Humanoïd feelings

Guillaume Orgias-Manzoni

Description

Dans un avenir proche, résolument anxiogène, Bess 2.0 s’éveille à la vie. Survivre devient alors sa priorité absolue. Morgane, étudiante universitaire, s’apprête quant à elle à partir sur Sister One, une exoplanète source de nombreux espoirs, malgré les zones d’ombre de cette expédition humaine possiblement sans retour, comme le silence inexpliqué des premiers colons, ou bien encore la surveillance de ses faits et gestes quotidiens.
Entre thriller psychologique et quête identitaire romanesque, Humanoid feelings vous invite au cœur d’une intrigue addictive qui se déroule parallèlement au Canada et aux confins de l’espace.
« L’intuition est l’apanage des êtres humains, je ne peux me fier qu’à ma logique. » (Bess 2.0)

Sujets

• Science Fiction
• Fiction

Informations

• Publié par: Edilivre
• Date de parution: 14 décembre 2018
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782414295982
• Langue: Français

Extrait

Couverture
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Cet ouvrage a été composé par Edilivre
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ISBN numérique : 978-2-414-29599-9

© Edilivre, 2018
Dédicace
 
à Karen,
 
Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé serait purement fortuite.
Chapitre 1 er Bess 2.0
11 février 2033, Province de l’Alberta – Canada
Ses pas alourdis s’enchaînaient dans la neige compacte. Bess ne redoutait aucunement l’approche du blizzard et trouvait même cette sensation de froid plutôt agréable. Depuis quand était-elle d’ailleurs sensible aux variations de température ? Bess pensait à cela, ainsi qu’aux derniers évènements qui annonçaient déjà un grand chamboulement dans sa jeune existence, tout en s’enfonçant toujours plus profondément dans la poudreuse nacrée.
Pieds-nus et vêtue d’une simple blouse blanche, elle progressait inlassablement vers le point localisé plus en aval des premiers reliefs vallonnés.
« Ce gîte n’est sûrement plus très loin. », songea-t-elle.
Elle leva son regard vers les nuages dont la blancheur se confondait avec celle des plaines parcourues, puis scruta l’horizon avec sa ferveur initiale.
«  Il faut qu’elle soit là-bas… » .
Son corps longiligne se faufilait parmi les résineux, disparaissant parfois sous leurs branchages enneigés, au beau milieu de ce panorama glacial tout droit sorti d’un conte d’Andersen.
Au bout d’une heure de marche soutenue, elle s’arrêta quelques instants au sommet d’une falaise pour contempler la vue panoramique imprenable sur la vallée et la majestueuse chaîne montagneuse.
« Il me reste tant de beauté à découvrir dans ce monde.  ».
* *       *
Bess explora les abords d’un second lac avec une détermination infaillible, puis longea la lisière de la forêt en direction du nord.
«  L’intuition est l’apanage des êtres humains, je ne peux me fier qu’à ma logique.  » .
Inépuisable et nullement gênée par la réfraction lumineuse, elle marchait sans jamais ralentir sa cadence en décortiquant du regard chaque aspérité de la couche neigeuse. Décelant des empreintes de pas, elle s’agenouilla pour en apprécier la profondeur avec un visage parfaitement impassible.
«  Individu de corpulence moyenne : 1m73 pour environ 57 kilogrammes. ».
Elle déporta son regard dans le prolongement des traces avant de repartir à grandes enjambées dans la direction empruntée. Les pas irréguliers imprimés dans la neige la conduisirent au cœur d’un nouveau sous-bois. Bess se contorsionnait avec une habilité remarquable entre les branches caressantes des sapins baumiers, lorsqu’elle aperçut enfin le chalet recherché, à moins d’une trentaine de mètres de sa position.
Elle s’accroupit aussitôt dans la neige pour poser sa main bien à plat dans la première trace de pas accessible.
«  Empreinte effectuée il y a 58 minutes, 32 secondes… ».
Une avidité grandissante anima son regard transformé. Elle se releva en esquissant l’ébauche d’un sourire et courut à toute vitesse jusqu’à l’habitation. Elle s’adossa contre la façade et s’immobilisa pour se concentrer prioritairement sur les bruits perceptibles.
« Nous y sommes… ».
Elle commença à longer les bardeaux de cèdre blanc puis tendit prudemment son cou dans l’embrasure d’une première fenêtre pour inspecter l’intérieur. En dépit d’un vitrage totalement embué, son scan fut aussi bref que précis.
«  Une table rectangulaire entourée de quatre chaises, une tasse à café, un frigidaire derrière un comptoir en bois, une grande parka noire accrochée sur un porte-manteau mural, une paire de bottes usagées, un vieux sac à dos tout effiloché… ».
– Que cherchez-vous ?!
«  Voix féminine d’origine humaine, seuil d’agressivité non optimal, distance : cinq mètres. ».
Bess se retourna avec un calme olympien, découvrant ainsi celle qui la tenait en joue avec un vieux fusil. S’immisçant spontanément dans la profondeur des iris de la jeune femme, elle éprouva un sentiment de familiarité assez étrange, mêlé d’impatience.
« Dilatation des pupilles, tachycardie sinusale. ».
– Vous êtes qui ou quoi exactement ?! lança l’inconnue d’une voix chancelante.
«  Âge estimé : trente-deux ans. Taille : un mètre soixante-treize, analyse de la fréquence vocale, reconnaissance faciale… Sujet identifié. Accessoires : veste en cuir, ceinture métallique,… ».
–  Bon sang, répondez quelque chose !
Les lèvres charnues et parfaitement symétriques de Bess se décollèrent pour répliquer d’un ton monocorde :
– Je suis un être humanoïde de toute dernière génération.
– Je m’en serais doutée ! Qui pourrait parcourir ces plaines glaciales en tenue si légère sans risquer de mourir d’hypothermie ?!
La jeune femme la dévisageait à présent avec des yeux hagards, perturbée par sa ressemblance criante avec l’intruse hormis ses cheveux bruns légèrement plus foncés et bien plus courts que les siens, seuls éléments distinctifs les différenciant réellement.
– Qui êtes-vous précisément ? balbutia-t-elle en proie à un trouble évident.
– Je me prénomme Bess 2.0, mon appellation d’usine initiale… Peut-être pourriez-vous baisser votre arme ? Je ne représente aucune menace pour vous, Noémie.
– Comment pouvez-vous connaître mon prénom ?! s’exclama-t-elle en redoublant d’agressivité.
– Votre identité figure sur mon certificat de mise en service. Vous êtes bien Noémie Stevensson, n’est-ce pas ? Voulez-vous vérifier par vous-même ?
– Vous savez bien qu’il est facile de falsifier n’importe quel document ! ironisa l’individu avec une nervosité grandissante. Que venez-vous donc faire ici ?!
– Le portrait résiduel holographique de mon acquéreuse pourrait pourtant finir de vous convaincre, insista posément Bess 2.0.
– Me convaincre de quoi, au juste ?!
– De mon identité précise. Faites un effort de mémoire, Noémie. Je suis la réplique que vous aviez commandée quelques temps avant votre hospitalisation. Une équipe technique devait procéder à la fusion de vos pensées avec mes propres données pour parfaire votre réplique ; votre opération à cœur ouvert risquant d’engager votre pronostic vital. Souvenez-vous : vous ne souhaitiez pas que vos parents puissent perdre leur fille unique ; c’était pour cette seule raison, Noémie, et telle était bien votre volonté.
– Je n’ai jamais avalisé ce protocole ! contesta la jeune femme. Il y avait une décharge à signer au regard de séquelles cérébrales éventuelles ; cette opération à cœur ouvert me semblait de fait bien moins risquée. J’ai aussitôt annulé cette commande… Vous n’auriez jamais dû être conçue !
– Ce choix ne fut certainement pas le meilleur, répliqua Bess, mais nous pouvons encore y remédier, ensemble.
– Je ne veux plus vous écouter ! hurla-t-elle. Partez sur le champ avant de me contraindre à faire feu !
La trentenaire sonda furtivement les alentours en conservant son arme braquée sur sa cible, puis renchérit d’un ton acerbe empreint d’une méfiance quasi paranoïaque :
– J’y vois plus clair ! Vous êtes venue avec l’intention d’usurper mon identité pour éviter d’être mise au rebus !
Sa nervosité venait d’augmenter d’un cran si bien que les tremblements de son doigt malmenaient dangereusement la gâchette du fusil.
«  Risque d’un passage à l’acte, estimation : quatre-vingt-dix pour cent… ».
Bess 2.0 lui adressa un regard consterné en l’accompagnant d’un silence prolongé.
« Tachycardie sinusale augmentée. ».
– Je ne suis pas venue uniquement de mon plein gré, ajouta finalement Bess d’un ton glacial.
Le visage ovale de Noémie se décomposa brusquement.
– Où voulez-vous en venir ? lança-t-elle fébrilement d’une voix à peine audible.
– Je suis navrée de vous l’apprendre ainsi, mais vos parents ont donné leur accord pour procéder à la duplication cérébrale. Ce sont eux qui m’envoient vous trouver.
– Tout cela n’a aucun sens, lâcha-t-elle du bout des lèvres. Ils n’auraient jamais pu faire une telle chose !
Le front plissé de Noémie perlait de sueur. Elle prenait conscience que la situation lui échappait, et plus encore.
– Votre opération chirurgicale ne vous a octroyée que deux ou trois années supplémentaires, tout au plus, poursuivit Bess. Vos parents n’ont pas souhaité prendre le risque de vous perdre à si brève échéance.
– Taisez-vous ! Hurla Noémie au bord de l’asphyxie.
Ses tympans assourdis ne percevaient plus qu’un dixième des paroles de l’humanoïde qui s’évertuait à l’accabler davantage.
– Vos parents devaient choisir une option avant le recyclage de mon modèle. Je représente aujourd’hui leur seule garantie de vous avoir auprès d’eux jusqu’à la fin, du moins dès qu’il m’aura été possible de procéder à cette fusion cérébrale. Essayez de voir les choses autrement, Noémie ! Vos parents misent tous leurs espoirs sur cette ultime démarche, c’est la raison pour laquelle votre bénédiction nous faciliterait indéniablement la tâche.
«  Fibrillation ventriculaire imminente. » .
– Je…
Le visage de Noémie se crispa violemment. Ses yeux gris se révulsèrent puis elle s’écroula dans la neige face contre terre en libérant un dernier râle.
«  Chaque seconde compte, je dois faire vite . ».
Bess extirpa un fil argenté situé derrière sa nuque et s’agenouilla précipitamment à côté de la jeune femme. Elle écarta méticuleusement ses longues mèches bouclées pour positionner l’embout connexe opposé au niveau de son cortex cérébral gauche.
«  Duplication en cours, intégration optimale dans 30 secondes, 29,28… » .
L’opération accomplie, ses doigts entrèrent en contact avec une chaînette argentée enfouie sous les mèches de cheveux effilées de la défunte. Bess défit délicatement l’attache du pendentif et se releva, pour ensuite l’entourer autour de son cou avec un petit sourire ambigu. Pensive, elle caressa le médaillon entre le pouce et l’index et murmura :
– Adieu Noémie.
Chapitre 2 Derniers jour