Santiago de Cuba. Mais, Argentin ou Cubain, il avait renié ses origines et, depuis peu, se proclamait Français.
Depuis bien peu ! Et pourtant, la récente cassure, que les événements avaient infligée au temps, le fossé, l'abîme creusé entre hier et demain, faisaient que cette naturalisation de fraîche date paraissait remonter à une autre époque. Et c'était vraiment une autre époque.
Elle n'en était que plus fragile, cette naturalisation. Le pratique Gonza le sentait si bien qu'il s'apprêtait à fuir sa patrie d'adoption. Cela ne signifiait pas qu'il dût quitter d'un cœur léger cette terre de France, si accueillante — trop accueillante, hier ! — sur laquelle il avait su, sans trop de peine et moins encore de scrupules, édifier une fortune.
De Paris, par Bordeaux, son élan avait porté jusqu'à la Bidassoa et s'était brisé devant le barrage humain, qui obstruait les abords du pont international.
Un tumulte ! Une clameur ! Une panique ! On s'interpellait dans toutes les langues. Il fallait remonter loin dans l'histoire du monde pour retrouver et se représenter pareil spectacle. C'était Babel, au moment de l'abandon, de la confusion des langues, des pensées et des sentiments. C'était la même révélation subite qu'ils étaient les uns pour les autres des étrangers, impuissants à se comprendre. C'était encore le même regret de l'entreprise délaissée, la dissociation des égoïsmes, se bousculant pour fuir. Mais les chariots et les attelages des temps lointains étaient remplacés par des files d'autos surchargées encombrées, que leurs occupants désemparés, se sentaient prêts à troquer contre la moindre des choses : un visa, une possibilité de franchir, fût-ce à pied et presque sans bagage, l'infranchissable barrière.
Gonza avait connu ces trépignements d'impatience, ces imprécations lancées dans tous les idiomes, ces colères, ces désespoirs. L'offre et la demande ! Ce qu'elles auraient pu jouer, alors ! Mais il n'y avait pas d'offres. Rien que des demandes.
— Mon royaume pour un cheval !
Ceux de la fuite en Espagne changeaient la formule :
— Une fortune pour un visa !
« Je suis parti trop vite, pensait Gonza, effaré. À Bordeaux, j'aurais eu plus de chance... par mer, peut-être. »
Mines et torpilles lui apparaissaient maintenant des dangers négligeables. Il se sentait disposé — trop tard — à en courir le risque, à croire en son étoile. Ici, il y avait trop de monde. Le coudoiement l'inquiétait. Il se sentait les poches trop pleines pour ne pas craindre la bousculade.
Et ne parlait-on pas, dans cette foule angoissée, d'autos visitées, de butin confisqué ? Diable, diable ! Les policiers étaient peut-être plus à craindre que les voleurs !
Pour mieux réfléchir, il se dégagea de la foule, gara son auto à l'écart.
Un homme vint à lui.
— Vous voulez passer ?... Attention ! Ils ne laissent pas sortir l'or.
Le visage de Gonza était aussi fermé qu'une frontière. Méfiance naturelle. Que lui voulait cet olibrius ?
— Il faudrait en avoir, grogna-t-il.
L'Individu le toisa, le soupesa, le scruta.
— Vous en êtes truffé, ricana-t-il. Cela se voit... Voulez-vous un conseil d'ami ? N'essayez pas ici. Êtes-vous homme à lâcher deux cents billets ? Je me charge de vous conduire. Je connais un passage. Ce soir, vous coucherez en Espagne…
Le fuyard hésita, tenté. Ce n'était pas la somme qui l'effrayait mais bien l'homme. Non que celui-ci eût la mine d'un bandit de grand chemin ni qu'il se rapprochât du type, plus moderne, du gangster de cinéma, importation américaine. À Paris, Gonza en avait rencontré de tels dans les restaurants chics, dans les thés et dancings chers, dans les antichambres de ministres, à la buvette de la Chambre
L'inconnu parlait sans le moindre accent. Vêtu avec élégance, la boutonnière vierge de tout ruban — prudence ou dédain — il portait beau, entre quarante et quarante-huit ans, solide, sportif, le teint frais, l'œil clair et vif, le menton volontaire, la bouche railleuse. Rasé, naturellement — comme un acteur ou l'auditoire d'une conférence. Tous ses cheveux. Brun, sans excès. Des mains soignées, des bagues. Rien d'inquiétant, en somme, à l'exception d'un je ne sais quoi, que flairait Gonza.
Et d'abord, pourquoi cette offre de service un peu louche ? Cela effaçait la bonne impression qu'aurait pu faire le personnage. Et pourquoi cette allusion à l'or supposé en la possession du fuyard ? l'individu ne cherchait-il qu'à gagner deux cents billets, ou méditait-il une opération d'autre envergure ?
Pris de peur, Gonza s'écarta.
— Merci, refusa-t-il d'un ton rogue. Je préfère attendre. Je ne suis pas tellement pressé.
— J'aurais cru le contraire ! ironisa l'homme. À votre aise. Mais vous regretterez peut-être l'occasion... Si vous changez d'avis, vous pourrez me retrouver au Bar de la Plage. Demandez monsieur Gustave. Au plaisir !...
Il avait feint de s'éloigner — seulement feint. Trois fois de suite, Gonza revit sa silhouette, perdue dans la foule.
« Il me guette... Il attend peut-être l'occasion de me dépouiller ou de me dénoncer ? »
Cette dernière hypothèse emporta sa résolution. Remontant en voiture, il rebroussa chemin, fila sur Saint-Jean-de-Luz et ne s'arrêta qu'à Biarritz.
Le soir même, assis à la terrasse d'un café, il y revoyait l'homme installé à une table voisine.
Monsieur Gustave le fixait. De la main, il lui adressa un petit salut ironique.
« Tiens ! Vous êtes là ?... Moi aussi, vous voyez. Comme on se retrouve... quand on ne se cherche pas ! »
Sa mimique disait tout cela et bien d'autres choses encore. Pour ne pas laisser voir son trouble presque la peur, qui pouvait se lire sur son visage, Gonza baissa les yeux, parut s'intéresser uniquement au contenu du verre placé devant lui.
Édulcoré d'un sirop, un amer l'emplissait. C'était jour d'apéritif.
Couleur et goût, la boisson s'harmonisait avec ses pensées. Ne broyait-il pas du noir ? Un requin était dans son sillage.
Cette comparaison imposait une association d'idées. Il ne la repoussa point. Le bateau ! Que n'avait-il pris le bateau !
— Moi sur le pont, ce type-là sur le quai, j'aurais moins peur, regretta-t-il. Il ne m'aurait pas suivi à la nage.
Tandis qu'en auto ? La sienne était en bordure du trottoir. Surveillant furtivement monsieur Gustave, il vit que celui-ci s'y intéressait et faillit sourire.
— Me juge-t-il assez stupide pour avoir caché dedans ce que j'emporte ? Il faudrait être bien naïf.
Les regards de l'individu se partageaient d'ailleurs entre la voiture et lui. Monsieur Gustave n'était décidément pas homme à lâcher la proie pour l'ombre.
« Il ne se contenterait pas de l'auto, songea mélancoliquement Gonza. Si je pars à pied, c'est moi qu'il suivra. Et ce serait pire. Voici la nuit qui vient et le black-out. Les rues ne sont pas sûres. »
De plus en plus l'air, de Biarritz lui semblait malsain, désagréable à respirer.
— Ce serait trop bête d'y laisser ma peau... ou ma bonne galette ! se lamenta-t-il. Pourquoi m'éterniserais-je ici ? Si ce garçon a de mauvaises intentions à mon égard, il faut absolument que je le sème.
C'était moins une décision qu'un désir. Il lui restait à le réaliser. Il ne s'y décidait pas et s'éternisait à la terrasse. C'était d'autant plus stupide qu'il n'avait rien à gagner à tergiverser.
Qu'attendait-il ? Il lui suffisai

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