Une perle rare
194 pages
Français

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Description

Une statuette de l'inspecteur Dupont, un collectionneur mis sur la touche par un commissaire, un malfrat avec des doigts comme des pinces de crabe, un gamin qui cherche un deuxième père, une femme en quête de l'amour, et une mafia dont les ramifications semblent multiples et les procédés pour se débarrasser des « gêneurs » expéditifs... Tout semble pourtant débuter paisiblement dans ce premier roman policier de Jean-Christophe Rauzy... Mais chaque nouveau chapitre, chaque rebondissement nous entraîne sur deux pistes, celle d'un trafic et celle d'une histoire sentimentale. L'auteur a inventé un personnage aussi fade au premier abord qu'étonnant au fil des pages. Entre lui et un jeune garçon perdu, un lien se tisse. Il ne sait pas que c'est aussi cet adolescent qui va le conduire dans les bras d'une perle rare, au cours d'une aventure où, si personne n'en sort indemne, l'honneur, lui, est sauf.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mars 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342049244
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une perle rare
Jean-Christophe Rauzy
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Une perle rare
 
 
 
 
 
 
 
— Monsieur Lambda, une lettre !
Lambda ne bouge pas.
— Vous avez du courrier !
Lambda ne saisit pas bien. Depuis le temps qu’il habite ici incognito, jamais Lambda n’a reçu le moindre mot, le moindre bout de papier manuscrit ou tapé.
Son nom prédestiné, une personnalité sans relief ne lui ont jamais ouvert qu’une seule porte, celle qui conduit au réduit dans lequel il vit, dans ce quartier morne, incolore.
Qu’il doive ouvrir sa boîte à lettres lui semble incongru, déplacé. Il vient d’effectuer son deuxième tour du pâté de maisons, celui des « chines », et il n’aspire qu’au repos. La seule marque de couleur alentour peut s’éloigner sur son destrier bleu et jaune, la casquette réglementaire vissée sur le front, Lambda saisit la rampe et monte.
Serrant dans sa main droite la 223 e réplique de Dupont avec un T, il entre enfin chez lui, et s’assoit.
Et bien sûr, ce n’est qu’une fois ces gestes faits qu’il se souvient que la télécommande n’a plus de piles. Et comme d’habitude depuis près d’un mois, il la fixe quelques secondes, qui traîne sur le buffet, et décide qu’elle y restera.
Devant son écran désespérément vide, à l’image de sa vie, Lambda s’endort.
 
 
 
La Chine
 
 
 
— Approchez les mémés, approchez les mémés, approchez les ménagères ! Il est frais mon maquereau, il est frais !
— 7 h 30 ? constate, amer, Lambda ! Déjà ?
Un faisceau de lumière jaune orangé confirme la levée du jour, à la jointure des deux tissus qui habillent la seule fenêtre digne de ce nom de l’appartement que Lambda a déniché, sous les toits de la rue Dejean, dans le 18 e .
Nous sommes fin avril et la couleur du matin annonce les beaux jours.
— Approchez les mémés, app…
L’espagnolette a sauté, sous la poigne vigoureuse de l’homme qui déteste être réveillé, et les deux battants sont maintenant hermétiquement clos. Le poissonnier fait ses affaires en silence, Lambda fait ce qu’il sait le mieux, le somme du matin. Tout juste a-t-il lancé un œil vers sa cafetière pour vérifier que le programmateur a bien fonctionné, et que le chant du café passant le filtre a commencé.
La tête bien calée sur son traversin, Jean Lambda a rejoint le monde des rêves, des envies et des souhaits.
L’espace a beau être réduit à une seule grande pièce, il est ordonné. Au dos de la porte d’entrée, deux portemanteaux, un rouge, un vert. Un gilet à grosses cottes de maille, gris, à manches longues, est suspendu côté rouge, et une vieille veste bleue, en velours frappé, semble avoir épousé le côté vert. Toujours sur la porte, une grande enveloppe est punaisée. À l’intérieur, un passeport, et un certificat de mariage. Et des photos, en format identité, de toute sa famille. Sa mère, une souriante joufflue, trop maquillée, son frère, visage émacié, des orbites creusées, un léger strabisme, Son grand-père, en noir et blanc, sourcils épais, yeux bien noirs, front large et haut, des cheveux blancs soigneusement rejetés en arrière, son épouse, peu souriante, chignon bien tourné, petites lunettes, dessous de nez légèrement duveté. On trouve aussi sa sœur, réplique de sa mère en moins fardée, et lui aussi, plus jeune, dents en avant gâchant un sourire généreux aujourd’hui disparu.
Toujours sur la porte, un parapluie est accroché à un autre clou, en plein milieu.
Le buffet prend tout le mur perpendiculaire à l’entrée. C’est un monument, style année 50, avec des boutons en fer pour ouvrir, des vitres en verre soufflé, et un large espace entre la partie basse et le vaisselier, où sont disposés avec soin divers objets. Un broc en faïence et sa cuvette indiquent une hygiène un peu « passée », avec près du bord un gant, et dans un petit bac en cuivre, crème à raser, rasoir, blaireau, brosse à dents, dentifrice, lait de toilette. Le savon est dans le gant. Une horloge début de siècle, en imitation d’albâtre, accompagne le décor du meuble. Au-dessus, une poupée en porcelaine semble sourire vers le lit occupé. Des clés entre le broc et l’horloge, et quelques pièces de monnaie. L’œil s’arrondit tout de suite devant les assiettes dépareillées, qu’elles soient plates, creuses ou petites, dès que la première porte du meuble s’ouvre. Les plats aussi marquent leur nuance de l’un à l’autre, sans compter les tasses de café et de thé, et leurs soucoupes, derrière la deuxième porte. En s’attardant sur tout ce bric-à-brac, on remarque en fait l’unicité de chaque élément, comme si cela était un effet de style volontaire. Le bas du meuble comporte quatre tiroirs, et autant de placards. Dans le premier tiroir, même constat que pour la vaisselle : les couverts sont dissociés : une fourchette en argent, une en fer blanc, d’autres en inox, des cuillers unies, faisant bon ménage avec d’autres cuillers de style, largement ciselées. Les trois autres caissons occupent la fonction tour à tour de caisse à outils, de comptabilité, et de mémoire, avec dans ce dernier tiroir des cartes postales du monde entier côtoyant des photos de vacances datant et « datées ».
Quant aux quatre placards, chacun sa fonction : bar, et on s’aperçoit vite que les petits vins cuits suffisent au bonheur du locataire ; assortiment de verres à eau, à orangeade, à apéritif, à vin, pour lesquels la notion de service demande la même démonstration que pour les assiettes et autres couverts ; un stock d’ampoules, de rallonges électriques, et autres petites bricoles, tournevis et pinces, et enfin, dans le dernier compartiment, deux vieux postes de radio, un fer à repasser et un grille-pain.
Dans le minuscule espace qui sépare ce fourre-tout du mur, une petite étagère supporte fièrement un téléviseur miniformat, dont la télécommande est à l’angle du buffet, prête à tomber. Sur le mur une fenêtre à deux battants avec ses rideaux, et juste à côté, deux portraits se faisant face, ceux du père et du grand-père. Une table de chevet emplit juste la surface qui sépare le lit du mur. Dessus, une vieille lampe, et un livre intitulé : « pour ne pas partir sans laisser d’adresse… »
Le lit est un lit double, qui marque une ancienne présence, ou l’espoir d’une arrivée. Le couvre-lit est rose, avec un passepoil beige, qui donne à ces deux éléments associés un côté désuet indéniable. Sur le traversin initialement blanc, on distingue quelques taches, qui proviennent sans doute de ce léger filet de salive qui coule lentement à la commissure des lèvres de Lambda, les nuits agitées.
Enfin, de l’autre côté du reposoir, une porte ouverte révèle la présence d’un lavabo, qui semble servir à la fois de lave-linge, et d’évier. Une chaussette semble assise à califourchon sur le robinet, comme si elle se reposait d’une dure journée. Sa sœur jumelle, exténuée, gît au pied du lit.
Sur la tapisserie du dernier mur, Lambda a écrit une phrase, comme un slogan :
« si tu n’arroses pas tes plantes, n’achète pas de pot. »
Et juste en dessous, deux initiales : JL, Jean Lambda.
Au pied de cette « pensée », un sac plastique, qui contient le dernier Dupont de la collection que bichonne Lambda. Il n’a malheureusement plus de place sous son lit, pour l’associer à tous ses frères. Jean vient de se tourner, ce problème accapare ses pensées. Sous son vieux matelas et son sommier rouillé, 222 Dupont font honneur à leur réputation, stoïques, insensibles à ces réalités domestiques. Pourtant, il s’est battu pour le 223 e membre de la famille.
 
En tintinophile averti, Lambda furète sur les marchés et les brocantes de tout Paris. Aujourd’hui, à Saint-Ouen, il sait qu’il a une chance de compléter la famille. Et puis, dans un univers où à la solitude vient se substituer l’envie de créer son propre monde, il faut savourer ses plaisirs, avec tout l’égoïsme possible. Il a bien remarqué, en « chineur » consciencieux, un étal tenu par un vieux bonhomme, l’œil apparemment rivé à un journal, le mégot de cigarette roulée au bord des lèvres, largement jauni par une absence de prise d’air. Depuis trois semaines, il est là, chaque mardi et jeudi, et il possède l’objet des convoitises obstinées de Lambda.
Jean a bien cru avoir enlevé le morceau, il y a dix jours, en feignant de s’intéresser à un vieux vase chinois de la région de Shanghai, mais le vieux bougre avait dû déceler son premier regard vers le Dupont de bois, et il en avait exigé un prix trop élevé, lorsque le locataire de la rue Dejean s’était tout à coup enquis de connaître les conditions de la statuette hergéenne.
Aujourd’hui, avec son idée en tête, et parce qu’il a volontairement négligé ce coin des puces depuis quelques jours, Lambda s’approche du vieux bonhomme, calé sur son tabouret, cigarette au bec, et journal ouvert, masquant son visage.
— Ça se vend bien vos statuettes ?
— Lesquelles ? répond une voix enrouée, sans se départir de son attitude.
— Celle qui ressemble à un personnage de bande dessinée ! ose Jean.
— Vous devriez le savoir, vous êtes le seul à vous y intéresser depuis que je suis là !
Le bonhomme a redressé la tête.
— Remarquez que je comprends tout à fait votre passion, je suis de Locronan, au cœur de la Bretagne, et ma mère devait avoir dans son grenier plus de 500 Bécassine différentes.
— Effectivement ! c’est impressionnant ! mais personnellement, c’est juste de la curiosité !
— Comme la semaine dernière ? ou celle d’avant ? je sais plus, quand vous m’avez entretenu sur un vase de Chine tout en louchant sur Dupont ? vous collectionneriez Tint

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