Une louve en hiver
274 pages
Français

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Description

« — Tu vois, et c'est un peu le paradoxe à Lausanne. En dehors de l'horreur, tous ces lieux interlopes, non contrôlés, contigus à ceux très organisés et maîtrisés de la ville, lui donnent des allures mystérieuses, souvent émouvantes. Ces lieux d'exception, comme abandonnés, offrent par ailleurs un sentiment de liberté parcouru parfois d'inquiétude. Malheureusement ils peuvent finir par devenir une scène de crime dramatique. » En Suisse, une jeune femme nue d'une rare beauté est retrouvée morte sur un tapis de neige immaculée. Chargé de faire la lumière sur le meurtre, Louis Salieri de la police criminelle est bouleversé par cette sordide mise en scène. L'enquête tâtonne, jusqu'à ce que le principal suspect soit également assassiné. La mort de ce simple ouvrier dans une entreprise de construction déclenche une succession de révélations qui conduisent finalement sur la piste du véritable coupable. Patrick Mestelan signe un roman policier dont l'originalité tient à la fois à son art de la narration qu'à l'exotisme du décor helvétique où il se déroule.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2019
Nombre de lectures 9
EAN13 9782342165128
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une louve en hiver
Patrick Mestelan
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Une louve en hiver
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
 
« À la belle paysanne qui a fait ses humanités. »
 
C.F. Ramuz
Prologue
Herr Schoenried était inquiet. Dans sa belle demeure de Pully, au bord du lac Léman, il attendait une information qui tardait à arriver sur sa boîte e-mail. Il savait que l’avion était parti à l’heure d’Istanbul et avait bien atterri à Zürich. Et puis plus rien. Il aurait dû faire signe.
L’appartement de deux cents mètres carrés s’ouvrait sur le lac et les Alpes. Situé au deuxième étage, il n’était pas gêné par le premier plan et la promenade longeant le lac. «  La Suisse se socialise toujours plus » pensa-t-il, « surtout ici, en Romandie. Avec leurs plans directeurs cantonaux, à vouloir rendre tout le bord du lac accessible à n’importe qui ! Une honte ! Heureusement que les bords du lac de Zürich ne prennent pas le même chemin » pensait amèrement le chef d’entreprise. Un œil sur le coucher de soleil au bout du lac, au-dessus de la chaîne du Jura, et sur son ordinateur, il repensait à ce coup de fil : « Que venait-elle faire par ici ? Personne ne la connaissait ». Il avait toutes les raisons de se méfier, n’ayant plus l’âge de l’innocence. Au téléphone, elle parlait français avec un accent très français, de la capitale. « Elle n’est pas Suisse. » Le fait qu’elle vienne le voir de la part de l’un de ses amis français l’étonnait. Du côté des amis français, ce n’est pas ça qui lui manquait. Les succursales de son entreprise lui avaient fait connaître beaucoup de monde. Un peu dans tous les milieux, y compris celui de la politique. Sa maison avait son siège social à Zürich et avait « avalé » (on dit « fusionné » pour être politiquement correcte) passablement de concurrents.
C’était pourtant sur les bords du Léman qu’il préférait habiter : un des rares lieux en Suisse où l’on peut percevoir l’infini. Bien sûr, il y a le Bodensee, trop allemand et romantique, ou encore le haut du Cervin, trop fatigant et froid. Ici, il s’imaginait être au bord de la Méditerranée. Il y venait le plus souvent possible, surtout pour ses affaires. Sa femme préférait rester à Zürich, dans son quartier bourgeois et boisé du Zürichberg, dominant la ville. L’eau lui faisait peur, elle n’était bien qu’à la montagne. Et puis, il savait qu’elle aimait être seule, du moins sans son insupportable époux. Il la soupçonnait de le tromper, parce qu’il était au fond de lui-même quelqu’un de soupçonneux, de méfiant et de mauvais. Il voyait le mal partout. Pourtant, il donnait le change en s’efforçant d’apparaître comme un bon papa loyal pour beaucoup de monde, surtout pour ses amis.
Le whisky était délicieux, un quinze ans d’âge venant des îles. Il sirotait en attendant les nouvelles et repensait à ce coup de téléphone : que lui voulait cette femme ? Manifestement, c’est bien lui qu’elle venait voir. Était-elle journaliste ou flic ? L’un comme l’autre, il les détestait. Cependant, il était bien conscient du fait qu’il avait besoin des journalistes pour faire mousser ses affaires immobilières. Quant aux flics…
Avec la mode écolo, il devait faire très attention à ce qu’il racontait aux journalistes : « les imbéciles, ils gobent n’importe quoi, pour autant qu’on a du pouvoir et qu’on sait les manœuvrer. Ou alors ils vous mettent en charpie si vous avez le malheur de leur faire comprendre qu’ils ne sont pas de votre milieu, ou que leur intelligence est limitée. Ils le supportent très mal et vont chercher des poux dans la tonsure qu’ils ont préalablement encensée ». Le scandale est un excellent argument de vente…
La nuit tombait doucement et la soirée s’annonçait terriblement douce.
Herr Schoenried était un homme grand, corpulent et athlétique. Tête carrée de militaire, il avait les cheveux coupés court et gris. Toute l’année, son bronzage rappelait des îles enchanteresses, que d’ailleurs il fréquentait. Séduisant et charmeur quand il le voulait, son bronzage ne dissimulait pas pour autant la légère couperose de son visage, signalant l’excès des bonnes choses de la vie.
 
Il était de plus en plus nerveux. La nouvelle qu’il attendait ne se manifestait pas et son ordinateur était tout aussi calme que le Léman écrasé par la canicule.
Herr Schoenried était un homme de décision et de commandement. Il ne se trompait que très rarement sur ceux et celles qui travaillaient pour lui. Macho, il était plein de contradictions : il pouvait confier certaines tâches importantes aussi bien à des femmes qu’à des hommes.
Ce soir, avant tout, il attendait des nouvelles d’un jeune homme débrouillard et plein de ressources. Il avait une foi très grande en son avenir ainsi qu’en celui de la nouvelle génération. Imbu de lui-même, de son pouvoir et de ses connaissances, il n’en demeurait pas moins fidèle aux anciens et attentif à la jeunesse. S’il accumulait les défauts, sa mémoire ne l’avait jamais trahi. Il se souvenait du temps où il avait eu beaucoup de difficultés pour faire des études. Ses parents, de modestes agriculteurs du canton de Saint-Gall, n’avaient pas les moyens de les lui offrir. Pour devenir ingénieur civil, il avait dû travailler dur. La plupart du temps, il passait ses nuits à bosser. Sa corpulence et sa souplesse sportive lui avaient ouvert les portes des services de sécurité. Dès lors, il avait fréquenté l’École Polytechnique Fédérale le jour, et la nuit les bas-fonds de la ville. Il ne lui manquait rien pour qu’il puisse avoir une idée précise sur le monde interlope de l’ombre. Il s’y était fait des relations, si ce n’était des amitiés. Ne devant rien à personne, d’une grande intelligence et ne redoutant pas de mouiller sa chemise, il avait réussi à se faire une belle place au soleil, selon ses propres critères. Mais il avait toujours gardé de l’intérêt pour une jeunesse qui, comme lui, essayait de s’en sortir. Et quand il pouvait l’aider, il le faisait, mais jamais de manière désintéressée.
Schoenried pensa à la veuve de son vieil ami. Il imaginait que ça l’aiderait à passer le temps. Une très belle femme, qu’il avait toujours aimée secrètement. Il s’était bien gardé de le lui dire, mais il supposait qu’elle le savait. Raison pour laquelle elle avait toujours été très distante avec lui. Lors du vivant de son mari, il n’avait jamais eu le moindre geste déplacé ou sous-entendu. Il connaissait l’amour que se vouaient ses deux amis, même si lui n’était pas toujours franc du collier. Le savait-elle ?
C’est avec cet ami qu’il avait monté son affaire, qui avait remarquablement prospéré. Ils avaient fini par amasser une fortune et l’entreprise avait joué un rôle que la veuve n’avait jamais soupçonné.
À la mort de son partenaire, elle avait hérité de la moitié des actions de la SA. C’était pour lui une raison supplémentaire de la mettre dans son lit. Hélas, il n’en avait jamais eu l’occasion.
Pour calmer son impatience, il repensa au jeune homme que le couple lui avait présenté il y a déjà plusieurs années.
N’ayant pas pu avoir d’enfants, ce garçon était devenu un peu son fils, à qui il avait appris le métier. Mais il devait rester prudent, car il ne connaissait pas précisément les sentiments que son amie éprouvait à l’encontre du jeune homme : de l’indifférence, de la crainte, de l’intérêt, ou encore de l’affection ? Dans l’ignorance, il gardait pour lui toutes les éventuelles démarches qu’il entreprenait auprès du garçon. Il avait longtemps hésité à le mettre au courant afin de le faire participer à ses affaires. Pourtant, plus d’une fois, il lui avait semblé qu’il paraissait intéressé. Le Zurichois avait une règle dans son travail : le silence est d’or.
Il se demandait si le jeune homme ne lui faisait pas comprendre, très discrètement, qu’il était informé, tout en lui démontrant sa fiabilité. Il avait un côté charmeur et chaleureux, mais il pouvait tomber facilement dans l’autre extrême, toutefois avec une grande maîtrise.
C’est cette attitude qui avait poussé Schoenried à l’informer. Il lui avait précisé le rôle qu’il serait appelé à jouer, en l’avertissant tout de même que la charge serait lourde et risquée, lorsqu’on travaille avec l’argent. Il avait choisi, l’été, au bord du lac, un restaurant avec une table extérieure et ombragée, distante des autres, pour lui parler. À deux pas du port de Pully, on pouvait y apprécier une très bonne cuisine et une belle carte des vins. C’était un établissement qui offrait encore une vaisselle de qualité, accompagnée de serviettes en tissu blanc.
Le jeune homme l’avait écouté sans l’interrompre une seule fois, ce qui lui avait fait plaisir, lui qui aimait la discipline. Cette attitude l’avait conforté dans son choix. Quand il avait commencé par lui dire qu’il voulait lui parler de quelque chose de sensible et privé, le garçon l’avait regardé dans les yeux comme pour lui signifier : « je t’écoute », et cela avait été tout. À la fin de l’exposé de Schoenried, il lui avait serré la main en le regardant au plus profond des yeux.
« Merci de ta confiance. »
C’était donc bien à lui qu’il avait confié la mission pour laquelle il attendait la réponse. Malgré le retard, il était certain de ne pas s’être trompé sur la personne de son ambassadeur.
Son esprit revint à la belle veuve. S’il la désirait ardemment, elle l’angoissait par ailleurs

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