Esmeralda
80 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
80 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Dans un futur plus ou moins lointain, après une de ces guerres spatiales absurdes qui a vu la Terre triompher de Mars où vivaient des Terriens sécessionistes, les hommes partent explorer d’autres galaxies.


Marko débarque sur Esmeralda. Une planète-jungle hostile, peuplée d’êtres monstrueux, mi-animaux mi-végétaux. Les colons y survivent à peine et se débattent dans une utopie pathétique ; ils savent qu’ils ne partiront pas de la planète et ajoutent à la violence endémique des lieux l’injustice propre à l’espèce humaine.


Esmeralda est le premier volume des Voyages sans retour, une quadrilogie à l’écriture fluide, elliptique et captivante, donnant à lire une vision de la perdition de l’humanité dans le cosmos suite à ses anéantissements successifs.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782940700387
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Bernard Fischli, 2018 pour le texte
© Krum, 2018 pour le dessin de la jaquette
© Hélice Hélas Editeur, 2018
Maquette graphique : Christiane Steiner
ISBN Numérique : 9782940700387
www.helicehelas.org

Collection Cavorite et calabi-yau
dirigée par Jean-François Thomas
Introduction

Il y avait eu la guerre.
Enfin, une guerre de plus. Mais celle-là avait été interplanétaire. Et les deux planètes en question avaient dégusté.
L’une, c’était Mars. Enfin, la colonie martienne. Des gens qui vivaient sous verre. Des tas de gens qui étaient partis là-bas pour essayer de commencer une nouvelle vie, et qui trimaient pour survivre. On les avaient appelés les Martiens, assez vite. Mais c’étaient juste des humains qui crevaient là-bas, parce que Mars, ce n’est pas vraiment un endroit accueillant. C’est froid, sec, irrespirable.
L’autre, c’était la Terre. Un endroit à peine plus vivable que Mars, à vrai dire  : chaud, sec et presque irrespirable. Et grouillante d’hommes. Près de douze milliards, avant qu’on ait arrêté de compter. Crevant de faim, de soif, de maladies. Des cités énormes, des conflits partout. Il y a toujours des bruits de flingues. De la fumée noire qui obscurcit le ciel.
Je ne sais pas comment cette guerre a commencé, ni quand, ni pourquoi. Une histoire d’e mbargo, à ce qu’on m’a dit. On a su que c’était la guerre quand on a commencé à prendre des bombes atomiques sur la gueule.
La Terre a gagné, faute de combattants. Les Martiens ont été exterminés. Nous, ici, on l’a senti passer aussi. Il y a eu des millions de morts. Certains disent des milliards, mais je ne crois pas. La Terre et Mars se sont balancé des missiles nucléaires, mais les Martiens étaient meilleurs à ce jeu. D’accord, la cible était plus grande, mais ils avaient un truc qui les rendaient indétectables. Ça s’appelle le Saut. Un machin va d’un point à un autre sans passer par le milieu. C’est ça qu’ils utilisent maintenant sur les vaisseaux qui partent pour les colonies.
Les colonies, c’est ces planètes que l’armée prétend avoir découvertes, là-bas, très loin dans l’espace. En tout cas, c’est un aller simple. Si tu t’embarques, tu ne reviendras pas ici, ou alors dans des siècles, quand il n’y aura plus personne sur Terre. Il y en a des tas qui partent. Ceux qui n’ont plus rien à perdre, c’est à dire la plupart des gens.
Je n’en suis pas encore là. Je préfère un enfer connu à un paradis inconnu. Et puis je n’y crois pas, qu’il y ait des Terres toutes neuves là-haut. Mars, c’est la porte à côté et c’est déjà invivable. Alors plus loin...
Et ici, c’est encore chez nous. Moche, irrespirable, dangereux, mais chez nous. Et même sacrément chez nous  : nous sommes une des dernières espèces vivantes, à ce qu’il paraît. En tout cas, les bêtes, il ne reste que des petits machins qui piquent, vous filent des maladies et vous bouffent vivant. Mais les bêtes les plus dangereuses, c’est nous.
On verra. Quand tout s’effondrera, que tout le monde commencera à bouffer son voisin, je m’en irai aussi. Pour le moment, ça tient encore. Il y a l’armée, les milices du quartier. L’usine de bouffe synthétique tourne toujours. On a de l’électricité, quelques heures par jour.
Ça tient encore.
1 : Alpha

La forêt avait toujours représenté pour Marko le refuge enchanté où il pouvait oublier, pendant de trop courtes heures, les souffrances de son enfance. Les hurlements de son père, les pleurs de sa mère et de sa sœur, le sentiment diffus mais tenace que les choses n’auraient pas dû se passer ainsi, la douleur sourde qu’il éprouvait devant la scène quotidienne des querelles, des reproches, des insultes... Ah, il y avait les coups aussi. Fréquents.
Le transport militaire sentait la graisse de machine, l’urine et la sueur. Comme ses huit cent soixante compagnons de voyage, Marko avait hâte de quitter cet engin inconfortable. Il voulait tourner enfin le dos à tout ce qui rappelait la Terre et entamer sa nouvelle vie. Que laissait-il d’ailleurs ? Son père avait fait une mauvaise chute de trop, sa mère avait plongé dans une sorte de rêve éveillé alimenté par des doses sans cesse croissantes de médicaments obtenus au marché noir, sa sœur avait fui depuis longtemps le domicile à peine familial pour survivre en faisant le trottoir... non, vraiment, Marko n’avait pas quitté grand-chose.
Esmeralda. Comme d’autres noms, Océania ou Mandragore, celui-ci l’avait fasciné lorsqu’il était gosse. Il avait un temps tenté de s’engager, mais après la Guerre, la Force Spatiale Terrienne avait été forcée de réduire ses effectifs, et de toute manière ses qualifications étaient bien insuffisantes. Il avait renoncé à ses rêves depuis longtemps lorsque l’occasion de partir pour les colonies s’était présentée. On lui avait dit que ce serait un voyage sans retour. C’était précisément ce qu’il désirait.
Bercé par les romans bon marché de son enfance, il s’était vu monter à bord d’un engin colossal et aseptisé, on l’aurait mis dans une sorte de sarcophage blanc et le voyage aurait passé comme un clignement d’yeux grâce à un sommeil artificiel. Quand il avait vu le transport de troupes usé qui attendait sur la piste d’envol battue par la pluie, il avait eu sa première mauvaise surprise.
La deuxième avait été l’extrême inconfort du vol jusqu’à l’espace : les accélérations, les secousses, la place ridicule mise à sa disposition... le transport de troupes était un engin militaire, et aucun effort n’avait été entrepris pour le rendre confortable. Les soldats qui avaient occupé leurs places durant la guerre représentaient une certaine valeur, en termes d’entraînement et d’équipement. Les colons en partance pour Esmeralda n’en avaient aucune.
La troisième surprise, et de loin la pire, avait été celle du Saut.
Quand il avait voulu se renseigner sur l’hypersommeil auprès du personnel d’embarquement, il avait provoqué les sourires las des employés qui devaient essuyer quotidiennement les questions les plus saugrenues et les plus inquiètes.
– Vous ne pensez tout de même pas que vous allez franchir soixante-dix années-lumière en dormant, non ? Vous allez Sauter dix-sept fois en une semaine-vie, et vous dormirez comme vous pourrez, avait lâché le préposé aux cartes d’embarquement, avant de se désintéresser de lui.
Les semaines-vie, comme les jours-vie, correspondaient au temps physiologique à bord d’un vaisseau se déplaçant par Sauts, le temps terrestre n’étant plus applicable. En fait, le voyage prendrait effectivement soixante-dix ans pour un hypothétique observateur. Si Marko avait voulu effectuer un aller-retour Terra-Esmeralda, il serait revenu un siècle et demi après son départ... voilà quelle était la signification de « voyage sans retour ».
Les haut-parleurs du transporteur avaient annoncé le premier Saut avec quelques minutes d’avance. Les passagers devaient regagner leur siège-couchette et boucler leur harnais. Marko l’apprit plus tard, cette précaution servait surtout à maintenir la discipline parmi les passagers. Mais comme il n’en savait rien au début du voyage, il obéit consciencieusement et un peu craintivement. La voix du pilote était dure, celle d’un homme habitué à commander plutôt qu’à rassurer.
Un écran, placé en hauteur au bout du couloir central, affichait le décompte. Lorsqu’il atteignit zéro, Marko eut l’impression d’être retourné comme un gant, un peu comme s’il se vomissait lui-même. Il se tourna vers son voisin de droite, un homme d’âge mûr à la peau mate :
– Nous sommes dans l’hyperespace ? lui demanda-t-il. L’homme ne répondit pas : la tête plongée dans un sachet, il régurgitait son dernier repas. L’odeur assaillit Marko qui saisit son propre sachet de justesse.
– Premier Saut effectué, nous sommes à un parsec et demi de la Terre. Prochain Saut dans quatre heures, aboya le pilote.
– Le temps de recharger les propulseurs, fit la passagère assise à gauche de Marko, une femme maigrichonne aux cheveux gris coupés court.
– Si j’étais vous, jeune homme, je m’arrangerais pour garder mon repas la prochaine fois... ils sont plutôt pingres avec la nourriture par ici. Et pour répondre à votre question, nous sommes dans l’espace normal. Nous n’avons jamais été ailleurs, pas plus qu’un électron ne se déplace entre deux orbitales. Leslie Hartmann, fit-elle en tendant une main sèche à Marko, qui la serra mollement.
– Sur les engins de guerre plus grands, comme les croiseurs, ou mieux encore sur les vaisseaux d’exploration de la Force Spatiale, les propulseurs sont plus puissants, on peut Sauter jusqu’à 10 parsecs d’un coup. Et ils rechargent plus vite. Un Fureteur atteindrait Esmeralda en une seule journée. Mais bon, inutile de rêver, ce n’est plus pour nous... continua Leslie, sans vraiment sembler s’adresser à Marko.
– Vous semblez bien connaître la technique, ce n’est pas votre premier Saut, n’est-ce pas ? s’enquit Marko, la gorge encore irritée par l’acide de son estomac.
– Non, pas le premier. Mais j’ai fait comme vous la première fois. On a tous fait ça... fit-elle en désignant d’un coup de menton le sachet que Marko tentait de dissimuler. Son regard bleu acier se voila tandis qu’elle semblait plonger dans ses souvenirs. Elle secoua la tête comme pour les chasser.
– On s’habitue vite, vous verrez. Arrivé à Esmeralda, ça va presque vous manquer. Puis elle s’absorba dans son livre et Marko compris que la conversation était terminée. Il songea : Plus que seize Sauts. Je me demande à partir de combien on s’habitue...
Pour lui, la réponse fut : davantage que dix-sept. Au quatrième, il vomit de la bile. Au neuvième, du sang. Au onzième, il s’évanouit. Ainsi qu’à tous ceux qui suivirent.
Trois passagers moururent. Deux hommes et une femme, plus âgés que Marko, certes, mais pas beaucoup. L’équipage les retira de leurs sièges sans discrétion, et les corps furent emmenés à l’arrière. Si certains se risquèrent à poser la question sur le traitement qu’on réservait aux dépouilles, ils ne reçurent aucune réponse. Marko doutait qu’on les emmenât jusque sur Es

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents