Vies croisées à contretemps
318 pages
Français

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Vies croisées à contretemps , livre ebook

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Description



Un matin de 1989, lorsque Raoul quitte Ivanna Vladimirovna, rien ne lui laissait présager qu’il ne la reverrait plus jamais. Et pourtant, 51 ans plus tard en 2041, Raoul, 84 ans, reçoit un coup de téléphone qui va bouleverser sa vie et celle de ses proches.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 mai 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414217588
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194, avenue Président Wilson – 93210 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-21756-4

© Edilivre, 2019
Chapitre 1
Ce début d’après-midi, le téléphone avait sonné et rapidement le ton avait monté. Raoul Duval qui n’aimait ni les imprévus ni être dérangé dans ses habitudes, soupira en s’appuyant contre la tête de lit. D’un pas alerte et sec, Carole Duval, sa femme, approchait.
La porte poussée violemment claqua contre la cloison de la chambre, elle entra :
– C’est qui encore ? lui demanda-t-il.
– Une certaine Delahaye, de Nice ! Elle ne veut parler qu’à toi, tiens !
Il saisit le combiné.
– Allô ! Bonjour Madame.
– Bonjour Monsieur Duval, je me présente ; je m’appelle Evguénia… Evguénia Delahaye. Mon prénom ne vous rappelle probablement rien et mon nom ne le peut évidemment pas… C’était il y a si longtemps, en 1989… J’habitais Chambéry, une enfant de dix ans.
– Que me dites-vous là pouvant me concerner, Madame ? Vous devez faire erreur, car votre prénom ne m’évoque effectivement rien du tout !
Impatiente, Carole Duval lui faisait des signes afin qu’il raccroche au plus vite.
– Monsieur Duval…
La voix de l’inconnue était douce, presque faible.
Raoul Duval se glissa hors du lit et s’assit sur son rebord. Prenant sa femme à témoin, il haussa le ton :
– Eh bien ! dites madame ! À mon âge…
– Vous devez avoir un peu plus de quatre-vingts ans, dit-elle, d’une voix attentionnée.
– Quatre-vingt-quatre ! s’écria-t-il, surpris. Vous m’ennuyez madame, cela suffit !
– Mais raccroche donc ! Oui, cela suffit comme ça ! Nous ne la connaissons pas cette femme, c’est tout !
– Monsieur Duval, reprit-elle, embarrassée, en ce temps-là, je m’appelais Doumanovska…
Instantanément Raoul Duval devint livide, ne pouvant plus articuler un mot…
Carole Duval voulut s’emparer du combiné, mais d’un regard inconnu pour elle, il la stoppa. Excédée elle quitta la chambre en claquant la porte.
– Vous… vous… Vous avez bien dit Doumanovska ?
– Oui… Je suis sa fille.
– Sa fille ! La fille d’Ivanna Vladimirovna ! Vous êtes la fille d’Ivanna ! Attendez Madame, attendez…
Le combiné avait manqué lui échapper. Sa respiration était saccadée et forte, et comme souvent il s’employait à calmer ses maudites palpitations…
« Plus de cinquante ans… Ivanna ! » Il parlait haut, pour lui seul.
Enfin, il reprit…
Chapitre 2
Son corps grêle, osseux et voûté, soutenait avec peine ses bras filiformes qui pendaient ballants le long de ses jambes. Assis au bord du lit, Raoul était seul, les yeux hagards et emplis de larmes, il fixait le sol.
Evguénia venait de raccrocher ; elle lui avait dit… S’il se souvenait d’Ivanna ? Mais comment aurait-il pu l’oublier – elle –, sa muse ?
Il fouillait maintenant les tréfonds de sa mémoire ; couche après couche, il remontait sa vie. Une à une, toutes les barrières tombaient… Il n’entendit les pas de Carole qu’au tout dernier moment, à peine le temps d’essuyer ses yeux, qu’elle entrait déjà :
– Alors ça y est ! Tu as quand même raccroché, plus d’une demi-heure !
Devant son état, inquiète, elle s’assit près de lui et d’un ton plus calme, elle lui demanda :
– Mais que se passe-t-il ? Qui était donc cette femme ?
– Rien… C’était il y a si longtemps, en 1989…
– Mais enfin Raoul… Parle-moi, tu es blanc comme un mort, tu me fais peur. Qui était-ce ? Pourquoi cet appel ?
– Je préfère en parler avec Clarisse, avant…
– Avec Clarisse ! Avant moi, ta femme !
– Carole…
Sa voix était faible et son regard l’implorait.
– Je voudrais t’y voir – toi – à ma place ! Nous sommes mariés depuis quarante-six ans et il m’apparaît aujourd’hui que tu sembles me cacher quelque chose depuis toutes ces années !… Mais ? Mais…
Elle le regardait comme si elle avait maintenant auprès d’elle un étranger à sa vie.
– Oh ! non, ce serait trop horrible !
– Quoi ! Que vas-tu imaginer ?
– Ce que je m’imagine ? Ah ! ne me prends pas pour une idiote, Raoul !
– Mais enfin, que veux-tu dire ?
– Ce que je veux dire ! Ce que je veux dire ! Eh bien, je pense que cette femme… est ta fille ! Une fille cachée, ou pire : oubliée ! Oh la malheureuse, tu me dégoûtes ! Avant, au début, j’aurais compris, j’aurais tout accepté, aujourd’hui, non. Non ! Non !
Il se leva, lui prit tendrement les mains et les serra au creux des siennes. Elles étaient bien amaigries par les années, leurs mains, toutes tremblantes, toutes jaunies, leurs peaux étaient devenues trop fines, à la limite de se déchirer. Il la regarda alors droit dans les yeux et lui dit :
– Carole, ma chérie…
Il s’arrêta de parler en songeant qu’il y avait bien longtemps qu’il ne l’avait plus appelé ainsi.
– Comment peux-tu seulement imaginer une pareille chose ? Je serais un monstre… Mais bien sûr que non ! je te le jure sur ce que nous avons de plus précieux : sur notre fille, sur nos petits enfants ; cette femme n’est pas ma fille.
Presque timidement, il déposa un baiser sur son front… Il préférait sortir…
Au moment de quitter l’appartement, il se retourna… mais plus encore aujourd’hui il devait la faire sa promenade. Au moment de presser le bouton, il hésitait encore, mais il le fallait… L’ascenseur se mit en mouvement.
Pour rejoindre sa coutume journalière le long du lac, Raoul n’eut qu’à traverser le boulevard Robert Barrier. Sa proximité immédiate avec le lac du Bourget 1 fut la raison pour laquelle le couple Duval acheta cet appartement en 2020. Situé en face de l’esplanade d’Aix-Les-Bains, l’immeuble qui l’abritait offrait avec ses façades jaunes, ses colonnes et ses balustrades blanches, un aspect toujours moderne et leur procurait beaucoup d’agréments…


1 . Le lac du Bourget est situé en Savoie, c’est le plus grand lac naturel de France
Chapitre 3
Encore tout abasourdie, Carole demeurait assise sur le bord du lit. Elle n’avait pas bougé depuis le départ de Raoul. Elle ne comprenait absolument rien à ce qui se passait. Elle tombait des nues. Elle n’avait pas le moindre indice pouvant la mettre sur une voie. Son mari n’avait pas le vice du mensonge, c’était sa seule certitude.
« Si elle ne l’est pas… », elle en refusait le mot, « Qui est-ce ? Pourquoi est-il dans un tel état ? »
Contrairement à Raoul, Carole n’avait pas un tempérament nostalgique. Elle ne visitait jamais le passé et elle ne conservait pas les choses, ce qui dans beaucoup de circonstances la rendait plus forte que lui, mais aujourd’hui, elle mesurait combien son tempérament allié à sa force de caractère était aussi un point faible.
« Je saurai ! Je saurai ! » cria-t-elle hors elle.
Ses coudes osseux prenaient appui sur ses vieilles jambes maigres et son visage reposait dans le creux de ses mains, ses yeux vert-gris ne regardaient rien. La première pensée qui lui vint fut tout naturellement celle de leur rencontre : vers la fin de l’automne de l’année 1994… Mais rien dans le comportement ni dans les fréquentations de Raoul à cette époque, ne lui permettait d’entrevoir le plus petit soupçon. Au contraire… Un flash de leur jeune vie la saisit… Dodelinant un peu la tête, elle en sourit et des petites larmes mouillèrent l’ovale de son visage. Vivement, elle se leva et machinalement rajusta sa robe.
Devant la grande glace, le visage perdu, elle redonnait forme à son carré. À quatre-vingt-deux ans, elle était restée coquette, ses cheveux bruns étaient presque noirs. Tout dans son allure laissait supposer la beauté de son jeune temps…
Chapitre 4
Sur l’esplanade, Raoul marchait le long du muret longeant le lac et il se remémorait chaque parole d’Evguénia… Après tout ce temps… Et pourquoi voulait-elle parler à Clarisse ?
Au cours de leur conversation, il lui avait incidemment appris qu’il avait une fille… Elle avait refusé de lui en donner le motif, mais elle l’avait assuré que si Clarisse refusait de l’appeler, elle en resterait là et qu’il n’entendrait plus parler d’elle.
Il devait donc tout expliquer à Clarisse, il n’avait pas d’alternatives, car il voulait absolument savoir… Mais comment lui raconter ? Oui – lui raconter –, il n’avait commis aucune faute et il n’avait donc rien à avouer, ni à sa fille ni à personne.
Mais que savait-il en réalité de ces deux femmes ? Que signifièrent réellement les départs, les absences et les réapparitions d’Ivanna ? Pourquoi ses incessants changements de comportements et d’humeur envers lui ? Il l’avait sublimée, elle fut pour lui au-dessus de toutes les autres femmes ; sa classe, ses talents et sa beauté n’eurent pour lui, pas d’égales. Mais il l’avait aussi détestée et haïe… Aujourd’hui encore, il doutait et elle demeurait la grande question de sa vie. Elle alla très souvent à Nice… Elle partit à New York.
New York ! Malgré les décennies, la même et tenace question le taraudait… et son sourire, là-bas, l’obsédait toujours… Cette photo, la lui avait-elle offerte à cette seule fin ?… Trois mois, elle le laissa trois mois sans aucune nouvelle, un silence total, pas même un numéro de téléphone où la joindre, trois interminables mois. Et il n’en eut même pas l’idée… ne fusse que pour entendre sa voix !…
Michel Tellier, l’unique témoin de leur rencontre, il ne la vit qu’une seule fois… lui conseilla souvent de cesser de voir cette femme, elle profitait de lui ! Il refusa toujours de l’entendre.
Ivanna le rendait meilleur, une métamorphose bénéfique s’opérait alors en lui : sa manière de vivre changeait radicalement, jusqu’à voir sa vie d’avant comme vulgaire et petite. Ne lui avait-elle pas montré certaines clefs à sa disposition ? Ne lui avait-elle pas dit qu’elle devinait en lui des capacités dont il n’avait pas conscience et que celles-ci ne demandaient qu’à éclore ? Qu’il suffisait pour cela de les y aider ! Mais elle lui avait aussi reproché son tempérament trop soucieux et

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