Salon de François de Neufchâteau
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Salon de François de Neufchâteau , livre ebook

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Description

Extrait : "Une des choses les plus étranges de notre Révolution, c'est qu'après ce qu'on vient de lire, après les horreurs qui se commirent encore longtemps après le 9 thermidor, le régime de comité de Salut public et de la Convention aurait duré peut-être bien longtemps, si la division ne s'était pas mise entre ces même gens, qui étaient, après tout, des hommes, bien qu'ils ne parussent que des bêtes, que des bêtes féroces, et les faiblesses de notre nature furent qui..." À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes. 

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Publié par
Nombre de lectures 22
EAN13 9782335047936
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335047936

 
©Ligaran 2015

Salon de François de Neufchâteau
Une des choses les plus étranges de notre Révolution, c’est qu’après ce qu’on vient de lire, après les horreurs qui se commirent encore longtemps après le 9 thermidor, le régime du comité de Salut public et de la Convention aurait duré peut-être bien longtemps, si la division ne s’était pas mise entre ces mêmes gens, qui étaient, après tout, des hommes, bien qu’ils ne parussent que des bêtes, que des bêtes féroces, et les faiblesses de notre nature furent ce qui nous sauva dans eux.
Aucun de ceux qui formaient les Comités n’était supérieur ; ils avaient compris seulement que la machine de terreur une fois montée, cela seul suffisait pour faire aller toute la France dans la route tracée par ces hommes mêmes qui ne voulaient d’ailleurs que détruire, et ne demandaient que le silence et l’obéissance. Trois moyens furent exploités par les Comités pour dominer la foule : la disette, et même la famine : l’abondance du papier-monnaie, ou plutôt la rareté de l’argent ; et enfin l’enthousiasme qu’excitaient les victoires et l’admirable conduite de l’armée : avec les assignats, on payait le peuple quand il devenait trop remuant, et il ne regardait pas si ce qu’on lui donnait était ou non du papier ; avec ce mandat, il allait boire et rire : avec la famine, on lui faisait peur : avec la gloire, on l’excitait, et il partait joyeux, lorsqu’après un mouvement pour résister à la réquisition, le comité de Salut public faisait publier une grande victoire ; et même, arrivé à l’armée, en voyant ses camarades sans pain, sans argent, sans souliers, le nouveau soldat ne murmurait pas et marchait toujours, même après avoir entendu l’ordre du jour lu par le sergent de Raffet.
Robespierre lui-même n’avait aucune supériorité sur ses collègues ; seulement il eut le talent de les dominer et de prendre l’initiative… J’ai connu particulièrement à Arras des personnes qui l’avaient connu dans son enfance, et me disaient de lui qu’il était surtout irrité de son infériorité envers les autres ; sa figure était ignoble ; son teint pâle, ses veines d’une couleur verdâtre, son regard de chat-pard , lui donnaient un aspect repoussant. On voulait quelquefois trouver de l’esprit dans son sourire, mais ses lèvres fines et blanches ne donnaient que l’expression méchamment sardonique d’une sensation ou envieuse ou moqueuse. Il était ensuite très superficiel dans ce qu’il savait, et toute sa science se bornait à quelques idées attrapées dans ses lectures ; du reste, profondément ambitieux et hypocrite…
Le règne de la Terreur fut surtout celui du despotisme absolu ; ceux qui parlent de ce bienheureux temps et le rappellent de leurs vœux, au nom de la République et de la liberté, ne savent guère ce qu’ils veulent, les pauvres simples !… non seulement le système du régime de la Terreur est fondé sur le despotisme, mais ce même despotisme l’est lui-même sur l’avilissement des hommes. Quoi de plus abject, en effet, que l’état de crainte et d’abrutissement où nous étions réduits, devant ces prisons et ces échafauds de 93 ? Ce silence et ce calme avec lesquels on recevait la mort n’étaient, après tout, que de l’engourdissement ; seulement ils habillaient, de vieilles figures avec de nouveaux vêtements, mais les personnages étaient les mêmes, rien n’était changé dans le fond, la forme seule avait une apparence différente. Voyez combien les Comités craignaient la liberté de la presse ; elle leur était plus redoutable qu’au système féodal même : aussi était-elle extrêmement limitée. Pourquoi craignaient-ils, s’ils avaient eu une conscience calme, et que même leurs fautes fussent le produit de leurs croyances ?
Tout fut détruit ; on ne voyait plus une seule voiture dans tout Paris ; plus de livrée, même la plus simple ; tout ce qui possédait encore quelque chose s’absentait de Paris. C’est pour le coup qu’on pouvait trouver une application pour ces vers.

  Nous quittons nos cités, nous fuyons aux montagnes,
  Nous ne conversons plus qu’avec lies ours affreux.
À peine le jour baissait-il, que chacun se renfermait dans sa maison, tremblant d’en être arraché pendant la nuit, et d’avoir son sommeil troublé par une troupe de bandits qui vous en arrachait avec violence pour vous jeter dans un cachot d’où l’on ne sortait presque toujours que pour aller à la mort, sans savoir même quel était le crime pour lequel on mourait : car souvent ce crime était d’avoir envoyé un secours à un père, à une mère mourant de faim dans l’exil !… Et ces misérables osaient encore parler le langage de la douce familiarité… Une fraternité était COMMANDÉE par eux !… fraternité de sang ! fraternité de Caïn, qui n’était scellée que par le meurtre et le pillage… Les démagogues étaient attaqués d’une sorte de folie cruelle qui devait être un sujet d’étude bien curieux pour ceux qui observaient nos malheurs d’un lieu où ils avaient sécurité. La folie la plus étrange, l’aberration stupide, avaient remplacé les lois, la morale, l’ordre et la paix dans l’intérieur des familles… La morale !… croira-t-on un jour à venir qu’une récompense de cinq cents francs était adjugée à la jeune fille qui, sans être mariée, donnait des défenseurs à la patrie ?… Ainsi la bâtardise, la légitimité, avaient, non pas les mêmes droits, mais se voyaient placées en sens inverse de tout ce qui est prescrit même dans les peuplades sauvages. Ici l’immoralité, le vice, obtenaient une récompense… Le mot affreux mis sur les assignats : «  Le tiers au dénonciateur !  » peut aller de pair avec cette odieuse récompense…
Dans les rues de Paris, toujours si populeuses, si remplies de cette foule empressée, affairée, qui va, vient, circule, cause, rit ou pleure, en allant toujours, on ne voyait plus que des gens mal vêtus, marchant d’un pas craintif, redoutant tous les regards, même celui d’un ami… On n’entendait d’autre bruit que celui des crieurs publics hurlant les décrets de la Convention et la liste des morts de la journée.
À notre élégance native, à ce soin scrupuleux de la personne, qui est chez tout Français un besoin impérieux, avait succédé, pour les hommes, le vêtement du bagne ; pour les femmes, celui des habitantes de la halle et des faubourgs… Le nom des rues était également travesti dans toute cette longue et terrible saturnale ; celui qui arrivait d’un pays lointain, et avait à remettre une lettre rue Richelieu, devait savoir, avant de se mettre en course pour la chercher, quelle s’appelait rue de la Loi : car, la demander sous son ancien nom suffisait pour le faire arrêter et le mettre en suspicion .
Les hommes, les femmes, avaient changé leurs noms contre les plus absurdes, et cela avec la plus complète ignorance. Brutus, César , étaient confondus par eux, et souvent on en a vu qui, pour avoir un nom ressemblant aux autres, s’appelaient indifféremment Tarquin ou Sylla !…
Les spectacles étaient devenus des lieux infâmes où bien souvent une mère ne pouvait y conduire sa fille… Et puis quelle distraction trouver dans des pièces révolutionnaires où quelquefois l’instrument du supplice qui décimait la France était sur la scène, au mépris de tout sentiment humain. Avant le lever du rideau, on chantait la Marseillaise en chœur, le dernier couplet à genoux…, et l’on a vu…, oui, cela s’est vu en France, dans ce pays si connu par son urbanité et sa douceur de relations, on a vu pour intermède, dans plusieurs spectacles, un acteur venir lire la liste des victimes de la journée !… Et à la suite de cette infamie, il chantait une chanson dont le refrain était à chaque couplet :

  Ils ont fait une oraison,
  Ma guainguerainguon,
  À sainte Guillotinette,
  Ma guinguerainguette.
Et lorsque les spectacles étaient gratis , on voyait sur une grande affiche et en énormes caractères :

  DE PAR ET POUR LE PEUPLE SOUVERAIN !
– Pauvre peuple !…
La mort elle-même, la mort naturelle même n’était ni suivie, ni précédée d’aucune de ces cérémonies que les sauvages eux-mêmes accordent aux le

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